Chroniques noires et partisanes

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COMME DES PAS DANS LA NEIGE de Louise Erdrich / Albin Michel

Tracks + Four Souls

Traduction : Michel Lederer

Récompensées en 2022 aux Etats-Unis, en 2023 en France, les publications de Louise Erdich s’enrichissent en cette fin d’année d’un nouvel article éditorial qui rassemble deux textes écrits à des époques différentes (1988 pour le premier, Tracks, 2004 pour l’autre, Four Souls) mais que l’autrice a toujours considérés comme intimement liés, se faisant suite.

Hiver 1912. Le froid et la famine s’abattent sur une réserve du Dakota du Nord alors que les Indiens Ojibwés luttent pour conserver le peu de terres qu’il leur reste. Décidée à venger son peuple, Fleur Pillager entreprend un long périple qui la mènera jusqu’à Minneapolis. Racontée tour à tour par Nanapush, un ancien de la tribu, et Pauline, une jeune métisse, l’aventure de la belle et indomptable Fleur donne lieu à un roman puissant et profond, où le désir de vengeance finit par céder à celui, plus fort encore, de se reconstruire.

C’est avec le brio qu’on lui connaît que Louise Erdrich porte à nouveau ces voix amérindiennes dont l’entrelacs nous révèle les affres de la communauté ojibwé dans la première moitié du XXe siècle : l’acculturation brutale, la perte de sens, la dépossession foncière, la déchéance physique et morale. Pourtant des figures luttent, pour maintenir des croyances et des valeurs ancestrales, pour ne pas se faire totalement dépossédés de leur identité ou de leurs droits sur la terre. Le vieux Nanapush, Margaret la veuve, son aimée, Fleur la révoltée, sont de celles-là. Ainsi présentés, on pourrait croire ces récits uniquement désespérants ou douloureux. Ce serait sans compter sur les talents de conteuse de Louise Erdrich et sur l’esprit acéré et comique de ses personnages, Nanapush en particulier : coups d’éclat, coups pendables, ruses diverses, magie autochtone sont du registre du vieux renard, lucide pourtant sur les malheurs de son peuple et de ses proches. A sa manière, il entend protéger les siens.

Autour de cet attachant (hilarant même) personnage masculin gravitent des femmes autochtones au fort caractère, déchirées entre leurs origines et leur nouvelle place dans le monde. Leurs choix sont bons ou mauvais ou cruels, dans une quête d’âme fondamentale. Sans surprise et sans faille, Louise Erdrich confirme ici son attachement aux personnages féminins riches, complexes, profonds et exprime son indéfectible tendresse pour leur cause.

Des destins de femmes, d’hommes, si singulièrement humains aux frontières de leur culture et de la nôtre. Au milieu de leurs tourments et de leurs défaites, quelques courtes victoires de l’esprit, de la vie, de la joie. Peut-être un roman qui mérite vraiment l’étiquette feel-good. Pour faire un distinguo avec les parts de tarte au suc’ d’érab’habituellement rangées là.

Paotrsaout

LA REGLE DU CRIME de Colson Whitehead / Terres d’Amérique / Albin Michel.

Crook Manifesto

Traduction: Charles Recoursé

La règle du crime  est le deuxième volet d’une trilogie romanesque sur Harlem à Manhattan à différentes périodes de son histoire, initiée par Colson Whitehead, une des plumes les plus brillantes et fascinantes de l’époque. Commencée l’an dernier avec Harlem Shuffle qui racontait trois histoires criminelles situées dans les années 60, cette trilogie prend encore plus d’ampleur avec ce second volume nous contant trois histoires situées dans les années 70 en centrant à nouveau son propos sur Ray Carney, commerçant ayant pignon sur rue avec son magasin de meubles dont une partie du stock est alimenté par des marchandises et accessoires tombés de camions. Il est rare d’éprouver un tel plaisir à retrouver un personnage dès sa deuxième apparition et pourtant Carney est très attachant avec sa préoccupation à se décrire comme un honnête commerçant œuvrant pour l’unique grand bien de son épouse et de leurs deux enfants. Comme dans « Harlem Shuffle », Carney manifeste un certain talent à nous prendre vraiment pour des quiches, nous expliquant que s’il retourne du côté obscur de Harlem, c’est contraint et forcé. Pour mener à bien ces magouilles et affaires douteuses, il s’adjoint l’aide précieuse de Pepper, un vieil ami de son père et un gaillard qu’il vaut mieux avoir dans son camp, qui n’hésite pas à faire parler la poudre ou ses poings.

