Chroniques noires et partisanes

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HONDO (suivi de L’offrande de Cochise) de Louis L’Amour / « L’Ouest, le vrai » / Actes Sud

Traduction: Joseph Majault

A l’origine, il y a une nouvelle, écrite par le prolifique auteur Louis L’Amour, pseudonyme de Louis Dearborn LaMoore d’ascendance bretonne et irlandaise (1908-1988). Il prendrait un peu de temps de recenser tous les romans et toutes les nouvelles (principalement d’inspiration western) produits par le natif du Dakota du Nord. Cette nouvelle donc, L’offrande de Cochise, judicieusement adjointe au texte de notre roman par l’éditeur, est repérée par John Wayne qui en achète les droits et demande au scénariste James Edwards Grant d’en tirer un scénario. Adapté au cinéma en version 3D, Hondo sort en 1953 avec The Duke en premier rôle. Pour ne pas être en reste, Louis L’Amour a réécrit sa nouvelle dans une version plus longue et romanesque cette fois, éditée à la même période. La collection « L’Ouest, le vrai » réinvestit ce texte, une première fois traduit en français aux éditions Télémaque en 2016 (Hondo, l’homme du désert).
Arizona, 1880. Après deux ans d’une paix fragile, la guerre embrase à nouveau le territoire. Vittorio, le chef des Apaches mimbrenos, écume la région, il assiège et pille fermes, ranchs et villages, tend des embuscades meurtrières à la cavalerie américaine. L’ordre yankee chancelle dans une province accablée de poussière, de sueur et de sang.Hondo Lane, éclaireur de l’armée américaine, arrive dans un ranch isolé en territoire apache, où il ne trouve qu’Angie Lowe, une femme au caractère bien trempé, et son petit garçon. Ils refusent de quitter leur ferme malgré la menace que constituent les Apaches. Tombé amoureux d’Angie, Hondo fera tout pour les protéger.

La petite histoire du cinéma retient que le film se démarque des autres westerns réalisés à la même époque, en dépeignant les Indiens. autrement  que comme d’affreux sauvages belliqueux et violents. Le roman de Louis L’Amour porte tout autant un grand respect à la personne et à la culture des Apaches dont il évoque les croyances, les savoirs, les capacités d’adaptation à leur environnement hostile mais quand il rappelle le tournant historique (et tragique) qui les bouscule. Voici une de leurs dernières révoltes avant d’être écrasés par l’Amérique blanche. Hondo Lane lui-même exprime des dispositions héroïques nourries par son métissage et son intégration – un temps – dans la vie quotidienne des Apaches. En effet, il a appris toutes sortes de  choses nécessaires à la pure survie dans un environnement désertique hostile et face à des adversaires apaches, certes insaisissables et mortels mais porteurs d’une certaine noblesse aux yeux de L’Amour. Ce regard dénué de manichéisme est à saluer.

Ce qui fait la redoutable efficacité du texte est son inspiration pulp et son épure d’écriture (restituée par la traduction). Allons à l’essentiel semble dire Louis L’Amour. Les phrases de la plus simple construction (sujet-verbe-complément) s’enchaînent et c’est un décor, une scène, une action qui apparaissent avec netteté et fluidité. Louis L’Amour n’est bien entendu pas le seul à maîtriser la technique mais c’est ici d’un impact incroyable.

Il y a quelque chose de crépusculaire dans ce roman, de façon évidente avec l’anéantissement amorcé des Apaches, plus subtile avec ce héros, homme solitaire habitué à l’ascèse des sierras, ému par les puissances naturelles, qui va céder à l’impulsion de son désir et à l’appel de ses sentiments quitte à tourner le dos à une vie libre mais terrible pour se ranger. Concentrée dans Hondo Lane, c’est une époque qui se termine. Notons enfin que ce western dégage dans certains passages une électricité érotique, résultat de l’attirance entre notre héros et Angie Lowe, avec laquelle Louis L’Amour (c’est déjà fatidique) va dynamiser aussi son récit. Des fois, il fait chaud dans le désert. On ne le remarque pas assez dans certains westerns.

200 pages qui vous ramènent au corral concassé par l’expectative, les dénivelés et les chevauchées meurtrières. Et puis, une confirmation, la collection « L’Ouest, le vrai » en a encore sous le sabot.

