Comme la collection fête ces temps-ci ces vingt bougies, il me semble judicieux de souligner, amitié et respect mis à part, toute la richesse de la littérature nord-américaine que nous apporte depuis de longues années Francis Geffard, par le biais de l’indispensable collection « Terres d’Amérique ». Alors, il paraît que le libraire a parfois du mal à placer sur ses étals ces romans hésitant entre littérature noire ou blanche…mais toujours de grande qualité littéraire. Personnellement, foudroyé par « la culasse de l’enfer » de Tom Franklin en 2005 je reste maintenant à l’affût des sorties.
Francis Geffard, aime, respecte, admire vraiment « ses » auteurs, vous n’avez qu’à l’observer en salon à « Etonnants Voyageurs » ou tous les deux ans à Vincennes pour son salon « América » pour comprendre. Désireux de montrer l’auteur à la genèse de son œuvre, dans ses premiers efforts créatifs Francis Geffard publie les recueils de nouvelles de ces auteurs naissants. Alors, je sais bien que le lectorat français n’est pas très friand de ce type de littérature. Et pourtant, les nouvelles nous montrent un auteur, dans ses premiers travaux, ses premières copies puisqu’aux USA, la plupart des écrivains ont commencé dans des ateliers d’écriture ou dans des formations dispensées par les universités. Le lecteur attentif pourra parfois deviner la future ligne du premier roman qu’écrira l’élève d’après ses premières copies parfois déjà talentueuses, parfois très scolaires, engoncées mais toujours le fruit d’un travail acharné. On a pu ainsi connaître le bonheur par exemple de lire les nouvelles de Craig Davidson ou de Boyden avant de dévorer leurs romans ces temps derniers. L’année dernière nous sont arrivées les nouvelles de Poissant, créant une furieuse envie de lire son premier roman.
Tout cela peut bien sûr être considéré, et à juste titre, comme du cirage de pompes mais c’est aussi une reconnaissance pour un éditeur qui ne considère pas les bloggeurs comme des gens qui pondent quelques lignes pour pouvoir lire des nouveautés gratuitement et avant les autres. Un seigneur! Alors le gag serait de dire maintenant que ce recueil est une daube mais, hélas, on repassera pour l’humour, « les invisibles « ,c’est du tout bon.
Déjà récompensé par le Flannery O’ Connor Award ce livre se compose de 11 nouvelles qui ont déjà publiées dans des magazines aux USA et regroupées sous le titre « les invisibles ».
« Une institutrice est séquestrée par deux marginaux dans le sous-sol de son école, avec l’un de ses élèves. Une adolescente de dix-sept ans en vient à envier ses meilleurs amis, certainement victimes d’un tueur en série. Un jeune homme retourne dans sa ville natale pour apprendre que son amour de jeunesse a été sauvagement assassinée… »
Alors ces nouvelles sont dans l’ensemble très réussies même si une ou deux me paraissent moins enlevées, moins addictives que la plupart dès les premières lignes. Elles donnent toutes, par contre, une vision très blafarde d’une Amérique épuisée,au bout du rouleau et des espérances d’un « american dream », pur fantasme, et où chacun finalement se débrouille seul pour régler ses malheurs. L’angoisse, l’horreur sont présentes parfois mais ce qui les caractérise toutes, c’est ce sentiment d’inéluctable, d’inévitable, d’implacable, d’insurmontable du malheur qui frappe les personnages de ces nouvelles victimes de faits divers très banals, ordinaires pour le quidam qui les lit dans son journal mais fortement chargées d’émotion, de malheur, d’affliction,de misère pour ceux qui les vivent.
« Les invisibles » parle de ces gens qui souffrent de la disparition d’êtres chers ou de leur absence quand on a le plus besoin d’eux, quand on a besoin d’une béquille pour encaisser les coups du sort ou les coups bas de la société. Il est certain que ces nouvelles ne sont pas roboratives mais écrites avec une très belle plume, qui saura séduire le lecteur à la recherche d’un ton nouveau, hautement pessimiste où règnent la résignation des victimes et l’égoïsme volontaire ou inconscient des gens qui devraient nous entourer, nous aider et qui ne le font pas, qui n’y pensent pas ou fuient .Qu’importe la famille, les amis, les proches, les voisins, les collègues, au bout du compte on est seul face à l’infortune et au drame.
Brillamment fataliste.
Wollanup.
Oui, je plussoie: « Terres d’Amérique », l’indispensable collection.
Mes dernier coup de coeur: « Ballade pour Leroy » de Willy Vlautin.
J’attends avec impatience que ces « Invisibles » arrivent au Québec pour mettre la main dessus. Et du coup, tu as piqué ma curiosité pour « La culasse de l’enfer ». Je ne rechigne jamais à être foudroyé.
Vlautin évidemment Marie-Claude et début mai arrive une bande de malades cherchant le trésor du pirate Laffite dans le bayou louisianais: »les maraudeurs » de Tom Cooper.3la culasse de l’enfer »,je ne m’en suis toujours pas remis.