Colson Whitehead nous avait habitués à changer d’univers à chaque roman comme nous le montrait notamment ses deux prix Pulitzer reçus consécutivement pour Underground Railroad et Nickel Boys. Aussi certains fans de l’auteur pourront peut-être se montrer un peu déçus qu’il persiste dans cette histoire racontant Ray Carney mais aussi et surtout Harlem. Mais Colson Whitehead est un New-Yorkais amoureux de sa ville et avait certainement besoin de plus d’un roman pour conter et honorer le bastion de résistance noire de Manhattan. Journaliste au NY Times et au Village Voice, Whitehead avait suggéré sans la nommer la grosse pomme dans L’Intuitionniste comme il avait écrit de belles pages sur des errances urbaines dans Le Colosse de New York : Une ville en treize parties mais jamais de manière manifeste ou romanesque. Il fallait bien qu’il y vienne un jour, c’est en cours et c’est tout bon.  «Si je suis ici, c’est parce que je suis né ici, à jamais perdu pour le reste du monde.»

New York, 1971. Les ordures s’amoncellent, la criminalité atteint un niveau record, la ville court à la faillite et un conflit éclate entre la police et la Black Liberation Army. Dans cette ambiance de siège, Ray Carney, le vendeur de meubles un peu voyou rencontré dans Harlem Shuffle, fait profil bas pour le bien de sa petite entreprise. Jusqu’à ce concert des Jackson Five, qu’il rêve d’offrir à sa fille. Il reprend alors contact avec Munson, un inspecteur blanc corrompu jusqu’à la moelle, qui lui promet de lui trouver des places à en échange d’un petit coup de pouce…

Ainsi commence le début des galères d’un Ray Carney qui se poursuivront avec la recherche d’une actrice disparue en 73 avant de se terminer par l’horreur de la corruption devant la recrudescence des incendies criminels en 76. Comme dans tous les romans de Colson Whitehead, la question des droits civiques, de l’égalité entre les blancs et les minorités exploitées est au centre des intrigues, forme  un arrière-plan toujours très politisé : Black Panthers, Black Liberation Army, blaxploitation, magouilles immobilières, corruption, incendies, festivités du bicentenaire des USA s’intègrent parfaitement aux intrigues souvent violentes malgré un ton résolument et brillamment humoristique, un tantinet moqueur, gentiment railleur, doucement hilarant, un bonheur et tout cela au son de la Motown…

On peut très bien comprendre que certains soient peu enthousiastes de ce virage (provisoire ?) résolument polar emprunté par Whitehead, ces histoires très « hard boiled » où on flingue et bute avec un certain entrain, une certaine détermination due parfois à l’absence d’autre alternative que de tenter de sauver sa peau. Colson Whitehead a choisi d’emboîter le pas de ses aînés, deux très grandes voix du polar new yorkais aujourd’hui disparues : Chester Himes, l’auteur de La reine des pommes qui a tant décrit Harlem dans ses polars et Donald Westlake qui a créé deux cambrioleurs devenus cultes chez les aficionados. Il a ainsi emprunté le caractère sombre, très hard boiled des histoires mettant en scène Parker et d’autre part, l’humour très fin qui illumine les aventures de John Dortmunder, le cambrioleur malchanceux. Il est néanmoins recommandé de commencer par lire Harlem Shuffle sorti en poche récemment pour bien voir l’évolution des personnages comme celle du quartier en quelques années.

Et sinon ? Si vous avez aimé le premier volume, celui-ci va peut-être encore plus vous réjouir. Les personnages sont beaucoup plus ancrés et donc leurs agissements beaucoup mieux compris. Pareillement les environnements politique, social, économique, humain et culturel sont plus partie intégrante de l’intrigue que dans le premier tome, indiquant parfois un caractère obligatoire à certains choix effectués par Carney et Pepper. Colson Whitehead est un grand conteur et si les digressions sont nombreuses, elles contribuent à finir d’envoûter le lecteur, si ce n’est pas fait dès la première page engloutie. Un enchantement !

Clete.

RETOUR À BELFAST de Michael Magee /Albin Michel

Close to Home

Traduction : Paul Matthieu

Né en 1990 à Belfast, Michael Magee est le rédacteur en chef du magazine littéraire Tangerine, basé en Irlande du Nord. Il est auteur de plusieurs textes, publiés dans les revues The Stinging Fly, Lifeboat et The 32: The Anthology of Irish Working-Class Voices, d’un premier roman sous le nom de Michael Nolan (The Blame, 2014). Retour à Belfast, son premier roman traduit en français (ainsi qu’en une dizaine de langues), a été récompensé par plusieurs prix et unanimement salué par la presse anglo-saxonne.

« Il est coincé ici pour toujours, pas vrai ? Comme une souris prise au piège, il continuera à se tortiller dans les rues de Belfast jusqu’à son dernier souffle. »

Après des études à Liverpool, Sean Maguire est de retour à Belfast parmi les siens. Il retrouve le quartier ouvrier où il a grandi, dans une ville meurtrie par plusieurs décennies de conflit entre catholiques et protestants, et où la prospérité promise par les accords de paix se fait toujours attendre. Sean n’a qu’une hâte : repartir dès que possible. Mais il est vite rattrapé par ses vieilles habitudes : les nuits blanches, l’alcool et la coke, l’argent emprunté, les loyers impayés et les boulots précaires. Jusqu’à ce qu’à ce moment fatidique où, lors d’une soirée, il commet un acte impardonnable.