LE CHÂTEAU DE BARBE BLEUE de Javier Cercas / Actes Sud

El Castillo de Barbazul

Traduction: Aleksandar Grujicic et Karine Louesdon

“À la gare routière de Gandesa, Melchor Marin attend, fébrile, que sa fille descende du car en provenance de l’aéroport de Barcelone. Hanté par la mort de sa femme, il a quitté la police pour animer la bibliothèque du village de Terra Alta, où il a refait sa vie, et le bonheur de Cosette est son seul cap ; mais elle ne fait pas partie des passagers. Ayant découvert que c’est l’inflexible sens de la justice de Melchor qui a causé la mort de sa mère et non, comme on le lui a toujours dit, un chauffard anonyme, la jeune fille, rongée par la colère, entend couper les ponts, du moins provisoirement, et prolonger son séjour aux Baléares. Le lourd silence qui s’installe entre eux ne tarde pas à réactiver les antennes de l’ancien policier. Sa fille est en danger, il le pressent. Pour la sauver de ses prédateurs et d’elle- même, il faut investir l’antre du Château de Barbe-Bleue, l’exubérante villa qu’un multimillionnaire suédois a bâtie à Formentor pour régaler en « chair fraîche » la jet-set internationale et les notables de l’île. C’est là, dans une pièce mieux surveillée qu’un réacteur à fusion nucléaire, que reposent toutes les preuves pour faire tomber le réseau.”

Le château de Barbe Bleue est le dernier volet d’une trilogie policière de l’auteur espagnol Javier Cercas. Brillamment initiée par Terra Alta qui donne son nom à l’ensemble et poursuivie par l’excellent Indépendance, l’histoire se termine par ce dernier opus, très loin de cette fameuse Terra Alta dont est originaire Melchior le héros qui quitte sa retraite paisible pour les sulfureuses Baléares.

Javier Cercas consacre une grande part de la première partie à conter les événements précédents de la geste de Melchior pour les nouveaux lecteurs mais ces derniers seraient bien avisés de prendre cette trilogie dans l’ordre. D’une part pour une meilleure compréhension de l’œuvre et mieux cerner son héros Melchior mais aussi parce que les deux premiers tomes étaient, à mon avis, bien plus inspirés et prenants, voire parfois poétiques.

Il est évident que si on a apprécié les deux premiers volets, il sera difficile de faire l’impasse sur cette fin. L’écriture reste impeccable bien sûr mais les retours sur le passé de Melchior assez inutiles plombent un peu le rythme du roman dans sa première partie. On a fait un long saut dans le temps puisque le roman se déroule en 2035 mais uniquement pour que Cosette ait l’âge de se faire emmerder par des vieux dégueulasses… Effet “Me Too” dans l’esprit de Cercas qui a eu envie de se rapprocher d’une actualité contemporaine sale genre Jeffrey Epstein ? La deuxième partie est beaucoup plus dynamique mais il semble que l’on perde un peu le Melchior qu’on a connu et aimé, reconverti en une espèce de James Bond… On comprend la colère paternelle, la rage mais tout cela donne au final l’impression de lire un thriller un peu opportuniste, de très grande consommation comme il y en a tant et ce n’est pas le final, certes étourdissant, qui fera changer d’avis.

Fin de cycle.

Clete.

LE GUIDE de Peter Heller / Actes Sud

The Guide

Traduction: Céline Leroy

“Quelques années après un été traumatique, Jack arrive au Kingfisher Lodge comme guide de pêche à la mouche auprès de riches et célèbres qui fuient la réalité morose d’une Amérique covidée dans les paysages sublimes du Colorado. Outre que la rivière fourmille de truites multicolores, Alison K, la cliente qu’on lui confie, est irrésistible. Mais la menace et le danger viennent vite assombrir la parenthèse enchantée.”

Peter Heller avec La constellation du chien il y a longtemps et La rivière dernièrement nous a charmés par ces belles intrigues dans des cadres naturels qu’il magnifie par ses peintures magnifiques de la nature décrites  avec talent et passion.

On retrouve ici Jack, personnage principal de La rivière, venu dans le Colorado pour panser ses plaies et prendre un nouvel élan dans la vie. Mais dès son arrivée dans cette réserve de pêche pour gens fortunés, lieu idoine pour écrire de belles pages de nature writing, plusieurs choses le chiffonnent: la présence de caméras, les limites draconiennes des espaces de pêche, des voisins du “resort” irascibles et une clientèle bizarre qui ne semble pas réellement s’intéresser aux loisirs proposés mais s’absente souvent pour revenir avec des mines ravagées et des pansements sur les mains. 

