On avait découvert Marc Trévidic lors d’entretiens qu’il accordait aux médias en sa qualité de  juge d’instruction au pôle antiterroriste du tribunal de grande instance de Paris il y a une dizaine d’années. La France était alors frappée de plein fouet par des barbares qui flinguaient sa jeunesse et la voix de Marc Trévidic tentait de nous faire comprendre l’inexplicable. 

L’actuel président de chambre à la cour d’appel de Versailles, a déjà une belle œuvre littéraire à son actif: essais, BD, romans mais une arrivée à la Série Noire attire néanmoins méchamment l’attention chez nous. Même si l’intrigue est bien basée sur un épisode marquant de sa carrière de juriste, l’auteur ne traitera pas ici la lutte contre le terrorisme, une autre fois peut-être ?

« Jusqu’à sa suppression en 1999, la huitième section du parquet de Paris, composée de six magistrats, dirigeait les enquêtes des crimes et délits flagrants. Toute la misère parisienne passait entre ses mains : les toxicos, les sans-papiers, les casseurs dans les manifs, les délinquants professionnels mais également les serial killers…

Faire revivre la Huit, un jour, dans un livre, est une envie qui n’a jamais quitté Marc Trévidic.

Au côté de Lucien Autret, substitut du procureur, le lecteur découvre au petit matin, à l’heure du ramassage des ordures, un corps dans une grosse poubelle de la Ville de Paris. L’homicide volontaire ne fait aucun doute, mais la brigade criminelle n’arrive pas à identifier la victime. »

On suit donc Lucien au taf avec ses doutes, ses procédures, ses retards, ses inconnues, ses dossiers qui s’empilent, des flics et des magistrats au bord de la rupture physique et/ou psychologique, des obsessions qui vous bouffent et puis l’horreur toujours l’horreur, jour après jour… retourner à la tâche, à la chasse aux indices pour trouver l’identité d’une victime, la volonté honorable de donner une identité à un mort qui n’en avait plus aucune de son vivant.  Carré, documenté sans excès, pointu, le début de Huitième Section s’avère un outil performant de compréhension de l’articulation Police/Justice sur le terrain, de voir les hommes et les femmes en première ligne. On se plaint parfois d’aller au boulot, ces gens-là partent à la guerre tous les matins.

Puis, au bout de quelques dizaines de pages apparaît une autre voix, une gamine au caractère bien trempé, dernière fille du commissaire de police à Fez au Maroc, heureuse dans sa famille et éblouie par la beauté de son pays. A part un infime détail qui vous échappera peut-être, impossible de voir le lien avec l’histoire même si on se doute que les deux intrigues se croiseront pour se retrouver à la fin, au bout d’un drame qui mettra en évidence le très dur statut de la femme marocaine.

En alliant une description pointue de l’administration de la justice depuis le premier front de la misère et de la criminalité à une tragédie familiale poignante et prenante, Marc Trévidic offre un roman tout à fait convaincant et effectue une entrée séduisante dans le polar.

Clete.