Clete
Traduction: Christophe Mercier

« L’incontrôlable Clete Purcel retrouve sa Cadillac pillée par un gang lié au trafic de drogue. Il se sent personnellement atteint car sa petite nièce est morte d’une overdose de fentanyl. Il va partir en croisade avec son fidèle ami Robicheaux et mettre au jour une affaire autrement plus complexe et dangereuse. »
James Lee Burke est le meilleur auteur de polars vivant. Souvent imité, jamais égalé, le vieux Texan année après année nous sort un nouvel épisode d’une de ses deux séries. La première suit la famille texane Holland à diverses époques de l’histoire très tourmentée de l’état dont est originaire James Lee Burke. La seconde série qui nous intéresse aujourd’hui, la plus populaire, l’immanquable, l’inimitable est consacrée à « Belle Mèche » Dave Robicheaux, Cajun pur jus, flic par intermittences à New Iberia au fin fond du bayou louisianais. Cette série se compose de vingt-quatre histoires où Robicheaux combat le Mal aidé de Clete Purcel, son fidèle ami depuis leurs débuts ensemble au NOPD, la police de la Nouvelle Orleans. Robicheaux est parti s’installer ensuite dans le bayou pendant que Clete Purcel entamait une carrière de détective privé dans la fournaise de la Big Sleazy. Pour autant, la séparation n’a pas nui à leur amitié, »podnas » pour la vie.
En 2019, Burke avait sorti un roman simplement intitulé Robicheaux censé se centrer sur Dave, un focus qui s’était avéré vain tant la série est déjà centrée sur lui, le clone littéraire de son auteur… Signalons que Robicheaux a été interprété à l’écran en 1996 par Alec Baldwin de manière très anecdotique dans Vengeance froide inspiré de Prisonniers du ciel, le deuxième volet de la saga où se crée vraiment le mythe Dave Robicheaux. Tommy Lee Jones a revêtu aussi le costume du flic de New Iberia qui lui allait impeccablement, magnifié par la caméra du grand Bertand Tavernier dans In the Electric Myst, adaptation du petit bijou Dans la brume électrique avec les soldats confédérés, une des rares histoires dont Clete Purcel est absent.
Consacrer cet opus à Clete Purcel semble être une idée bien plus réjouissante. Et elle le sera particulièrement, mais reconnaissons que les fans de l’auteur vivront également des hauts mais aussi des bas, alternant le meilleur et le moins bon de Burke… et chacun mesurera sa tolérance, sa bienveillance face aux erreurs commises par le meilleur d’entre les meilleurs sur cette histoire. Mais consacrons-nous à ce Clete Purcel, électron libre aux tendances psychopathes avancées, brute épaisse se fondant en gros nounours pour les femmes en difficulté, une énigme et un danger.
Clete tel qu’il se présente au début :
« Dave ne deshonora jamais son insigne, moi, si. J’ai accepté des pots-de-vin de la mafia, j’ai buté acidentellement un témoin fédéral, j’ai dû me tirer vite fait de Big Sleazy et rejoindre les gauchos au Salvador. J’ai aussi travaillé pour les Ritals à Las Vegas, Reno et dans le Montana, où ils tentaient de construire sur Flathead Lake des casinos dans le style du Nevada, ce qui aurait transformé l’Etat en toilettes géantes. »
James Lee Burke est né à Houston au Texas le 5 décembre 1936 et aura donc 89 ans en fin d’année. Chaque année, il nous gratifie d’un nouveau roman. Un bonheur, mais jusqu’à quand cette petite magie ?