Pourra-t-il échapper à un destin tout tracé ?

Belfast, 2013. De prime abord, les fléaux qui déchiraient l’Irlande du Nord et sa capitale, notamment une guerre civile depuis près de trente ans (pudiquement nommée The Troubles) sont un souvenir. La violence paramilitaire a quasiment disparu et Belfast peut se consacrer à son renouveau économique. Il viendra peut-être d’un tourisme un tantinet voyeur. A l’échelle des communautés, de leurs quartiers, les choses ne sont pas si simples. Les plus âgés gardent dans leur tête ou leur chair les blessures de l’oppression et d’une lutte politique et militaire sans pitié. Les plus jeunes eux, parce qu’ils sont ici de la working-class, doivent se trouver un chemin entre absence d’espoir, pauvreté, addictions et troubles psychologiques. Allez, c’est la vie, de s’envoyer une autre pinte, un autre rail, de cramer les derniers biftons fugaces de la semaine, de rigoler avec les copains tout aussi défoncés, de démonter un type qui passe à portée de poings. Mais où cela mène-t-il ? Dans le pétrin dirait Sean, voix principale de ce texte sans intrigue. Ce sont, plus justement, des chroniques d’une jeunesse catholique nord-irlandaise.

Michael Magee y évoque avec une grande sensibilité des thèmes très actuels comme la masculinité toxique, les difficultés de l’évolution sociale, le traumatisme intergénérationnel. De bien grands mots sous la plume, n’est-ce pas ? Mais nous sommes sur le territoire fictionnel, au plus près de personnages solides et d’un Zeitgeist restitué et ces chroniques sonnent avant tout très très justes. Elles inspirent le malaise et la tristesse (car c’est d’une honnêteté crue), déclenchent ici et là un éclat de rire (n’oublions pas le féroce humour irlandais), nous font surtout ressentir une grande compassion pour ces destins empêtrés, ces familles cabossées, ces jeunes gens qui ne font pas bien mais rêvent de mieux, vont y parvenir peut-être, aidés par un coup de pouce, leur propre résilience ou par l’amour indéfectible de leurs proches.

Bref, c’est beau. Comme un gros nuage noir bloqué sur les hauteurs de Belfast et traversé de pinceaux de lumière.

Paotrsaout




LE DELUGE de Stephen Markley / Terres d’Amérique / Albin Michel.

The Deluge

Traduction: Charles Recoursé

On a tous connu des lectures profondément marquantes mais personnellement je n’ai pas le souvenir d’un roman qui m’ait à ce point choqué, terrifié et bouleversé. On quitte Le déluge avec un sentiment d’épuisement et une tristesse incommensurable, infinie. Et chaque jour, l’actualité nous rappelle le cauchemar en préparation. Cette semaine: l’inquiétude autour de la disparition prochaine des îles Samoa dans l’indifférence internationale, un cyclone monstrueux fonçant sur le Japon…

Débutant en 2013 avec l’alarme lancée par Tony Prius un scientifique américain auteur d’un livre choc sur le dérèglement climatique Le déluge raconte les conséquences de cette catastrophe en gestation jusqu’en 2039. Il s’agit bien sûr d’un scenario imaginé par Stephen Markley, juste un scenario terrifiant mais il existe certainement bien d’autres variantes bien pires que celui raconté ici. L’auteur conte ouragans, méga tempêtes et tsunamis, inondations, températures extrêmes, migrations climatiques, famines, soulèvements et guerres civiles, incendies monstrueux, répression dans le sang, chaos…

Pour autant, Le déluge n’est absolument pas un roman catastrophe de plus. D’ailleurs ces plaies d’Egypte modernes sont racontées avec beaucoup de détachement à la manière événementielle d’un journaliste impartial. Dans Ohio, son premier roman en cours d’adaptation pour HBO, Markley suivait le destin de plusieurs personnages qui se retrouvaient tous, par hasard, un jour dans la ville où ils avaient grandi bien des années auparavant. Dans Le déluge, de la même manière, des hommes et des femmes impliqués directement ou indirectement dans une lutte contre le réchauffement climatique, vont converger, non pas vers un lieu cette fois mais une date: 2039. Nous partagerons les combats, les luttes, les épreuves, la souffrance, les espoirs et les désillusions, les choix d’un scientifique lanceur d’alerte, d’un statisticien, d’un toxico de l’Ohio prêt à tout pour sa dose, d’un groupe écoterroriste aux tendances survivalistes, d’un acteur de cinéma devenu prédicateur puis se prenant pour une divinité, d’une pasionaria pour qui toutes les alliances politiques sont bonnes pour mener à terme son projet de décarbonation, autant de détonateurs pour un drame si crédible parce qu’en partie déjà visible, patent. Certains personnages sont si justement peints qu’à la fin, on s’étonne qu’ils ne soient pas vraiment réels. Forcément cette histoire est dramatique et le destin de certains vous fera mal sans aucun doute.