Jack est à l’essai comme guide mais tout de suite se lance dans l’investigation, fait fi des recommandations anti-covid (un énième variant venu d’Inde est apparu… pfffff!), refuse certaines obligations liées au fonctionnement du lieu. Il enquête d’abord seul puis avec l’aide de sa jeune et belle cliente Alison K., une rock star venue là pour évacuer la pression mais qui se lance avec lui dans l’”aventure”. Ils découvriront le pot aux roses et ce n’est pas joli, joli ce qui se passe à Kingfisher Lodge mais d’une part, ce n’est pas très original et d’autre part le lecteur l’aura découvert bien, bien longtemps avant eux. Le dernier tiers du roman tient du thriller mais dès que ça commence à sentir franchement le roussi pour nos deux amis, la cavalerie arrive à bord de deux hélicos…

Franchement ? De très belles pages au fil de l’eau qui pourront peut-être même créer une attirance pour la pêche chez certains mais aussi des personnages peu crédibles, des dialogues plats, une liaison très improbable, une intrigue à deux balles déjà souvent lue, un suspense poussif, une fin un peu niaise. Peut-être que ce roman s’adresse à un public très jeune, je ne sais pas, un peu désarmé… Et s’il est vrai que Peter Heller s’attaque aux loisirs privilégiés des nantis, à leur fric qui peut tout acheter même le plus immoral comme on pourra le constater, les appâts sont vraiment trop grossiers pour qu’on morde à l’hameçon, enfin moi toujours. Une grosse déception…

Clete.

LES DERNIERS GÉANTS d’Ash Davidson / Actes Sud

Damnation Spring

Traduction : Fabienne Duvigneau

Originaire de Californie, Ash Davidson vit aujourd’hui en Arizona. Elle nous propose aujourd’hui son premier roman, salué par une large critique américaine (dont Stephen King himself).

1977. Californie du Nord. Rich est de ces bûcherons qui travaillent au sommet des arbres. C’est un métier dangereux, dont son père et son grand-père sont morts. Il veut une vie meilleure pour sa femme Colleen et son fils Chub. Pour cela, il a investi en secret toutes leurs économies dans un lot de séquoias pluricentenaires. Mais lorsque Colleen, qui veut avoir un deuxième enfant malgré de précédentes fausses couches, se met à dénoncer la compagnie d’abattage pour l’usage d’herbicides responsable selon elle de nombreuses malformations chez les enfants, le conflit s’invite au coeur de leur couple.

De (bons) romans qui nous entraînent dans les forêts de la côte ouest des Etats-Unis et/ou dans les communautés de bûcherons, Nyctalopes en connaît quelques-uns, chroniqués parfois dans nos colonnes. Citons Le miel du lion de Matthew Neil Null, Faire bientôt éclater la terre de Karl Marlantes ou le désormais classique Et quelquefois j’ai comme une grande idée de Ken Kesey.

L’autrice déclare avoir mûri et travaillé son projet durant dix années. Il n’y aucun mal à le croire tant le texte coche de bonnes cases : caractère épique de cette saga familiale, sens du détail vif, personnages d’épaisseur humaine sensible, galerie de portraits remarquable, lignes de dialogues qui font mouche, enjeux enracinés dans un contexte temporel et humain mais universels (amour, travail, honneur, loyauté aux siens, impact de la dégradation de l’environnement sur la vie humaine). Oui, Les derniers géants s’appuie sur cette ancienne problématique, l’homme contre le vivant, la nature, pour dérouler superbement une chronique familiale et communautaire des plus fines. Ash Davidson et son roman, avec puissance, talent et grâce, même, s’avancent sur la scène. Et déjà cela est une réussite. Ne dit-on pas que nous aurions là trouvé une nouvelle Great American Voice ? C’est fort possible et demandera confirmation.

Voilà un premier roman de haut calibre, qui pourrait démarrer un parcours littéraire de façon parfaite. Trop parfaite ? Selon moi, un texte soigneusement travaillé, calibré, expression d’un talent et qui, pourtant, est retenu, juste à temps, de s’aventurer plus loin sur des versants fragiles face à un glissement de terrain, comme il peut arriver à la saison des pluies au pays du redwood. C’est une impression personnelle qui ne doit pas vous empêcher d’embrasser les arbres et les habitants de Del Norte County. Ash Davidson, désormais nous voulons un autre géant.

Paotrsaout

JE NE SUIS PAS LÀ de Lize Spit / Actes Sud

Ik ben er niet

Traduction du néerlandais: Emmanuelle Tardif

Si le nom de Lize Spit, l’auteure belge ne vous dit rien, c’est que vous n’avez pas lu son premier roman Débâcle. Ceux qui en étaient venus à bout, avaient vécu cette tragédie racontant la terrible histoire d’une pauvre môme et de sa petite sœur dans un monde où la beaufitude des adultes règne, en l’occurrence dans une Belgique tellement proche de nos chères campagnes muettes. Ils n’ont sûrement pas oublié la crudité des propos de Lize Spit, sa puissance à générer chez un lecteur rendu rapidement à cran, une grande variété de sentiments comme la répulsion, la révolte, la colère, la douleur, le chagrin enfin, beaucoup de chagrin. Une véritable épreuve Débâcle, ça bouscule, ça ébranle, tout le monde ne peut ou n’a pas envie d’être témoin de tant de souffrance mais quel talent sur plus de 500 pages. La dame revient avec Je ne suis pas ici. Et on l’attendait depuis longtemps, moi en tout cas…

