White City
Traduction: David Fauquemberg

«– Il est où, Papa ?
– Au travail, j’imagine.
– Elle voulait quoi, Maman ?
– Que j’éteigne le soleil. »
Nees haussa les épaules, cette requête n’étant pas la plus impossible que leur mère eût jamais faite.»
Tout est là, dans les premières pages du livre, le début d’une histoire discrète : Un papa jamaïcain soudainement absent, une mère déjà à la dérive, une fillette, Addly, qui va devoir prendre en charge sa petite sœur Nees, et un adorable petit voisin, Chabon, débrouillard et généreux… Des enfants qui vont devoir grandir avec le manque d’argent, de nourriture, le logement insalubre, les escrocs et la peur. Il y a un autre père qui ne rentre pas non plus à la maison, le mari de Claire et le papa de Ray… Nous allons les suivre dans leurs tourments dans cette ville de Londres de 1952 jusqu’aux émeutes raciales de Notting Hill en 1958.
Mais où est le spectaculaire ? le braquage du fourgon postal ? le plus grand vol de l’histoire britannique ? celui qui affole, politiques, flics et médias ? N’est- il pas le sujet principal du livre ? Le déclencheur sans doute, mais on peut ne pas lui accorder la vedette…On connaît d’ailleurs tout de suite les coupables : Teddy Nunn alias « Mother », lieutenant sanguinaire de Billy Hill, chef de la pègre…Mother qui va avoir la cruauté d’exécuter les quatre braqueurs …une vraie boucherie…
Alors on revient à cette ville ravagée par les bombes nazies de la deuxième guerre mondiale, qui tarde à se reconstruire, « ses zones d’anéantissement » que se partagent les enfants pauvres et les rats. Les quartiers délabrés et les bars malfamés, empires du racket et de la drogue, dans lesquels navigue un personnage ambigu et torturé, blessé, trahi, Dave Lander :
«Perché depuis six ans sur le fil du rasoir entre flics et gangsters, Lander ne voyait plus guère de différence entre les deux. Peu lui importait»
Les personnages sont complexes, attachants ou odieux, mais toujours bien travaillés. Mais… (et c’est tellement dommage !) on peut regretter des passages confus avec quelques redites, des erreurs dans le nom des personnages : l’auteur lui-même confond Ray et Chay : Charles Bonamy, alias Chabon ou Chay…mais comment ne pas s’y perdre ?
Ce deuxième roman de Dominic Nolan (en 2024 paraissait Vine Street), est aussi un polar très dense et de belle facture. Il raconte plusieurs histoires tissées au sein d’une société en crise et aux prises avec les premières vagues d’immigration : A la fin du livre, quelques centaines de Blancs, les Teddy Boys , s’en prendront aux gens de couleur, aux cris de « Keep Britain White ».
Se rappeler que le 13 septembre 2025, ils étaient 150 000 manifestants d’extrême droite à défiler dans ces mêmes rues de Londres, réunis sous le slogan « Unite the Kingdom » et sur leurs pancartes on pouvait lire « renvoyez-les chez eux »…
Un sombre et admirable roman, avec, en équilibre précaire, la violence et la chaleur d’une humanité qui veut garder quelques éclats d’espoir.
Soaz









Commentaires récents