Traduction: Laurent Boscq.

Le premier roman de Taylor Brown, “la poudre et la cendre” paru aux éditions Autrement en 2017 était une véritable réussite. L’odyssée de deux enfants au milieu des combats de la guerre de sécession mariait à merveille action et sentiments profonds avec description des paysages prouvant un réel amour de la nature tout en étant un terrible réquisitoire contre la guerre, montrant ses ravages pour ceux qui restent. Forcément, Taylor Brown était attendu au tournant avec ce deuxième saut dans le vide. Pour “les dieux de Howl Mountain”, il est passé dans la collection terres d’Amérique si coutumière des romans fort animés par des plumes exceptionnelles et il y est tout à fait à sa place.

“Hanté par la guerre de Corée, où il a perdu une jambe, Rory Docherty est de retour chez lui dans les montagnes de Caroline du Nord. C’est auprès de sa grand-mère, un personnage hors du commun, que le jeune homme tente de se reconstruire et de résoudre le mystère de ses origines, que sa mère, muette et internée en hôpital psychiatrique, n’a jamais pu lui révéler. Embauché par un baron de l’alcool clandestin dont le monopole se trouve menacé, il va devoir déjouer la surveillance des agents fédéraux tout en affrontant les fantômes du passé…”

La Caroline du Nord regorge d’auteurs racontant son univers assez terrible par les ravages de la dope actuellement, la misère humaine, mais aussi la beauté d’un territoire que malgré, les problèmes, l’absence d’avenir, la criminalité… on a du mal à quitter. Après Ron Rash et David Joy, voici Taylor Brown, nouvel ambassadeur, plantant son décor dans les montagnes, dans l’univers des moonshiners des années 50, ces trafiquants de bibine qui approvisionnent tous les soiffards du coin en véhiculant l’alcool de nuit, “jouant” avec les forces de police corrompues et l’autorité fédérale.

A nouveau, Taylor Brown crée une histoire instantanément captivante avec les fantômes du passé difficiles à ignorer, avec des destins extraordinaires et des personnages Rory et surtout Ma qu’on comprend d’emblée et pour qui on tremble. Taylor Brown mène son histoire avec talent, perpétuant son amour de la nature par certains passages flamboyants et assénant à nouveau sur la guerre et ses conséquences pour ceux qui s’en sortent et pour ceux qui pleurent la disparition, l’absence de l’être aimé. Il y joint son amour personnel des moteurs, des grosses cylindrées.

Si pendant les deux tiers du roman, le suspense n’est pas exceptionnel, il règne néanmoins une ambiance bouffée par l’appréhension, la peur des exactions que l’on sait très prévisibles et forcément à venir, reste à savoir comment et quand le mal frappera et quel sera son vrai visage. On pourra aisément voir la parenté de Taylor Brown avec le Tom Franklin de “ La culasse de l’enfer” ou de “Braconniers” ou avec le très bon premier roman de Jon Sealy “Un seul parmi les vivants”.

Elixir de contrebande très capiteux.

Wollanup.