« Nous étions deux piliers de guingois qui, dès lors qu’on les appuierait l’un contre l’autre, auraient plus de stabilité qu’un seul pilier à la verticale. Tout irait bien tant que nous resterions ensemble. »

Leo vit avec son petit ami Simon depuis dix ans. Lié par une enfance troublée, le couple vit parfaitement heureux. Jusqu’à ce que tout change : Simon rentre chez eux au milieu de la nuit et Leo ne le reconnaît plus, ni dans ses gestes, ni dans ses mots. Lentement, l’existence méticuleusement construite de Leo s’effondre, jusqu’à mettre sa vie en danger…”

Débâcle parlait d’une enfance à la campagne, Je ne suis pas ici raconte l’existence de deux adultes plombés par l’aliénation de l’un par le bipolarité. Il fonctionne exactement avec la même mécanique perverse que Débâcle. Le roman débutant dans les derniers moments avant un drame inévitable, on rentre très vite dans l’urgence, mais on va nous livrer les clés lentement, avec une méchante parcimonie, une avarice coupable. Un compte à rebours apparaît, mais on n’est pas dans un thriller, on est juste au bord du précipice, avant le grand saut possible et très prévisible vers un océan de noirceur, les lecteurs de Débâcle se souviennent encore des moments d’horreur… Parallèlement Lize Spit va nous raconter l’histoire de Simon et Léo, surtout les six derniers mois, ceux de la maladie de Simon, et rien ne nous sera caché.

Un couple de trentenaires bobos, bruxellois, geeks aux métiers branchouille, pas de quoi créer au départ une réelle attirance pour cette histoire, mais c’est Lize Spit aux commandes et son talent, une fois de plus, opère. Rapidement, comme pour son premier roman, on se prend d’affection pour la victime, cette petite nana, Léo qui va supporter un Simon devenu incontrôlable, à l’ouest de l’ouest. Et si au départ, on peut parfois sourire, on est très vite figé. L’épreuve endurée est largement à la hauteur de son amour fou… et le plus terrible arrive.

La plume est adroite, la construction parfaite, le suspense extrêmement tendu et la dernière phrase, l’apanage des grands, vous achève. Talentueux !

Clete

LES MIGRANTS DU TEMPS de Liu Cixin / Actes sud / Exofictions

Traduction:  Gwennaël Gaffric

Le miroir prit la parole :

 ― Voici ma harpe. Je suis un pinceur d’étoiles, et je vais à présent jouer du soleil !

J’ai découvert Liu Cixin avec le premier volume de cette intégrale de nouvelles, L’équateur d’Einstein. Ce volume confirme tout le bien que je pensais des œuvres de l’auteur. Inutile donc de répéter tout ce que j’ai écrit à ce moment-là, c’est toujours aussi éblouissant et démesuré.

De grands traits se dessinent dans ce recueil de dix-sept nouvelles, mais difficile de parler d’évolution ou de progression quand aucune date n’est mentionnée, quand on a aucune idée de la façon dont le recueil a été composé ; c’est bien le seul défaut du livre.
D’une part, on remarque une grande sensibilité aux problèmes contemporains tels que l’écologie ou les multiples conflits internationaux. Et d’autre part, l’art, la musique sont abondamment présents et vivants. On retrouve bien sûr des thèmes chers à l’auteur, la supériorité du collectif à l’individuel, la glorification des sciences et techniques, etc. Comme dans le premier volume, Liu Cixin joue avec l’univers. Il s’en sert comme le peintre se sert d’une toile ou d’un carton, c’est un support aux formidables secousses que sont ses histoires.

En route pour Les migrants du temps

 Pacifique Sud. Yiti et ses deux compagnons se tiennent sur le pont d’un yacht de croisière poétique. Destination l’Antarctique. Si tout se passe bien, ils arriveront dans quelques jours et perceront la croûte terrestre pour contempler le Nuage de poèmes.

 Aujourd’hui, le ciel et la mer sont limpides, trop transparents sans doute pour des poètes. Au-dessus de leurs têtes, le continent américain, généralement caché partout ailleurs, flotte ici au milieu du ciel, telle une tache sombre sur l’hémisphère Est qui envelopperait le monde comme un gigantesque dôme. Le continent a l’air d’un morceau de mur éraflé. 