Le déluge devient rapidement très addictif avec certaines scènes totalement ahurissantes dignes des plus grands thrillers. Néanmoins, certains passages s’avèrent ardus, c’est une histoire qui se mérite parfois malgré le talent et l’intelligence de l’auteur. On est dans les très hautes sphères où talent littéraire et connaissance d’un sujet dans toutes ses composantes s’harmonisent, un peu comme chez Richard Powers avec une érudition au service du propos comme chez Pynchon également. Rien n’est oublié, tout est détaillé. Néanmoins, notez que l’auteur montre surtout l’aspect américain des catastrophes des luttes et des magouilles des politiques et des industriels. Mais le transfert avec la France se fait facilement en imaginant Bordeaux submergée, Marseille en flammes et une répression sanglante à Paris et en observant tout simplement le triste cirque de la classe politique française.

« Un nouvel âge sombre point à l’horizon. Fanatismes religieux, factionnalisme ethnique et extrémisme politique finiront par engloutir la planète, et le pillage des ressources naturelles ne fera que s’accroître du fait des élites qui tenteront désespérément d’accumuler autant de capital que possible afin de se prémunir contre l’inévitable… Le recul brutal de la civilisation sera incarné dans le monde entier par des chefs de guerre en costume sur mesure, qui n’hésiteront pas à tuer pour accéder au pouvoir ».

Après, ne le négligeons pas, Le déluge dépasse les 1000 pages et sa lecture, loin d’être aisée, est d’une tristesse infinie. On peut donc aussi bien se dire « après moi le déluge ». Par contre, il ne faudra pas non plus feindre l’ignorance quand l’obscurité nous enveloppera… bientôt.

Clete

DANS L’ÉCHO LOINTAIN DE NOS VOIX de Brandon Hobson / Terres d’Amérique / Albin Michel.

The Removed

Traduction: Stéphane Roques

Auteur et enseignant universitaire, Brandon Hobson se réclame de la nation cherokee de l’Oklahoma. The Removed, publié en 2021, est aujourd’hui traduit dans la collection Terres d’Amérique que l’on ne présente plus. Ce roman est à ce jour la dernière publication de Brandon Hobson, remarqué auparavant pour des nouvelles et trois romans.

Il y a quinze ans, victime d’une bavure, un adolescent amérindien mourait sous les tirs d’un policier. Submergée par le chagrin, sa famille se délite. Maria, sa mère, est confrontée à la maladie d’Alzheimer dont est atteint son mari. Sonja, sa sœur, mène une vie solitaire, ponctuée de périodes d’obsessions romantiques. Quant à Edgar, le cadet, il s’est perdu dans la drogue pour atténuer son mal-être.

Alors que l’anniversaire de la mort de Ray-Ray approche, Maria se voit confier par les services sociaux la garde d’un jeune Cherokee. Wyatt, véritable tourbillon de vie et de joie, adore raconter des histoires. « Elles sont comme un médicament, sauf qu’elles n’ont pas mauvais goût » et ravivent à leur manière l’écho de la voix du fils disparu.

C’est un drame hélas trop courant pour une famille américaine, surtout quand elle appartient à une minorité, qu’ont connu Maria et Ernest Echota : perdre un enfant, victime de la violence de la police, une violence sans réelle justification. Depuis le temps a passé mais les membres de la famille ne vont pas mieux. Tristesse, mal être, déclin cognitif, solitude, addiction, il y en a pour chacun. Des chagrins personnels qui pourraient s’appuyer aussi sur un substrat traumatique historique. Il n’est pas simple d’être un Indien dans la société américaine, pour faire dans l’euphémisme. Dans les cœurs et les corps perdurent les traces d’épisodes douloureux de spoliation, de racisme, de destruction.

En cela, le destin de la nation cherokee n’a pas été épargné. Autrefois implantés dans le Sud-Est des Etats-Unis, les Cherokees ont la particularité d’avoir absorbé le choc de la rencontre avec les Blancs colonisateurs en intégrant aussi un certain nombre de leurs habitudes et pratiques : religion, exploitation agricole et propriété privée, recours à une main d’œuvre noire esclavagisée, adoption d’un syllabaire, presse en langue cherokee… C’était sans compter sans la voracité des Blancs qui voulaient leurs terres. Leur éviction et leur déportation sont décidées, sur la base d’un traité frauduleux. L’épisode reste connu comme celui de la Piste des Larmes (Trail of tears), en 1838-1839. Hommes, femmes, enfants, vieillards, conduits de force à l’ouest, de l’autre côté du Mississippi, dans les Territoires indiens, sorte de réceptacle de toutes les nations chassées de leurs terres ancestrales. Presque un quart des déportés meurt sur la route, de mauvais traitements, de malnutrition ou sous les intempéries. L’essentiel de la nation cherokee doit désormais construire son histoire dans cet endroit devenu depuis une partie de l’actuel État de l’Oklahoma.

