« Dans une ville de San Francisco dominée par les nouvelles technologies, les vieilles arnaques ne font plus recette. C’est désormais avec des Smartphones ou sur le Net que se font les coups fourrés. Klinger traîne ses guêtres au Howse Hole, un rade sordide du quartier de Tenderloin. Petit délinquant désabusé, il se laisse aller malgré lui à faire confiance à une femme dont l’irruption dans sa vie a tout d’exceptionnel. Et il se fait rouler dans les grandes largeurs… »
Jim Nisbet, grâce à Rivages, est peut-être plus reconnu chez nous qu’aux USA. Vivant à San Francisco, la ville, qu’il semble connaître à fond y compris dans ces parties les plus obscures, lui sert souvent de décor. Parler d’un roman de Jim Nisbet n’est pas chose aisée tant l’écrivain peut partir dans des délires ou dans des chapitres montrant sa grande connaissance de sujets qui lui tiennent à coeur comme la navigation dans son précédent roman « traversée vent debout »daté de 2012 ou le marché de l’art dans « le codex Syracuse » romans parfois un peu touffus pour le lecteur s’attendant à un polar ordinaire. Un peu comme chez William Bayer, c’est le travail méticuleux d’un grand artisan. Parallèlement Nisbet peut aussi écrire des romans beaucoup plus brefs, qui cognent parfois de manière totalement abominable tant la noirceur et la violence sont fulgurantes comme chez Jim Thomson. Mais à la différence de son glorieux aîné, Nisbet est capable d’adoucir son propos par un humour forcément noir voire gore comme dans « Prélude à un cri », roman noir qui m’a marqué à vie et me sert depuis longtemps d’étalon pour mesure le degré d’effroi d’un bouquin.
Pour « Petit traité de la fauche », Nisbet innove en choisissant d’aborder un ton ouvertement humoristique qu’on ne lui connaissait pas réellement auparavant. Attention, comme à son habitude, ces personnages sont des ratés, des rejetés,des alcoolos, des toxicos, des petites frappes partageant leur vie entre la taule et la rue où ils accomplissent de médiocres larcins leur permettant de vivre ou de survivre.
Klinger est l’un d’eux ni pire ni meilleur, rendu néanmoins attachant par sa manière d’être désabusée et c’est lui que l’on va suivre pendant quelques heures de sa triste existence de raté dans les rues de San Francisco où il s’est installé durant les années 70 et dont il continue à battre le pavé quarante ans plus tard. Plus victime que coupable, Klinger apparaît à la première page avec une misérable collision de sa voiture volée avec un lampadaire et le reste de son histoire sera au diapason de ce premier gros plantage avec néanmoins de multiples situations surréalistes dans des bistrots pourraves faisant venir abondamment les sourires.
Reprenant aussi le thème de la femme fatale dans une ville continuellement douchée par la pluie, Jim Nisbet crée donc l’archétype d’un bon roman noir qui ravira les amateurs de l’auteur et qui sera un bonne entrée en matière pour découvrir la belle écriture du maître et son troublant univers pour les autres.
Efficace!
Wollanup.
J’ai bien aimé ce roman. Avec le temps, ce petit traité de la fauche laisse une trace tenace. Lors de mon dernier voyage à SF, quand je me promenais dans le quartier de North Beach, je n’ai pas arrêté d’y penser. Klinger est un sale type mais c’est vrai qu’au fil des pages, on finit par l’adopter. 😉
Beaucoup de romans de Nisbet m’ont laissé un souvenir tenace.
C’est toujours sympa de pouvoir arpenter les lieux du « crime ».J’en avais fait aussi l’expérience en suivant la trace de Scudder à NY.
Ce sont ces romans que je préfère. Ils n’ont rien de spectaculaire dans la forme et le contenu, mais il me parle.
Un agencement extraordinaire de l’ordinaire.
Mon entrée dans son univers fut « Injection Mortelle » puis « Prélude à un Cri », son univers ciselé construit sur, parfois, des faits banals accouche d’histoires fortes et hypnotisantes. Noires et exploratoires ces écrits restent dans mon panthéon des auteurs du genre! J’ai un petit faible pour mon premier, parce que c’était le premier ou est-ce le plus abouti? Je ne sais pas.