Je dois dire que la première nouvelle, Les hommes et le Dévoreur, ne m’a ni passionné, ni convaincu (c’est bien la seule du recueil). Cette histoire d’immense vaisseau spatial extraterrestre ceignant notre planète et dévorant ses ressources est bien écrite, l’histoire est bien montée mais il n’y a que du gigantisme, et c’est assez lourd à avaler, même si la fin est inattendue. Mais, cette nouvelle sert de matière première à la magnifique suivante : Le Nuage de poèmes en est une sorte d’image inversée.
La Terre est évidée, Yiyi, Li Bai et Grands-Crocs voguent sous la surface terrestre. Yiyi, poète et humain d’élevage, est offert par un émissaire du Dévoreur à une divinité sphérique, alors qu’il aurait dû finir à la poubelle. On retrouve le talent de Liu Cixin dans cette nouvelle déroutante, il compose un dialogue vertigineux sur la nature de la poésie entre ces trois êtres aux formes et intelligences différentes. Borges et sa bibliothèque ne sont pas loin, comme bien sûr la poésie chinoise classique, ainsi qu’un peu de physique quantique. J’ai écrit déroutant plus haut, c’est tellement plus que ça…

Dans un pays ravagé par la guerre, Shini, une gamine affamée, passe son temps à s’entraîner au marathon. Elle est sélectionnée avec d’autres sportifs tout aussi décharnés qu’elle pour représenter la Ouestasie aux Jeux Olympiques, à Pékin. Il n’y a qu’un autre pays présent à ces Jeux, les États-Unis d’Amérique. En fait d’épreuves sportives, les athlètes devront se substituer à la guerre sur le point d’éclater entre leurs deux pays. Il est aisé de retrouver dans ces pages une image exacerbée du conflit larvé opposant l’Iran et les USA depuis des décennies. Ce qui est nouveau, c’est le rôle prépondérant de la Chine dans la résolution de conflits internationaux.
Liu Cixin fait preuve dans La Gloire et le rêve d’une rare sensibilité, notamment lors de la course de Shini qui sont parmi les plus belles pages de littérature sportive que j’ai lues.

Ce n’est que la troisième nouvelle et le niveau est déjà si élevé que je me demande si ce qui va suivre pourra être aussi bon.
La réponse est un oui enthousiaste.
Dans un observatoire niché en haut des montagnes, un neurologue vient de sauver un homme, une étudiante chercheuse observe la scintillation du soleil. Dix ans plus tard, Les penseurs se rencontrent à nouveau. Liu Cixin, au travers de ces deux intelligences, développe une histoire subtilement rythmée qui oscille entre rêve et lyrisme, une histoire d’amour peu commune où le hasard et l’astrophysique vont de pair ; il nous entraîne aux confins des neurosciences et des rayonnements stellaires.
Certainement le plus beau texte du livre.

On peut être moqué dans son pays par des snobs de mon espèce et être une star en Chine. C’est ainsi que Richard Clayderman se retrouve à jouer à la cérémonie de fermeture définitive de l’ONU.
Devant l’assemblée générale un invité surprise arrive par le ciel : un miroir gigantesque qui se présente comme musicien. La musique n’a jamais autant adouci les mœurs que dans L’Hymne à la joie. En dire plus reviendrait à en dire trop.
Les quelques pages du chapitre le miroir (ne pas confondre avec la nouvelle du même nom), sont parmi les plus belles de Liu Cixin, d’une poésie proprement époustouflante.

― Je m’en veux de te déranger le jour le plus sombre de ta vie. Encore aujourd’hui, après tant d’années, je m’en souviens comme si c’était hier.

 La voix était étrange, elle était claire, mais paraissait en même temps lointaine et éthérée. Une image lui vint à l’esprit : des vents froids soufflant sur les cordes d’une harpe abandonnée en plein désert.

Suite à une pétition l’éclairage de la ville est éteint pour profiter de la lumière lunaire.
Pendant cette Nuit de lune, un homme reçoit un coup de téléphone. Lui-même dans une centaine d’années. Cette nouvelle est un huis-clos parfait empreint, encore une fois, d’une grande poésie, presque un songe. 

 Un simple mortel qui agit comme il faut cent ans en avance est l’égal d’un Dieu intervenant dans le présent.
L’homme de 2123 ne vit pas au paradis mais bel et bien sur terre, à Shanghai. Et on peut dire que les humains, même s’ils vivent deux siècles, n’ont rien fait pour sauver ce qui pouvaient l’être. Pollution, montée des eaux, profusion de déchets, etc. Voilà l’enfer du monde dans un siècle.
Liu Cixin n’est pas un désespéré, il a une foi incommensurable en la science, bien qu’ici la nuance soit de mise. Pourquoi ne pas sauver l’humanité, quand bien même la solution viendrait du futur. 