Pour retisser la fibre d’une famille déchirée, il faut peut-être un miracle, croire aux esprits et aux histoires anciennes en tout cas. Brandon Hobson les convoque avec sensibilité pour rassembler les membres de la famille, éloignés les uns des autres par leurs épreuves. Le texte oscille constamment entre la réalité d’une famille américaine d’aujourd’hui et un monde magique, mythologique, souvent sombre. Établir leurs connections, montrer leur porosité, est une des plus belles réalisations de l’auteur.

Surmonter la perte, faire son deuil est un chemin et peut-être qu’au bout de celui-ci, les quatre Echota seront réconciliés avec eux-mêmes. Ce roman est une quête d’espoir, palpable, touchante dans ses moments les plus justes. Malheureusement, on peut regretter que le choeur de voix et de visions proposé par Brandon Hobson manque ou de finition ou d’intensité.

Paotrsaout

SOMNAMBULE de Dan Chaon / Terres d’Amérique / Albin Michel

Sleepwalk

Traduction: Hélène Fournier

On avait été durablement marqué par Une douce lueur de malveillance en 2018. Six longues années plus tard, Dan Chaon nous revient avec un roman fascinant, le genre d’histoire folle mais totalement maîtrisée qui vous trotte dans la tête longtemps. 

Vous savez sûrement qu’à Nyctalopes, on aime l’Amérique dans tous ses excès mais aussi qu’on goûte assez peu les dystopies et les romans post-machin qui fleurissent partout depuis un certain COVID certainement très pourvoyeur d’images terribles dans l’imaginaire collectif. Somnambule est certes une dystopie mais qui ne vous transportera que dans un avenir très proche, vers 2035 peut-être, une vision du futur totalement crédible, prévisible et en conséquence beaucoup plus inquiétante et par bonheur sans aucun propos moralisateur.

Le monde de notre héros, Will Bear ou William Baird ou Bill Berh ou William Baier ou Liam Bahr… ou “la nébuleuse brumeuse” comme il aime se qualifier, est très proche du nôtre puisqu’on y roule encore en Toyota Corolla, c’est juste que la situation que nous vivons aujourd’hui s’est méchamment dégradée. Des coupures de courant géantes, des milices qui administrent leur justice expéditive, des drones omniprésents, une IA vicieuse, la reconnaissance faciale généralisée, la violence pour quotidien mais Will Bear s’en moque. C’est un mercenaire d’une cinquantaine d’années qui apprécie les microdoses de LSD mûries à la vodka et qui fume voluptueusement et abondamment sa “Death Star”. A son actif des décennies de meurtres, de sabotages et de beaucoup d’autres méfaits qu’il exécute pour une société secrète qui l’emploie. Il parcourt ainsi le pays en long et en large dans un camping-car qu’il a amoureusement aménagé, passant sous les radars, sans réseau, sans adresse, n’ayant aucune existence officielle avec comme seul compagnon Flip un pitbull un peu dérangé. La “Van Life” en fait pour Will Bear, sorte de survivaliste parfaitement entraîné et rôdé à affronter le chaos de l’époque. Et puis un jour, d’un de ses téléphones soit disant intraçables, lui arrive l’appel d’une jeune femme qui déclare être sa fille. La cata !

ll n’est plus un type invisible d’une part et d’autre part cette possible paternité le travaille profondément. Parce que c’est un mec cool Will, il est toujours désolé quand il est obligé de tuer. De savoir qu’il a peut-être une fille quelque part va bien lui prendre la tête, nous faisant profiter de ses espoirs, de ses craintes et interrogations. Dan Chaon est un virtuose sachant faire naître la peur ou la violence dans des situations anodines et évacuer l’effroi en y ajoutant de l’humour ou en se contentant d’effleurer les moments terribles. Mais attention il est capable de coloniser votre cerveau, jouant avec vos sentiments et impressions, soufflant le chaud puis le glacial, déglinguant les certitudes qu’il vient de vous instiller.

L’auteur interpelle aussi brillamment sur la notion de paternité en interrogeant sur ses limites. Alors, il n’est pas aisé d’écrire sur Chaon parce que ça fuse vraiment. C’est du très haut de gamme, très, très malin. Petit à petit, il raconte le passé de Will permettant de mieux comprendre les raisons de cette vie. Décemment, on ne peut pas l’excuser. Mais Will est parfois si confondant de tendresse, de naïveté qu’on ne peut que l’accompagner dans son “road trip” vers sa fille ou vers un piège tendu par une IA, au son de vieilles chansons country des années 60 puis de rock des années 80 et 90 avec Suicide, New Order et Psychedelic furs. On a beaucoup cité Thomas Pynchon à propos de Somnambule mais, à mon humble avis, il existe également une magnifique parenté avec Jim Dodge: un peu de Stone Junction, une larmichette de L’oiseau Canadèche et une touche de Not fade away. Du grand art !

