Chroniques noires et partisanes

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UN MOMENT DE DOUTE de Jim Nisbet / Editions Abstractions

A Moment of Doubt

Traduction: Jean-Yves Cotté

Jim Nisbet, auteur bien noir disparu en 2022, dont on m’a vanté les mérites mais que je n’avais pas encore pris le temps de lire, fait un retour posthume. Ce sont les éditions Abstractions qui publient Un moment de doute, roman initialement publié outre-atlantique en 2010, quand bien même en France l’auteur semblait lié à l’éditeur Rivages. 

Est-ce pour moi une bonne idée de découvrir Jim Nisbet en commençant pas sa dernière publication ? Ce n’est pas certain. Un moment de doute n’est peut-être pas la porte d’entrée la plus facile pour s’initier à son travail.

Un moment de doute nous plonge dans le San Francisco des années 80 aux côtés d’un écrivain de romans policiers. Celui-ci est en pleine écriture de son nouveau roman mettant en scène le détective Martin Windrow, un nom familiers des habitués de Jim Nisbet. Notre narrateur a une relation particulière à la technologie, l’amenant même à pirater la base de données d’un éditeur pour manigancer toutes sortes de choses, mais aussi avec sa logeuse, dont il doit certes payer le loyer, mais aussi satisfaire l’appétit sexuel. Il perd petit à petit les pédales en écrivant son livre et se ressource dans un cinéma porno.

Dans ce roman de Jim Nisbet, la frontière entre réalité et fiction est poreuse, pour son narrateur, autant que pour Jim Nisbet lui-même. Peut-être plus qu’un roman, parlons plutôt de méta-roman. Un moment de doute est surtout une réflexion alambiquée sur l’écriture, et plus spécifiquement sur l’écriture de romans policiers, tortueusement écrit et avec beaucoup de noirceur, mais non sans humour. Pour ma part, le propos ne m’a pas toujours paru évident à saisir, et le fait de ne pas connaître l’oeuvre de Jim Nisbet y est certainement pour beaucoup, mais la dimension exagérément lubrique du livre et le langage informatique utilisés à outrance, aussi. Ici, Nisbet a un peu la main lourde à mon sens, et cela peut sembler relativement gratuit.

Il m’est difficile d’exprimer un avis clair sur Un moment de doute, ce qui arrive mais est toujours frustrant. Ce n’est, pour ma part, ni un bon, ni un mauvais roman, mais avant tout une curiosité littéraire qui aura certainement un intérêt plus affirmé pour les amateurs de Jim Nisbet, mais dont les qualités d’écriture qui sont indéniables, pourront aussi séduire les plus aventureux. Pas le livre le plus évident à sortir pour un éditeur, ni le plus évident à aborder en tant que lecteur, mais peut-être est-ce bel et bien là sa force.

Brother Jo.

PETIT TRAITÉ DE LA FAUCHE de Jim Nisbet /Rivages Noir.

« Dans une ville de San Francisco dominée par les nouvelles technologies, les vieilles arnaques ne font plus recette. C’est désormais avec des Smartphones ou sur le Net que se font les coups fourrés. Klinger traîne ses guêtres au Howse Hole, un rade sordide du quartier de Tenderloin. Petit délinquant désabusé, il se laisse aller malgré lui à faire confiance à une femme dont l’irruption dans sa vie a tout d’exceptionnel. Et il se fait rouler dans les grandes largeurs… »

Jim Nisbet, grâce à Rivages, est peut-être plus reconnu chez nous qu’aux USA. Vivant à San Francisco, la ville, qu’il semble connaître à fond y compris dans ces parties les plus obscures, lui sert souvent de décor. Parler d’un roman de Jim Nisbet n’est pas chose aisée tant l’écrivain peut partir dans des délires ou dans des chapitres montrant sa grande connaissance de sujets qui lui tiennent à coeur comme la navigation dans son précédent roman « traversée vent debout »daté de 2012 ou le marché de l’art dans « le codex Syracuse » romans parfois un peu touffus pour le lecteur s’attendant à un polar ordinaire. Un peu comme chez William Bayer, c’est le travail méticuleux d’un grand artisan. Parallèlement Nisbet peut aussi écrire des romans beaucoup plus brefs, qui cognent parfois de manière totalement abominable tant la noirceur et la violence sont fulgurantes comme chez Jim Thomson. Mais à la différence de son glorieux aîné, Nisbet est capable d’adoucir son propos par un humour forcément noir voire gore comme dans « Prélude à un cri », roman noir qui m’a marqué à vie et me sert depuis longtemps d’étalon pour mesure le degré d’effroi d’un bouquin.

Pour « Petit traité de la fauche », Nisbet innove en choisissant d’aborder un ton ouvertement humoristique qu’on ne lui connaissait pas réellement auparavant. Attention, comme à son habitude, ces personnages sont des ratés, des rejetés,des alcoolos, des toxicos, des petites frappes partageant leur vie entre la taule et la rue où ils accomplissent de médiocres larcins leur permettant de vivre ou de survivre.

Klinger est l’un d’eux ni pire ni meilleur, rendu néanmoins attachant par sa manière d’être désabusée et c’est lui que l’on va suivre pendant quelques heures de sa triste existence de raté dans les rues de San Francisco où il s’est installé durant les années 70 et dont il continue à battre le pavé quarante ans plus tard. Plus victime que coupable, Klinger apparaît à la première page avec une misérable collision de sa voiture volée avec un lampadaire et le reste de son histoire sera au diapason de ce premier gros plantage avec néanmoins de multiples situations surréalistes dans des bistrots pourraves faisant venir abondamment les sourires.

Reprenant aussi le thème de la femme fatale dans une ville continuellement douchée par la pluie, Jim Nisbet crée donc l’archétype d’un bon roman noir qui ravira les amateurs de l’auteur et qui sera un bonne entrée en matière pour découvrir la belle écriture du maître et son troublant univers pour les autres.

Efficace!

Wollanup.

 

 

 

COMMENT J’ AI TROUVÉ UN BOULOT de Jim Nisbet/ Rivages noir

« Curly, musicien de bas étage, au crâne tatoué d’une pieuvre, gagne sa croûte de son mieux dans les troquets de San Francisco. Ivy est un ancien musicien camé jusqu’aux yeux, à l’encyclopédique savoir en matière de psychotropes. Leur copine Lavina, fourgueuse de came et, à l’occasion, recouvreuse de dettes impayées, doit aller récupérer du matériel de musique acheté à crédit par un certain Stefan Stepnowski. Mais ce dernier s’est envolé – qu’importe, ils se lancent à sa recherche. Lorsqu’ils se retrouvent, en pleine nuit dans un entrepôt désert, Stepnowski baigne dans son sang et… on lui a piqué ses chaussures. De fil en aiguille, ce trio baroque se retrouve sur la piste d’un tueur aussi brillant qu’insoupçonnable. »

Une lente descente inexorable rythmée par un atavisme de l’addiction et les pertes engendrées de repères, de morale et de racines. Le sordide se marie avec la paupérisation des marginaux éternellement confrontés aux faux-semblants et autres utopies. Bouleversant, poignant, viscéral, brut et dégoulinant d’humeur putride!  Bref du Nisbet…

Chouchou.

 

 

 

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