Encore que…

Quoi de plus pratique qu’un petit virus informatique pour se venger d’un fiasco amoureux ? Oh juste un tout petit virus de rien, si inoffensif que les anti-virus le laissent tranquille. C’est ainsi que naît Malédiction 1.0 en 2009, et qu’il continue à survivre paisiblement pendant 10 ans, jusqu’à sa redécouverte par un archéologue du net. Voici donc Malédiction 2.0 qui connaîtra une troisième puis une quatrième version meurtrière quelques années plus tard.
Pendant la même période Liu Cixin et Pan Dajiao écrivent conjointement leurs grands œuvres respectives, sans plus de résultat qu’un nombre de ventes s’élevant à quarante-deux (oui, comme le sens de la vie, il n’y a pas de hasard) exemplaires en tout, avec pour conséquence la rue pour tous les deux.
Ces deux courtes histoires entrent évidemment en collision dans Pour l’amour de Taiyuan. C’est alors un inhabituel Liu Cixin bourré d’humour et d’autodérision qui apparaît.

En voici une dernière, il y en a d’autres à découvrir, toutes aussi sidérantes, dans ces presque sept cents pages.
Une tentative d’assassinat du troisième siècle avant notre ère sert de point de départ à la dernière nouvelle du recueil, Le Cercle. Jink Ke doit tuer le roi Qin Shi Huan, celui dont le mausolée renferme la célèbre armée de terre cuite qui va se révéler bien vivante et servir à décrypter les mystères du Ciel et du nombre Pi. Liu Cixin s’écarte très vite de ce qu’attestent les annales historiques pour encore une fois glorifier la science, les mathématiques et la géométrie puisqu’il bâtit un système informatique plus de deux mille ans avant son apparition ! Le Cercle est finalement cruelle, et ne se départit pas d’un certain humour.

Aborder Liu Cixin, c’est comme arriver face aux œuvres intégrales de Bach ou Mozart. C’est intimidant. Pourtant il ne faut pas hésiter un seul instant à plonger dans la distorsion du temps, à se laisser submergé par l’intelligence, enveloppé par la poésie, emporté par les extraterrestres, et surtout par ses textes.
Ces nouvelles, celles dont j’ai parlé comme les autres, se dévorent lentement, il ne faut surtout pas les lire de manière trop rapprochée. Les réflexions et les rêveries suscitées surgissent et durent parfois longtemps après la lecture. Il serait dommage de gâcher un tel plaisir.

NicoTag

L’ESCADRON NOIR. Une Iliade au Kansas de W. R. Burnett / L’Ouest, le vrai/Actes Sud

The Dark Command. A Kansas Iliad

Traduction : Fabienne Duvigneau

La disparition de Bertrand Tavernier le 25 mars 2021 semblait annoncer la fin de la collection L’ouest, le vrai chez Actes Sud. Il en était le directeur passionné, apôtre de la réhabilitation du western littéraire. C’est donc une joie de découvrir que Bertrand Tavernier a eu le temps de transmettre le flambeau. Thierry Frémaux, directeur de l’Institut Lumière de Lyon, cadre ainsi la publication de ce texte inédit de William Riley Burnett (auteur phare de la collection L’Ouest, chroniqué déjà par Nyctalopes) en rédigeant la postface de L’escadron noir.

Grâce à son oncle, le jeune Johnny Seton va pouvoir entrer dans le cabinet de l’influent avocat Jim Wade. A la clé une situation, et la respectabilité aux yeux des McCloud, dont il convoite la fille, Mary. Mais c’est sans compter sur Polk Cantrell. Redouté dans plus de six comtés, l’homme, qui se cache des Missouriens depuis qu’il a tiré sur un shérif pro-esclavagiste, est venu se réfugier à Pleasant Hill, Ohio. Le cœur de Mary ne tarde pas à balancer, déclenchant l’engrenage d’un duel sans merci.

Que ceux qui ont déjà regardé le western de Walsh (avec John Wayne, Claire Trevor, Walter Pidgeon et Roy Rogers) ne s’attendent pas à retrouver une histoire semblable dans le roman de Burnett. Le scénario a pris beaucoup de liberté par rapport à son socle d’origine. Pour un résultat mitigé car le film ne figure pas au firmament de l’œuvre de Walsh. Mais le scénario n’est pas seul en cause.

Quand Burnett écrit L’escadron noir en 1938, il est en pleine maîtrise de son style, une prose sèche et pourtant généreuse en informations, qu’il a exercé dans le genre policier. Car Burnett est avant tout un romancier de la pègre et des trafics, expert des personnages à plusieurs facettes. C’est ce que nous découvrons avec John Seton, Mary et Polk Cantrell, engagés très vite dans un classique triangle amoureux dans une tranquille ville de l’Ohio du milieu du XIXe siècle. Le premier est un peu naïf, la deuxième versatile, le troisième dégage une aura trouble. La fille de bonne famille se fait la belle avec le bad boy et John Seton a un gros chagrin d’amour. On pourrait résumer ainsi le premier quart du roman et se dire qu’on attendait autre chose qu’une western romance.