Des œuvres majeures qui vous laissent abasourdis et comblés, franchement on n’en rencontre pas plus d’une ou deux par an. Somnambule est un très grand roman noir, violent, bourré d’humour et de tendresse qu’on ne quitte pas vraiment totalement à la dernière page. 

Remarquable.

Clete.

ON M’APPELLE DEMON COPPERHEAD de Barbara Kingsolver / Terres d’Amérique / Albin Michel.

Demon Copperhead

Traduction: Martine Aubert

“Né à même le sol d’un mobil-home au fin fond des Appalaches d’une jeune toxicomane et d’un père trop tôt disparu, Demon Copperhead est le digne héritier d’un célèbre personnage de Charles Dickens. De services sociaux défaillants en familles d’accueil véreuses, de tribunaux pour mineurs au cercle infernal de l’addiction, le garçon va être confronté aux pires épreuves et au mépris de la société à l’égard des plus démunis.”

« Déjà, je me suis mis au monde tout seul. Ils étaient trois ou quatre à assister à l’événement, et ils m’ont toujours accordé une chose : c’est moi qui ai dû me taper le plus dur, vu que ma mère était, disons, hors du coup. » Ainsi commence la vie de Demon Copperhead dans les Appalaches en Virginie dans les années 90. Il va nous raconter son douloureux destin en partant de ses dix ans pour aller jusqu’à ses 17. Barbara Kingsolver n’a jamais caché de s’être inspirée de l’œuvre de Dickens et va nous faire revivre un David Copperfield qui aurait juste changé d’époque et de continent. “Pareil pour le bouquin de Charles Dickens, un type hyper vieux, mort depuis un bail et étranger en plus de ça, mais putain, il les connaissait, les gamins et les orphelins qui se faisaient entuber et dont personne avait rien à branler. T’aurais cru qu’il était d’ici.”

Demon est le narrateur et on embarque allègrement avec un mec bien, un pauvre môme qui vit avec une mère très jeune et complètement barrée. Très tôt, il va apprendre que la vie peut s’avérer cruelle et rude avec les plus démunis, les plus mal partis. Et c’est vraiment un chouette gamin Demon, en mal d’amour, qui en a tant à donner. Et il va morfler Demon. Pour autant, le roman n’attriste pas réellement parce que le môme se bat, ne se plaint pas, ne voit pas forcément la vilenie de certains actes. On bascule plutôt dans la colère devant les injustices, les services sociaux incompétents, les parents irresponsables, les « Thénardier » modernes, la connerie ambiante.

” A un moment, j’étais quelque chose, et puis soudain j’avais tourné, comme du lait caillé. Le gamin de la junkie morte. Un petit morceau pourri du rêve américain dont tout le monde aimerait être, enfin vous voyez. Débarrassé” Et Demon tombera comme beaucoup d’autres dans la dérive de la drogue, plongera comme toute cette jeunesse américaine qui se flingue à coups d’opioïdes.

N’oublions pas d’honorer Barbara Kingslover, prix Pulitzer 2023 avec “Demon” dont le talent narratif n’autorise aucun temps mort, aucune faiblesse dans une histoire certes triste, cruelle mais aussi tellement belle. Chez Kingslover, pas de scénar post-apo culpabilisant sur l’état de la planète comme on en lit si souvent de la part d’auteurs qui sont pourtant les grands artisans de cette grande foire mercantile. Pas de leçon nous expliquant qu’il faut manger bio, ici c’est juste la faim qui tenaille. Pas de cantique sur la beauté sauvage de la Terre, ici, on cherche juste un toit pour s’abriter et survivre encore une nuit. Du concret, du tristement réel.

« T’as pas de pire ennemi que toi-même, dit-on. Mais on nous file un sacré coup de main. Ces gens, les végétariens et les autres, qui sont à fond pour être justes avec les autres races et les gays, j’ai rien contre. Je suis d’accord. Mais est-ce qu’il leur viendrait à l’idée d’être justes avec nous ? Bien sûr que non. »

Alors, tout cela n’est pas très drôle, quoique, vous verrez parfois… La beauté surnaturelle de ce grand roman viendra de ces personnages solaires qui réchauffent, ces gens qui n’ont rien et qui donnent tout, un peu comme dans les histoires de Willy Vlautin. Des hommes et des femmes stellaires dont la lueur continue de guider bien après leur disparition.

Une superbe leçon d’humanité et un roman remarquable réhabilitant ces populations du Sud des USA qu’on désigne souvent globalement comme les “rednecks”.

Inoubliable Demon Copperhead !

Clete

L’INTUITIONNISTE de Colson Whitehead / Terres d’Amérique / Albin Michel

The Intuitionist

“Lila Mae Watson est une « intuitionniste » : au sein du département d’inspection des ascenseurs pour lequel elle travaille, elle est capable de deviner le moindre défaut d’un appareil rien qu’en mettant le pied dans une cabine. Et elle ne se trompe jamais. Première femme à exercer ce métier, noire de surcroît, elle a beaucoup d’ennemis, dont les empiristes, pour qui seules comptent la technique et la mécanique.

