þagnarmúr
Traduction: Eric Boury

“Peu à peu, l’histoire de son père était devenue pour lui une sorte de passe-temps. Plusieurs choses l’avaient poussé à se lancer dans ces recherches. L’affaire n’avait jamais été résolue. Personne n’avait été arrêté, reconnu coupable ni condamné, et les questions qui s’étaient posées en 1963 demeuraient encore aujourd’hui sans réponse. La situation était identique. La seule chose dont il avait obtenu la preuve formelle, c’était que, peu de temps avant son décès, son père s’était remis à collaborer avec un dénommé Engilbert qui se prétendait médium et que les deux compères avaient manipulé des personnes crédules et plongées dans la peine.”
Un squelette ressurgit dans une buanderie, d’une manière fort peu ordinaire, flirtant avec le surnaturel. Voilà Konrad, retraité de la police qui remet ses neurones en route. Vieux flic en retraite, cabossé par la vie, un bras handicapé, l’allure vaguement négligée ; souvent gêné face aux autres personnes, il devient parfois gênant par son opiniâtreté.
Comme dans les précédents volumes de cette série, Konrad continue à enquêter sur la mort de son père au début des années soixante. Ce coup-ci Arnaldur Indridason n’hésite pas une seconde à le mettre en bien mauvaise posture. Dans « Le mur des silences », il est clairement en position de faiblesse, et il s’y met un peu tout seul.
“Avant de rentrer chez lui, il s’arrêta avec plaisir chez Eyglo. Sa visite à la prison l’avait plongé dans la consternation. Il avait éteint son portable durant sa converstion avec Gustaf et, en le rallumant, il avait vu qu’Eyglo avait tenté de le joindre. Il la rappela avant de franchir la lande qu’il devait traverser pour regagner Reykjavik. Il avait réussi à se fâcher avec tout le monde, sauf avec elle, et il était heureux qu’elle accepte de le recevoir.”
J’aime bien l’écriture faussement simple d’Indridason. Il y a une recherche de sobriété assez rare, ce n’est pas un fabricant de punchlines, il n’en a pas besoin, ses histoires sont solides. Dans ce livre, comme dans d’autres, la pédophilie et les violences faites aux femmes sont au cœur du récit. Les hommes portraiturés ne sont pas bien bons. On évoque souvent Simenon à propos d’Indridason, c’est là un de leurs points communs ; dans les « romans durs » de l’écrivain belge, les hommes sont rarement à leur avantage.
Mais, malgré la culpabilité avec laquelle il les assomme, Indridason a toujours beaucoup de compassion pour ses personnages, rares sont ceux totalement mauvais. Il y en a quand même un ou deux dans ce livre qui mériteraient une bonne raclée, voire plus…
— Le salopard, marmonna-t-il tandis que les lumières de la ville faisaient leur apparition à l’horizon.
Ce n’était pas la première fois qu’il se débattait avec ce genre de dilemme. Il avait l’impression que la vie le confrontait constamment à de telles situations. Qu’elle l’amenait régulièrement à douter du bien-fondé de ses actes comme de ceux qu’il choisissait de ne pas accomplir. Rien n’était simple. La réalité ne se limitait pas aux apparences.”
Y a t-il un lien entre l’histoire du squelette et l’enquête sur le meurtre de son père ?
Petit à petit le roman évolue, des liens fragiles apparaissent entre des affaires vieilles de plusieurs dizaines d’années. Comme souvent chez cet auteur, l’histoire mêle passé et présent. Sous nos yeux il y a deux narrations, celle du passé racontée au travers d’un écran de fumée, et celle du présent, lacunaire, cherchant à reconstituer un vieux puzzle.
Alors rien de révolutionnaire dans « Le mur des silences » c’est sûr, mais il y a une histoire au cordeau et un auteur qui sait comment nous capter dès le début pour ne plus nous lâcher avant la fin de ces trois cent trente pages.
NicoTag
L’écriture d’Arnaldur Indridason c’est de la grisaille délicate, un peu comme la musique de Richard Hawley.
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