The Past Is Never

Traduction: Héloïse Esquié

Alors, la rentrée littéraire, ce n’est pas toujours bon. Parfois, on a l’impression de se faire refiler de la mauvaise came, faut se méfier. Là, dès la couverture, mille fois vue, on soupçonne l’arnaque. Combien de couvertures avec des marécages, la mangrove ou le bayou pour des histoires n’ayant rien à voir? A croire que le sud des USA est une immense mangrove. Bon d’accord, la référence à “Là où dansent les écrevisses” de Delia Owens semble néanmoins confirmer que le roman sera, en partie au moins, aquatique. A la lecture de la quatrième de couverture, vous sombrez déjà dans l’ennui avant d’avoir ouvert le roman. Pitié, pas une disparition d’enfant de plus…L’auteure, inconnue chez nous, a-t-elle cru au pouvoir de sa plume pour se différencier sur un terrain déjà outrageusement labouré ou a-t-elle voulu tout simplement emprunter un chemin déjà bien balisé ? Des a priori bien mal à propos, le roman est divin et très loin de ce qu’il laisse présager.

“White Forest, Mississippi. Cachée au milieu de la forêt, la carrière fascine autant qu’elle inquiète. On murmure que des esprits malveillants se dissimulent dans ses eaux profondes. Par une chaude journée d’été, Roberta et Willet bravent toutes les superstitions pour aller s’y baigner avec leur petite soeur, Pansy. En quête de baies, ils s’éloignent de la carrière. Quand ils reviennent, Pansy a disparu.

Quelques années plus tard, Roberta et Willet, qui n’ont jamais renoncé à retrouver leur sœur, suivent un indice qui les mène dans le sud de la Floride. C’est là, dans les troubles profondeurs des Everglades, qu’ils espèrent trouver la réponse à toutes leurs questions.”

Dès le début, avec une plume impeccable, Tiffany Quay Tyson va écrire un roman autre, différent de la norme. Elle va conter bien sûr les recherches, le désespoir des parents, les soupçons, les rumeurs mais aussi d’autres histoires à travers le temps sur ce lieu maudit où la petite a disparu. Elle va retracer l’histoire de cette carrière, remonter jusqu’aux esclaves qui l’ont creusée, son exploitation, ses sales histoires, les fondements de cette malédiction. Si au début ces histoires peuvent être vues comme des digressions magnifiquement racontées à une histoire de recherche d’enfant, elles deviennent rapidement le tissu principal de la trame. Petit à petit, ces récits font sens pour le lecteur, ce passé connu permet ou aide à la compréhension des actes d’aujourd’hui.

Tous les personnages sont passionnants, sujets à débats… héros ou salauds, les interprétations sont nombreuses. Malgré une histoire souvent dure, certains personnages sont vraiment solaires. Le roman dégage une chaleur, un truc qui réchauffe même dans les heures les plus désespérées. Toujours une main tendue, un regard, une parole qui réconforte, un silence qui apaise, des gestes simples mais précieux.

Toutes ces histoires, ces destins, ces disparitions, ces lieux poseront les bases d’une famille selon Clémentine, cœur vibrant du livre. Un profond sommeil brille par son histoire douloureuse mais superbe, par son évocation d’un fleuve et par la construction brillante de Tiffany Quay Tyson. Sa plume chaleureuse et aimante bouleversera certainement plus d’un lecteur.

“Lui et Fern avaient huit ans quand leur père les abandonna sur le bord de la route. On l’appelait Junior à l’époque, le premier des nombreux surnoms qui lui colleraient à la peau toute sa vie. “Prends soin de ta soeur”, lui avait recommandé son père avant de monter dans un train en direction du nord. Ils ne se désolèrent pas de son départ. Ils en étaient encore à se faire à la perte de leur mère”.

Clete