An Honest Living
Traduction: Alex Ratcharge
Épuisé par la firme gigantesque qui l’emploie, un avocat démissionne et tente de survivre dans un New York crépusculaire au début des années 2000. Un jour, frappe à sa porte Anna Reddick, une jeune femme qui lui demande de mettre la main sur une collection de livres rares subtilisée par son ancien mari. Il accepte cet argent facile et retrouve la trace du fautif. Quelques jours plus tard, une autre femme se présente à sa porte. Il s’agit de la véritable Anna Reddick qui lui annonce la mort de son mari et le charge de découvrir la vérité. Aidé par un poète vénézuélien, l’avocat se lance dans une enquête dont les seuls indices sont les livres collectionnés par le défunt.
La maison d’édition Le Gospel continue son bout de chemin dans le milieu de l’édition et se forge petit à petit son identité avec ses publications singulières. Nul crépuscule n’est trop puissant est le premier roman de Dwyer Murphy, ex-avocat, à être publié. La couverture est superbe, le titre fort et poétique, et les références citées (Paul Auster, Better call Saul, The long goodbye de Robert Altman) alléchantes. Mais vous savez ce que l’on dit, on ne juge pas un livre à sa couverture…
Tenter de s’étendre sur l’intrigue écrite ici par Dwyer Murphy est un peu vain. Ce que le synopsis nous dit et un peu tout ce qu’il y a en dire, dans le sens où, il n’y a pas vraiment d’intrigue. Ou plus exactement, l’intrigue ne semble pas du tout centrale. On peut supposer que c’est un choix, même si certain(e)s pourraient y voir là une maladresse.
Ecrit à la première personne, le roman de Dwyer Murphy, sous couvert d’une pseudo enquête de notre narrateur qui tente, sans grande conviction, de faire la lumière sur une potentielle histoire de fraude fiscale impliquant des livres, ainsi qu’un mort qui ne l’est peut-être pas, et une possible romance entre lui et la femme qui l’embauche, nous plonge avant tout dans une atmosphère. Cette atmosphère c’est le New York (plus spécifiquement Brooklyn) du milieu des années 2000, donc juste après le 11 septembre et avant l’émergence des smartphones et de la multiplication des accès à internet, en plein été et en pleine gentrification. On y déambule et on y rencontre toutes sortes de personnages, souvent désenchantés mais assez hauts en couleurs, dont pas mal ne semblent avoir aucun but, notre narrateur y compris. Pour être franc, notre personnage principal n’a rien d’attachant, manque de substance pour vraiment exister, et son apathie le définit plus que sa volonté. J’irai même jusqu’à dire que toute la galerie de personnages secondaires qui s’offre à nous sont plus concrets que lui.
Pour le style, c’est écrit. C’est même très écrit. On est dans l’exercice de style référencé et poétique. Quelque chose d’assez beau, d’assez immersif, mais qui peut également agacer. On peut trouver ça un peu pompeux. Aussi, ça paraît écrit sans véritables émotions. C’est assez froid et distant. Mais tout cela contribue à l’atmosphère particulière du livre. On peut y être sensible et se laisser porter, bien que l’on ne sache jamais si l’on va vraiment quelque part, ou y être totalement hermétique. Ceux qui cherchent l’action seront fatalement déçus. Pour citer le narrateur à propos du film Chinatown : « C’était mieux que dans mes souvenirs, plus calme, avec un éclairage intéressant, et une intrigue où il ne semblait pas se passer grand-chose. » Cette remarque peut tout aussi bien s’appliquer à notre roman. Même lui mettre l’étiquette « roman noir » me semble difficile. On n’est pas dans le noir franchement dur comme on en lit souvent aujourd’hui, et on n’est pas non plus dans le noir à l’ancienne, bien que la quatrième de couverture nous laisse entendre que ce serait un hommage aux classiques du genre. Paraitrait même qu’il réinvente le genre.
Je ne pense pas que Dwyer Murphy réinvente quoi que ce soit avec Nul crépuscule n’est trop puissant mais l’approche est particulière. Le roman étant difficilement catégorisable, il risque en revanche d’en frustrer ou d’en irriter plus d’un(e). Il est, à mon sens, un peu tout ce que l’on ne s’attend pas à ce qu’il soit. Plutôt que du roman noir, serait-il plus juste de dire que nous avons affaire à du noir atmosphérique ? Honnêtement, je ne sais que répondre. Mais il a un certain charme et la plume ne laisse pas indifférent. Un livre qui illustre parfaitement, une fois de plus, la devise de la maison d’édition Le Gospel : « Nos livres ne sont pas pour tout le monde. »
Brother Jo.
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