Mais Burnett a planté les graines d’un drame sanglant en rattachant son roman aux troubles années 1850. La question esclavagiste divise en effet l’Amérique jusque dans son expansion vers l’ouest. Les nouveaux territoires (Kansas, Nebraska) doivent-ils se rapprocher des législations sudistes ou les rejeter ? Sur le terrain, pros et antis se disputent, se battent, s’assassinent. Les organisation ou milices Red Legs, Jayhawkers, Bushwackers lancent des raids contre leurs adversaires, brûlent leurs propriétés, pendent ou flinguent à tout va. C’est une véritable guerre civile. Le célèbre John Brown lui-même y participe. Elle perdurera dans la région pendant le conflit officiel de la Guerre de Sécession et explosera en massacres de sinistre mémoire. Pour Burnett, il n’y a pas matière à philosopher. Cet arrière-fond historique apporte une dynamique à son récit très local, influence ses personnages et, bien sûr, alimente le caractère dramatique des événements vécus à hauteur d’homme.

N’ayant pas renoncé à Mary, John Seton s’installe dans le Kansas, dans la même ville que les nouveaux mariés. L’affrontement avec Polk Cantrell est inévitable. Il s’aggrave du désaveu électoral qui est infligé à l’ambitieux Cantrell. Vexé, celui-ci rallie les Bushwackers pour se venger de la communauté dont Seton devient un membre honorable. Tandis qu’il essaie de séduire Mary, toujours sceptique sur son caractère, Seton s’étoffe physiquement et moralement dans sa nouvelle vie. Il paraît toujours un cran au-dessous de son rival, retors et rancunier, pistolero sans scrupules. Dans le grand final d’une chevauchée sanglante, emblématique des troubles de cette époque, leur rivalité devra se régler une fois pour toute. Pour le vainqueur, peut-être, une Mary séduite.

Un western aux approches sentimentales et psychologiques (avec un héros un peu barbant) qui libère finalement l’intensité et la brutalité de son genre.

Paotrsaout

CHIEN 51 de Laurent Gaudé / Actes Sud

Laurent Gaudé, lauréat du Goncourt 2004 avec Le soleil des Scorta en 2004, est un auteur reconnu depuis longtemps. Son incursion dans les domaines de la SF et du polar fait que c’est sûrement le bon moment pour s’intéresser à son œuvre. Découvrant Gaudé avec ce nouveau roman, je me garderai bien de juger de la pertinence de son incursion dans la dystopie, méchamment à la mode, chez de nombreux auteurs.

“Désormais expatrié, Zem n’est plus qu’un vulgaire “chien”, un policier déclassé fouillant la zone 3 de Magnapole sous les pluies acides et la chaleur écrasante. Un matin, dans ce quartier abandonné à sa misère, un corps retrouvé ouvert le long du sternum va rompre le renoncement dans lequel Zem s’est depuis longtemps retranché. Placé sous la tutelle d’une ambitieuse inspectrice de la zone 2, il se lance dans une longue investi­gation. Quelque part, il le sait, une vérité subsiste. Mais partout, chez GoldTex, puissant consortium qui assujettit les pays en faillite, règnent le cynisme et la violence. Pourtant, bien avant que tout ne meure, Zem a connu en Grèce l’urgence de la révolte et l’espérance d’un avenir sans compromis. Il a aimé. Et trahi.”

Roman beaucoup plus complexe et complet qu’on pourrait l’imaginer, Chien 51 nous immerge tout d’abord dans un monde assez proche du nôtre, Gaudé aura juste été un peu plus loin dans nos frayeurs actuelles, glissant un peu plus profondément dans les dérives économiques, politiques, climatiques, humaines qui sont les nôtres. Ce “nouveau monde” est parfaitement décrit par l’auteur, par petites touches plus précises que le décor simplifié du départ qui ressemble, avant d’être expliqué, enrichi et développé avec bonheur tout au long du roman, à celui de Boris Quercia dans Les rêves qui nous restent. Ces dérives qui mènent à la triste réalité de la vie de Zem sont plausibles, dans un avenir plus ou moins proche si on envisage un futur très noir. Et c’est cette proximité avec le monde que nous vivons qui donne un rendu général bien flippant, inquiétant, palpable que vous aurez sûrement beaucoup de plaisir et d’effroi à découvrir par vous-mêmes donc chut…gardons votre surprise intacte.