Aussi, lorsque l’ascenseur d’un gratte-ciel placé sous sa surveillance s’écrase, en pleine campagne électorale, Lila Mae ne croit ni à l’erreur humaine ni à l’accident. En décidant d’entrer dans la clandestinité pour mener son enquête, elle pénètre dans un monde de complots et de rivalités occultes et cherche à percer le secret d’un génial inventeur dont le dernier projet pourrait révolutionner la société tout entière…”

Avant Underground Railroad et Nickel Boys qui nous ont enthousiasmés ces dernières années et récompensés tous deux par le Pulitzer, Colson Whitehead avait déjà écrit… C’est assurément une bonne nouvelle pour tous les lecteurs qui ont été stupéfaits par la prose d’un auteur doué ; exceptionnel dans sa faculté à créer des mondes et à les raconter. Il y a chez Whitehead une musique, un rythme qui entraîne au bout de la nuit, peu d’auteurs sont capables d’une telle fluidité sur la longueur d’un roman comme sur l’ensemble de son œuvre. C’est une évidence quand on s’intéresse à ses écrits antérieurs que ce soit  Le Colosse de New York : Une ville en treize parties magnifique déclaration d’amour à la ville des villes ou L’intuitionniste, son premier roman daté de 1999 et sorti chez Gallimard en 2003. Passé chez Albin Michel dans la fabuleuse collection Terres d’Amérique de Francis Geffard après des débuts chez Gallimard, le premier roman de l’auteur new yorkais bénéficie d’une nouvelle sortie vingt ans après, avec une traduction entièrement révisée par l’éditeur himself. Une bien belle idée de cadeau à l’approche des fêtes pour les aficionados qui découvriront ici les thèmes fondateurs de l’œuvre de Whitehead et notamment la question raciale, présente dans chacun de ses romans, de manière évidente ou en filigrane. “Dans ce pays, où le sang décide des destins”.

Pour autant, ce n’est pas le roman idéal pour débuter avec l’auteur new yorkais, commencez donc par les deux imparables Pulitzer déjà cités, certainement plus accessibles au premier abord. Il serait donc vain de vouloir accrocher les nouveaux lecteurs avec une histoire de poulies, de contrepoids, de voyage vertical, de théories empiriques et intuitionnistes, de complots, très loin d’une réalité développée par exemple dans Harlem Shuffle dont on attend la suite prometteuse, déjà sortie aux USA.

Par contre, si vous appréciez déjà l’auteur, cette histoire, souvent mordante, qui sonne parfois comme un polar dans un monde urbain fictif ressemblant beaucoup à NY, et où les inspecteurs des ascenseurs ont un statut aussi reconnu que les astronautes ou les pilotes de ligne chez nous, vous comblera une fois de plus, bien au-delà de toutes vos espérances. Quelle plume, quel écrivain !

Clete.

LA SENTENCE de Louise Erdrich / Terres d’Amérique / Albin Michel

The Sentence

Traduction : Sarah Gurcel

La sentence est tombée il y a quelques jours : Le Prix Femina 2023 a été décerné à Louise Erdrich pour ce roman, qui fait suite à un Prix Pulitzer 2022 pour Celui qui veille, (et de multiples autres prix auparavant sur son parcours). Il semblerait que l’autrice américaine magnétise les récompenses et déjoue aussi toutes les tentatives d’attribuer trop vite une étiquette de genre à ses romans.

« Quand j’étais en prison, j’ai reçu un dictionnaire. Accompagné d’un petit mot : Voici le livre que j’emporterais sur une île déserte. Des livres, mon ancienne professeure m’en ferait parvenir d’autres, mais elle savait que celui-là s’avérerait d’un recours inépuisable. C’est le terme « sentence » que j’y ai cherché en premier. J’avais reçu la mienne, une impossible condamnation à soixante ans d’emprisonnement, de la bouche d’un juge qui croyait en l’au-delà. »

Après avoir bénéficié d’une libération conditionnelle, Tookie, une quadragénaire d’origine amérindienne, est embauchée par une petite librairie de Minneapolis. Lectrice passionnée, elle s’épanouit dans ce travail. Jusqu’à ce que l’esprit de Flora, une fidèle cliente récemment décédée, ne vienne hanter les rayonnages, mettant Tookie face à ses propres démons, dans une ville bientôt à feu et à sang après la mort de George Floyd, alors qu’une pandémie a mis le monde à l’arrêt…

