The Only Good Indians.
Traduction: Jean Esch
“Un bon Indien est un Indien mort” signe l’arrivée de l’auteur amérindien Stephen Graham Jones chez Rivages. Il a déjà une trentaine d’ouvrages à son actif, un seul chez nous, et met ici en lumière des jeunes issus, comme lui, de la tribu des Blackfeet. Nombreux sont maintenant les auteurs amérindiens à raconter l’histoire et le présent de leur peuple. On pourra maintenant ajouter à cette liste Stephen Graham Jones, tout en notant sa grande différence dans le contenu avec des écrivains comme Joseph Boyden, Louise Erdrich, Tommy Orange ou Sherman Alexie. Par sa description d’une jeunesse indienne désorientée, on pourrait le rapprocher un tout, tout petit peu de Ici n’est pas ici de Tommy Orange.
« Quatre amis d’enfance, qui ont grandi dans une réserve amérindienne du Montana, sont hantés par le fantôme d’une femelle élan. Dix ans auparavant, ils ont massacré un troupeau lors d’une partie de chasse illégale. »
Ben ouais, ce ne sont pas des mauvais bougres, nos quatre gugusses, sont juste un peu cons. Ça partait pourtant d’une intention louable et puis ça a merdé gravement. Et dix ans après, ils vont payer pour leurs fautes. Leur connaissance beaucoup trop limitée du « catéchisme » indien fait qu’ils ne comprennent pas tout de ce qui commence à se tramer autour d’eux. Faut vraiment pas plaisanter avec les coutumes chez les Blackfeet parce que la réponse divine est terrible. Le pardon, la miséricorde, pas en catalogue. Quatre amis séparés par la vie, deux sur la réserve et deux en dehors, vont affronter un ennemi invisible, invincible et cruel. Le roman est particulièrement addictif, surprenant par ce climat inquiétant et constant d’incertitude basculant souvent dans l’effroi, l’horreur. Predator version Blackfoot.
Un bon Indien est un Indien mort offre, par ailleurs, un bel instantané sur une jeunesse amérindienne désorientée comme chezTommy Orange. Mais surtout, ne désirant pas non plus égarer les plus sensibles, sachez que si Jones fait nouvellement dans le polar et dans le noir comme ici, il est surtout connu comme un spécialiste de littérature d’horreur, un peu comme Lansdale à ses débuts, d’ailleurs cité en fin d’ouvrage comme une grande référence. Et du coup, l’auteur n’a pas pu s’en empêcher, il s’est pas mal lâché et quelques scènes tournent de manière très prononcée au massacre, à la grande boucherie. On est très loin des facéties de Un blues de coyote de Christopher Moore.
Ça rigole pas dans le Montana, les dieux y sont particulièrement ombrageux et ça pique quand même un peu. Mais quand on a bien intégré la mise en garde, Un bon Indien est un Indien mort s’avère être un effroyable petit joyau rock n’roll.
Clete
PS: Entretien à America à venir.
Les avis sont contrastés sur ce titre. Par ailleurs, il y en a déjà eu un de traduit à La Volte : « Galeux » en 2020.
Et je comprends bien les avis contrastés, j’ai prévenu de l’aspect salement gore… Oui « galeux », j’avais vu aussi, merci Sandrine.
au départ j’ai failli l’abandonner….et puis il y a eu cette scène avec le chien écrasé dans le garage, et là je ne l’ai plus lâché; les temps « morts » sont un peu lents ….mais dès le retour du « fantôme » on a du mal à le lâcher. Cette succession de scènes violentes est hypnotique .
Une sacrée expèrience de lecture si je puis dire 😉
Hypnotique, c’est le mot, tu as raison Katell. Dans quelques jours, un entretien avec Stephen Graham Jones réalisé à America où il explique sa démarche.