Alexandre Lenot est passé par Arte, Radio France et la Blogothèque(!!!) et travaille actuellement dans les milieux du cinéma. “Ecorces vives” est son premier roman dans la lignée des polars ruraux très en vogue et situé dans le Massif Central qui inspire aussi beaucoup d’auteurs de noir actuellement.
“C’est une région de montagnes et de forêts, dans un massif qu’on dit Central mais que les routes nationales semblent éviter. Un homme venu de loin incendie la ferme dans laquelle il espérait un jour voir jouer ses enfants, puis il disparaît dans les bois. La rumeur trouble bientôt l’hiver : un rôdeur hante les lieux et mettrait en péril l’ordre ancien du pays. Les gens du coin passent de la circonspection à la franche hostilité, à l’exception d’une jeune femme nouvellement arrivée, qui le recueille. Mais personne n’est le bienvenu s’il n’est pas né ici.”
Ainsi annoncé, on s’imagine un roman qui va dérouler son fil sur une histoire somme toute déjà lue si souvent ces dernières années entre l’affrontement si prévisible entre les autochtones et les “étrangers”. Dans ce sous-domaine de la littérature, on a déjà tout eu du roman semblant écrit sur un coin de comptoir le samedi soir sur le ton d’une anecdote chez les ploucs racontée aux potes et puis il y a les autres romans qui savent donner vie à un décor, le magnifier par leur plume et raconter les gens avec leurs forces et leurs faiblesses, leurs plaies, leurs défaites, leurs regrets. Et Alexandre Lenot a évité les écueils, les redites, a parfaitement su animer, rendre vivant le marasme ambiant de ce coin de la France que l’on ne connaît plus, dont on ne parle pas, qu’on quitte dès qu’on le peut pour du boulot, de la vie, un avenir moins ancré dans le passé.
“Nous dirons, nous sommes devenus mauvais. C’est l’alcool. C’est le labeur qui effrite les hanches et brise les dos. C’est qu’on ne se souvient de nous que tous les cinq ans, et que le reste du temps il faut se taire, se terrer et se taire, en espérant que le vent mauvais nous laissera du répit.”
Tous les personnages de ce roman choral ont pris des coups, s’en remettent comme il peuvent, enracinés depuis la naissance ici ou arrivés pour fuir le malheur connu ailleurs. Alexandre Lenot, minutieusement, par petits épisodes, raconte ces accidentés de la vie et peu à peu, tout en peignant une nature que l’on sent connue et vécue, le drame se dessine. A la misère ordinaire se greffe parfois une connerie tout aussi ordinaire, bas du front et du fond de ce coin de campagne triste et résigné, commence à monter la haine de l’autre, de l’étranger et des vœux de justice expéditive.
Vous ne lirez pas “Ecorces vives” pour son suspens, son intrigue. Sa richesse se situe ailleurs, dans la finesse du crescendo de la haine, dans les petits moments de bonheur de descriptions de détails soulignés dans des grands tableaux sylvestres ou champêtres, dans la narration de ses destins brisés. On ne peut pas non plus ne pas entendre le message politique sous-jacent habilement instillé avec valeur d’avertissement, de signal pour l’avenir quand les plaies des cités périphériques urbaines s’implantent au coeur de la ruralité mais aussi témoignage d’un monde abandonné, oublié par l’Etat, le tout écrit avec une plume déjà remarquable.
Très fin.
Wollanup.
Comme je m’intéresse plus à l’atmosphère qu’au suspens, je me laisserai bien tenter par celui-là…
Et en écoutant Roberta, je m’imaginais au bout d’un comptoir, une bière à demi consumée, et un bouquin…
Et il en parle très bien de Roberta, Alexandre Lenot. Ça change des inévitables Motorhead, AC/DC…