Inévitablement, vu son âge, sans vouloir l’offenser, peut-être que certaines fonctions s’affaiblissent. Burke semble connaître une légère faiblesse avec la temporalité, le temps de manière générale. Il y a quelques années, il avait déclaré que sa fille Alafair, auteure également, le suppléait. Mais ça ne semble plus suffire tant certaines erreurs sont regrettables. Que Burke ne soit plus trop au point avec la chronologie, la temporalité on peut aisément le comprendre mais visiblement personne chez l’éditeur ricain n’a fait le boulot. Par le passé, s’étaient déjà produites quelques erreurs mais on faisait semblant de ne pas les voir. Là, reconnaissons qu’il n’y a eu aucun travail éditorial et c’est bien dommage parce qu’on voit rapidement qu’il y a des trucs qui déconnent. Dans ce roman situé en 1998, Burke parait inclure des éléments de 2025 et qui n’étaient d’aucune actualité à l’époque. En 1998, les USA ne souffraient pas encore d’une génération d’ados le portable collé à la tempe et ne subissaient pas non plus une invasion de fentanyl. Plus grave ou plus risible, dans tous les cas, regrettable, Clete, à un moment, s’épanche sur l’extrême solitude de Dave et parle de ses malheurs avec ses épouses et particulièrement de la quatrième, décédée dans un accident de voiture… c’est bien triste tout ça mais totalement déplacé puisque en 1998, Robicheaux ne peut pas la regretter puisqu’elle est bien vivante et qu’il ne l’a pas encore rencontrée. Sept ans après, dans Swan Peak elle part dans le Montana avec Robicheaux pour oublier le traumatisme de Katrina qui s’est produit fin août 2005.
D’autres confusions nées peut-être d’un certain manque de viligance de l’auteur font que les pensées et considérations sur la vie de Clete sont identiques à celles qu’on attribuait avant à Robicheaux. Des réflexions habituelles sur la guerre mais amplifiées, plus loin dans le passé criminel de l’humanité puisqu’on remontera jusqu’à Roland à Ronceveaux.
Cet angle neuf fait parfois apparaitre Robicheaux comme un simple comparse et il faut un petit moment d’acclimation. Ainsi certains souffriront peut-être d’une légère frustration, reconnaissons néanmoins que cette affaire concerne Clete Purcel et il est donc légitime qu’il soit aux commandes de l’hallali. Comment des types ont-ils pu s’en prendre à la Cadillac de Clete ? Suicidaires, inconscients ou complètement ravagés par la dope ? Toucher à la Cad de Clete ? La Pink Caddy de Clete, c’est un symbole, la monture du cinquième cavalier de l’apocalypse. Quand Robicheaux la voit débouler au soleil couchant dans une nuage de poussière, il sait que les ennuis ont commencé, que Clete a encore commis l’irréparable.
On peut s’interroger sur un choix qui fera sourire le lecteur français. Dans le roman intitulé Dans la brume électrique avec les soldats confédérés, Robicheaux était victime d’hallucinations et taillait le bout de gras avec des soldats morts pendant la guerre de Sécession. Pas de jaloux, Burke fait subir le même traitement à Clete Purcel mais dans une version XXL. Clete, lui, est en communication avec…Jeanne d’Arc et son armée de 50 000 soudards français. La Pucelle d’Orléans le guidera tout au long du roman. Sans commentaire…
Alors Clete vaut-il la peine d’être lu ? Evidemment, c’est du Burke, du Robicheaux et c’est même une succulente énorme madeleine de Proust pour les admirateurs de Burke, un roman immanquable. Faisant référence à plusieurs histoires anciennes, Burke ravive les mémoires, fait ressortir des détails cocasses oubliés comme cette liaison improbable entre Clete Purcel et Helen Soileau.
Burke est un écrivain formidable et sa plume, une fois de plus, éclabousse le roman de sa classe. Le vieux cowboy n’a rien perdu de son talent pour balancer des répliques assassines et c’est un régal. Alors, bien sûr, on regrettera que la fin ne résolve pas tous les mystères. Il faudra attendre une suite pour savoir ce qu’il advient de certains nuisibles encore en liberté et de ce mystérieux virus qui menace l’humanité. Mais, avant tout et essentiellement, sachons apprécier à sa juste valeur une nouvelle histoire comme on les aime tant et savourons cette chance d’avoir à nouveau vécu quelques grandes heures avec le duo Dave Robicheaux/Clete Purcel. Merci monsieur Burke.
Clete.
Burke chez Nyctalopes: UN AUTRE EDEN, LES JALOUX , UNE CATHÉDRALE À SOI, NEW IBERIA BLUES, ROBICHEAUX, LA MAISON DU SOLEIL LEVANT, TEXAS FOREVER
PS: une curiosité à la gloire de James lee Burke !












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