Tor. Tretze cases i tres morts
Traduction: Marc Audi
Le hameau isolé de Tor, perché dans les Pyrénées orientales, est tristement célèbre pour une série de meurtres qui ont eu lieu entre les années 1980 et 1990. À l’occasion d’un reportage en 1997 sur l’un des trois meurtres, toujours non élucidé, le journaliste Carles Porta découvre un monde à part, fait de contrebande, de manigances et de luttes internes pour la propriété de la montagne.
Amatrices et amateurs d’enquêtes singulières, si vous ne connaissez pas encore l’adresse, je ne peux que vous inviter à jeter un œil du côté des éditions Marchialy qui sont pour moi une référence incontournable en la matière. Non seulement vous aurez le contenu, mais aussi de biens belles éditions aux visuels soignés. Ceci étant dit, attaquons nous à cette nouvelle publication, Tor : Treize maisons et trois morts, signée Carles Porta, longtemps journaliste pour TV3, une chaîne de télévision publique catalane en Espagne.
Le hameau de Tor peut nous paraître bien loin à nous lecteurs. Grâce à internet, il est possible de s’y promener un peu, histoire de voir à quoi nous avons à faire. Quelques grandes maisons et une église, effectivement très isolées, entourés de très beaux paysages montagneux. Un cadre assez idyllique dans son genre, apaisant à regarder, qui semble idéal pour y couler des jours tranquilles. Pour autant, difficile de s’imaginer une ambiance de voisinage aussi délétère que celle relatée par Carles Porta dans son livre.
Dans le cadre de son travail au sein de la chaîne de télévision TV3, et avec bien sûr l’aval de sa hiérarchie, Carlos Porta se met en tête de réaliser un reportage sur Tor, ses habitants et plus spécifiquement un meurtre non résolu. Il s’entoure d’une petite équipe pour mener son enquête et se retrouve vite embarqué dans un bourbier sans nom. Le meurtre en question est un peu l’arbre qui cache la forêt. Les règles qui régissent la petite communauté de Tor sont chaotiques, assez hors du commun, et les gens qui en font partie sacrément hauts en couleurs. De quoi se demander si l’isolement ne les a pas tous un peu rendu fous.
Ce livre est avant tout le journal intime d’une enquête. On y suit sa construction et son évolution, étape par étape, ce qui au fil des pages prend tout autant de place que l’histoire en elle-même. Comprenez par là que l’on est amené à vivre les mêmes piétinements que notre petite équipe dans leur travail. Aussi, on réalise quand même rapidement que ce meurtre non résolu restera non résolu, et que cette enquête est vouée à l’échec. Rien que de parer aux innombrables manquements policiers et juridiques semble assez vain. Ce n’est pas un constat qui pousse franchement à la lecture, mais il faut s’en accommoder pour pouvoir être en mesure d’apprécier les faits relatés, qui valent quand même leur pesant de cacahuètes.
L’excentricité des protagonistes et les discours plus farfelus les uns que les autres, rendant l’enquête justement nébuleuse, nourrissent une atmosphère assez surréaliste qui nous embrume un peu le cerveau et nous demande un minimum d’attention pour suivre. Aussi, le mélange des langues catalane et espagnole, traduites ici, laisse dire que l’on manque peut être quelques subtilités de langage mais cela n’entache pas la lecture. La seule chose, pour ma part, que je trouve assez discutable, c’est la propension que l’auteur a à faire des commentaires assez peu objectifs, pour ne pas dire avilissants sur certains protagonistes là où une certaine distance s’imposerait, sans parler de ceux que l’on peut juger misogynes quand il s’agit de femmes. Cela mis à part, il est intéressant d’assister à tout le processus qui entoure cette enquête et il est assez facile de partager la curiosité de Carles Porta pour son sujet.
Tor : Treize maisons et trois morts embarque le lecteur dans une enquête assez improbable où il est difficile de déceler ce qui tient de la vérité où du mensonge. Il y a quelque chose de pourri à Tor et nul ne semble assez armé pour y remuer tout la merde qu’il y a à y remuer. Une toute petite communauté déchirée par quantité de secrets, de magouilles et de crimes crapuleux. Bonjour l’ambiance !
Brother Jo.
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