The Caretaker

Traduction: Isabelle Reinharez

Ron Rash est très certainement une des plus belles plumes américaines de l’époque. Depuis dix ans, il nous raconte des drames, des histoires de gens de sa région la Caroline. Situant souvent ses intrigues dans le passé, il laisse à son collègue David Joy tout loisir de raconter avec aussi beaucoup de talent des histoires plus récentes, plus noires, animées par le désastre de la came dans ces régions montagneuses un peu perdues que les deux auteurs chérissent et peignent de si belle manière.

Ron Rash raconte le destin de gens de chez lui, ordinaires, et qui vivent des tragédies qui les dépassent. Certains romans sont très noirs, d’autres beaucoup moins ou encore quasiment pas comme Une tombe pour deux. Le seul épisode violent se situe au tout début avec un corps à corps dantesque, à l’arme blanche, de deux soldats sur un lac gelé en Corée en 1955. Auparavant, une épigraphe de Giono montre l’esprit du roman. « Tout ce que vous entassez hors de votre cœur est perdu. »

« Les Hampton, propriétaires de vastes terres, de la scierie et du magasin général de Blowing Rock, petite ville de Caroline du Nord, désapprouvent l’amitié que leur fils Jacob porte à Blackburn, croque-mort défiguré et boiteux à la suite d’une polio. Et plus fortement encore son mariage avec la très jeune Naomi, fille d’un paysan sans le sou. Profitant de l’éloignement de Jacob, parti combattre en Corée après avoir confié Naomi à son ami, ils élaborent un plan inqualifiable justifié à leurs yeux par une certaine idée de l’amour parental. En fait, il s’agit surtout de protéger leurs intérêts et l’honneur de la famille. »

Il serait criminel d’en dévoiler plus sur cette cruelle supercherie. La grande question posée ici par Rash est tout simplement : jusqu’où sommes-nous capables d’aller par amour ? Dans le bien mais également dans le mal… comme l’auteur n’aura de cesse de nous le démontrer tout au long de ce roman bouleversant. On peut légèrement regretter le titre français qui donne une petite impression de western spaghetti qu’il n’est nullement et qui met en pleine lumière le couple Jacob et Naomi, particulièrement touchant. Mais le titre original The Caretaker éclairait beaucoup plus Blackburn, gardien de cimetière, pauvre môme malade, défiguré par la polio, à l’âme noble qui va prendre soin de Naomi puis de Jacob, ses seuls amis.

Roman admirable, habité par une grâce à laquelle Ron Rash nous a souvent habitués, Une tombe pour deux ravira tous les amateurs de sa plume et laissera peut-être sur leur faim les lecteurs plus avides de noirceur.

Clete

Du même auteur dans nos colonnes: LE CHANT DE LA TAMASSEE , PAR LE VENT PLEURÉ, UN SILENCE BRUTAL, PLUS BAS DANS LA VALLÉE.