On aime bien les romans de Caroline de Mulder qui avait déjà entamé une belle carrière avant de nous conter comment accommoder les faons dans « Manger Bambi ». Pour BYE BYE ELVIS, en 2014 chez Actes Sud, elle s’emparait de bien belle manière d’un des plus grands mythes américains. Du coup, on lui a proposé notre vieux questionnaire déjà bien usé sur son rapport avec L’Amérique. Caroline s’y est prêté avec sérieux et célérité et on l’en remercie.
- Première prise de conscience d’une attirance pour l’Amérique
Vers l’âge de treize-quatorze ans, je lisais beaucoup de westerns, je les empruntais pour ainsi dire au kilo à la bibliothèque communale. Ceux de Louis L’amour, notamment ; parmi d’autres, j’ai retenu ce nom. Pendant cette période, j’attachais même systématiquement un foulard triangulaire par-dessus ma chemise en jeans.
- Une image
La première couverture (non commercialisée) de Bye bye Elvis. Un portrait qui représente Elvis jeune, mais qui, légèrement retouché par la graphiste, évoque un masque figé, cireux, presque mortuaire. Il transpire l’angoisse et exprime la fixité, l’ombre, la mort. Elvis a été rapidement prisonnier de son image, réduit à elle et dévorée par elle. Il a vécu dans son ombre et sans doute n’est-ce pas un hasard si l’une des premières choses qu’il s’est mis à détruire, était sa beauté et son apparence – son image.
- Un événement marquant
Le débarquement, qui a laissé derrière lui le vaste cimetière américain de Colleville-sur-mer, très impressionnant et émouvant. Beaucoup de ces soldats n’avaient pas vingt ans. À ce sujet, la formidable série Band of Brothers de Steven Spielberg et Tom Hanks, qui permet au spectateur d’être au plus proche de ce qu’a pu être cet événement vécu de l’intérieur par ces très jeunes hommes.
- Un roman
La Route de Cormac MacCarthy. Puissant, lyrique, étrangement lumineux.
- Un auteur
Hubert Selby Jr. Le style, c’est l’homme.
- Un film
The Night Of The Hunter de Charles Laughton.
- Un réalisateur
David Fincher, notamment pour sa série Mindhunter.
- Une série
GODLESS de Scott Frank. Image et cadrages magnifiques, un scénario solide. L’Amérique dans toute sa beauté et toute sa noirceur.
- Un disque
Don’t be cruel/ Hound dog
- Un musicien ou un groupe
Kurt Weill
- Un personnage de fiction
Skyler Rampike dans My Sister My Love de Joyce Carol Oates.
- Un personnage historique
Calamity Jane
- Une ville, une région
Les Keys, rouler pendant des heures dans le ciel, regarder des ponts désaffectés envahis par les oiseaux.
- Un souvenir, une anecdote
Ma nuit toute seule dans un abri de fortune le long de l’Appalachian trail en plein milieu d’une forêt de conifères sombres. Sous l’abri entièrement ouvert sur un côté (et qu’en étudiant la carte topographique j’avais imaginé être un gîte d’étape), un genre de mezzanine censée vous mettre hors de portée des ours. Il y avait une pancarte « Beware the bears. They ‘re out and they ‘re hungry ». Pas d’eau, pas d’électricité, personne. La nuit tombait, elle fut longue.
- Le meilleur de l’Amérique
L’auto-stop. Les Etats-Unis sont le paradis des autostoppeurs qui n’ont pas froid aux yeux. Les rares fois où, levant le pouce, le premier automobiliste ne s’arrête pas, c’est forcément le deuxième, qui vous embarque dans un élan d’humanité et de panique, « I can’t believe you are hitch-hiking ». À vingt ans, j’étais émerveillée de la facilité avec laquelle je taillais la route sur le pouce. C’est la seule fois qu’un chauffeur (qui avait une fille de mon âge) a fait pour moi un détour de près d’une centaine de kilomètres, pour m’éviter de faire du stop dans une région peuplée de ce qu’il appelait des « wood people » – l’expression m’est restée.
- le pire de l’Amérique
L’auto-stop, quand on n’a pas de chance.
- Un mot.
Nuts ! (General McAuliff)
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Entretien réalisé par mail, il y a fort longtemps…
Et puis pour terminer, The Doors interprétant Kurt Weill.
Clete.
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