La sentence entremêle habilement une histoire de fantômes, un roman de rédemption, une tragi-comédie amérindienne et une chronique de Minneapolis au travers des mois de pandémie et de colères sociales nées du meurtre raciste par un policier de Georges Floyd. Le personnage central de Tookie incarne à lui seul un côté « pas-de-bol » ou « victime d’elle-même » qui donne à son parcours une dimension dramatique toutefois arrondie aux angles par une cocasserie inattendue. Peut-on toutefois l’accabler ? Tookie vient d’un milieu familial et social difficile, ce qui n’est pas rarement répandu chez les Amérindiens. Elle fait face à l’adversité avec ses qualités et ses défauts, avec son expérience de femme amérindienne également. Louise Erdrich revendique ses racines objiwé et son intérêt pour l’histoire et la culture des premières nations. En 2020, dans La Sentence, il n’est donc pas étonnant de rencontrer des personnages contemporains et urbains imprégnés par une vision du monde, des modes de pensées, des habitudes propres à leurs peuples. Certaines références pourraient même échapper à une lectrice ou un lecteur totalement ignorant. Bien évidemment, le propos de Louise Erdrich est plus vaste et elle inscrit dans le camaïeu de cultures de la nation américaine les tribulations de Tookie et de ses comparses. Un camaïeu fragile comme le montre les événements de 2020. L’Amérique, entre crimes historiques et agressions contemporaines, n’en a pas fini avec ses préjugés raciaux mortifères.

Le récit rebondit régulièrement et Tookie déguste, confrontée à un fantôme dans sa librairie, aux ombres du doute (quelle est sa place face à Hetta sa belle-fille, désormais mère ? peut-elle vraiment compter sur Pollux son mari ?). Ce n’est pas le moindre des talents de Louise Erdich que de savoir nous coller à la portière dans les virages émotionnels. Louise Erdrich n’est pas qu’autrice. Dans son roman, elle joue son propre rôle, celui de la directrice de l’authentique librairie où travaille la fictionnelle Tookie. Ce n’est pas un truc. Car le tour de force du roman est de déclamer si puissamment et si authentiquement le pouvoir des livres, de nous guérir, de nous relier, de nous élever. Puissante médecine.

Dans la postface de son roman, Louise Erdrich écrit : « Dans La sentence, les livres sont une question de vie et de mort. Les lecteurs et les lectrices traversent des territoires insondables pour maintenir le lien avec l’écrit. »

Et devant cette magie palpable, si bien comprise, nous nous taisons.

Paotrsaout

CASCADE de Craig Davidson / Terres d’Amérique / Albin Michel

Cascade

Traduction: Héloïse Esquié

Le romancier canadien Craig Davidson doit sa relative popularité chez nous à l’adaptation de deux de ses nouvelles extraites de son premier opus “De rouille et d’os” dans un film éponyme interprété par Matthias Schoenaerts et Bouli Lanners notamment et réalisé par Jacques Audiard en 2012. Il a signé aussi sous le nom de Nick Cutter plusieurs romans d’horreur comme Troupe 52 et Little Heaven. Sous son nom, on lui doit trois romans parus chez Albin Michel Juste être un homme, Les Bonnes Âmes de Sarah Court et l’excellent Cataract City. Si Cascade s’avère être un recueil de nouvelles, dans les thèmes, il est néanmoins très proche du reste de son œuvre romanesque et se situe autour de cette Cataract City au bord des chutes du Niagara comme beaucoup de ses écrits.

“Non loin de Niagara Falls, une jeune femme s’enfonce dans une forêt enneigée, son bébé dans les bras, après un terrible accident de voiture ; un basketteur prodige hanté par son passé sort de prison ; un ancien pompier se lance à la poursuite d’un dangereux pyromane ; deux jumeaux détenus dans un établissement pénitentiaire pour mineurs se confrontent à leur tragique différence…”

Sept nouvelles et sept claques dans la tronche. Craig Davidson ne fait jamais dans la dentelle, c’est toujours organique, ça pue parfois la testostérone, la mauvaise sueur et le plus souvent c’est sans filtre. Quand il y a violence ou plutôt souffrance, ce qui serait sûrement le maître mot pour Cascade, Davidson ne cache rien. Que ce soient la maladie, physique comme mentale, l’accident, l’anomalie génétique, la dépendance, rien n’est évité, tout est montré.

Ce n’est ni trash ni gore, juste violent comme la réalité qui y est décrite, celle que, souvent, on préfère ne pas voir ou qu’on ignore. Du coup, ce petit tour dans la vraie vie de certains, ça vous pète à la tête. Davidson montre le réel, rend le malheur tangible, dévoile la souffrance et transmet la douleur. Devant nous des personnages vivent leur enfer personnel, mais c’est leur lutte quotidienne ou du moment que veut surtout montrer Davidson. Ces histoires terribles racontant le combat de gens tout à fait ordinaires montrent son empathie pour les anonymes et si le verbe est souvent sombre y compris dans l’humour, il est aussi porteur d’une belle humanité, un peu comme Willy Vlautin mais de manière nettement plus viscérale.

Loin d’une énième histoire des oubliés du rêve américain, Cascade est un bel hommage, parfois difficile, aux gens qui ne lâchent pas dans le malheur, qui luttent dans le caniveau, qui se débattent dans le marigot… les héros de Craig Davidson.

Clete

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