Si le paysage SF est particulièrement étouffant, angoissant, le choix d’une intrigue policière est pertinent tant les déambulations, les investigations de Zem permettent de découvrir les dessous de cette société. Alors, bien sûr, on ne peut pas demander à l’auteur de tout reconstruire dans le polar et ces personnages de flics ne sont pas indemnes de certains clichés du genre mais rien de pesant, de rédhibitoire. Au contraire, on est vite gagné par une intrigue qui fonctionne à merveille jusqu’à la résolution très, très douloureuse de l’enquête.

“ A partir de là, tout doit être violent. Il le décide au fond de lui-même: les heures ne compteront plus. Il ne fera plus attention à ce qu’il va briser ou insulter. Il n’entendra plus les suppliques. Il sera dur parce qu’il a appris à l’être il y a longtemps de cela.”

Le final policier est particulièrement bien monté mais ne laisse rien présager d’une fin de roman qu’on lit avec la même stupéfaction que le héros confronté à ses fantômes du passé tout en étant aussi contaminé par son chagrin. Les blessures anciennes s’ouvrent à nouveau, les trahisons, les peines, les amours, tout converge vers un constat bien réel bien déprimant et concourt à faire de Chien 51, un impeccable polar, un absolu “must read” de la rentrée.

Clete.

LES SEPT DIVINITÉS DU BONHEUR de Keigo Higashino / Actes noirs / Actes Sud

Traduction: Sophie Refle

Avec dix romans dans la collection “Actes noirs”, Keigo Higashino est un auteur de polars japonais reconnu internationalement. En France, il a reçu le prix du meilleur roman international du Festival Polar de Cognac 2010 pour La maison où je suis mort autrefois, roman qui a permis sa reconnaissance en France. Citons aussi le sublime roman fantastique Les miracles de bazar Namiya paru dans la collection Exofictions début 2020 et qui montrait un autre aspect du talent de conteur du Japonais. Les sept divinités du bonheur est le troisième roman mettant en scène l’inspecteur Kaga découvert dans Les doigts rouges et retrouvé l’an dernier dans Le nouveau. Nul besoin d’avoir lu les deux premiers volumes pour apprécier et comprendre cette nouvelle enquête.

“Aoyagi Takeaki, un homme d’une cinquantaine d’années, est assassiné au pied de la statue du dragon ailé qui orne le pont de Nihonbashi, à Tokyo. Une enquête apparemment simple pour l’enquêteur Kaga, fraîchement arrivé au commissariat d’un quartier d’affaires prospère de la capitale. Mais les apparences sont parfois trompeuses : comment servir la vérité lorsque le suspect numéro un s’avère innocent ?”

Les sept divinités du bonheur est un pur polar d’investigation, bien dans ses bottes, offrant tout ce qu’on aime trouver dans ce genre de romans où un flic un peu allumé, se fie à son instinct et fouille pour découvrir une vérité bien enfouie et nullement envisageable pour le lecteur. Bon, on se doute que le suspect, décédé, n’est pas coupable sinon l’auteur serait bien embarrassé pour meubler ses trois cents feuillets. Par ailleurs, une description un peu trop détaillée de certains personnages semble indiquer que certains n’ont pas tout révélé et qu’on pourrait les retrouver. Les romans japonais sont souvent très mystérieux d’emblée, de part leur cadre bien sûr mais surtout de part une culture et une morale très différentes des canons occidentaux et qui interrogent souvent, surprennent.

L’intrigue est béton, très surprenante, documentée et met l’accent, à l’image de la Coréenne Hye-Young Pyun, sur la précarité de la vie et la pression exercée sur les salariés japonais. Aucun temps mort, on suit Kaga qui a de plus la bonne idée de ne pas nous saouler avec ses problèmes personnels. Et sans être le polar de l’année, Les sept divinités du bonheur, fait généreusement le job.

Clete

LES SABLES de Basile Galais / Actes Sud.

C’est une cité portuaire, verre et béton sur sable, qui se dresse contre un ciel-champ de bataille. Un enfant se volatilise, la ville est amputée d’un morceau de terre mais ne s’en souvient pas. Une « fake news » tourne en boucle sur tous les écrans, la mort d’un guide spirituel, quelque part au fond d’un désert, secoue des mondes lointains, retentit jusqu’au plus proche. L’information attaque la réalité et le vertige saisit chacun différemment, interrogeant la mémoire, la vérité, l’avenir. Dans la tempête, quelques silhouettes se détachent, nous ouvrant le chemin vers une histoire de disparition et d’oubli.

Publié chez Actes Sud, Les sables, le premier roman de Basile Galais a ce quelque chose d’intriguant, cette aura magnétique qui pousse à la lecture. Ce que l’on en sait – c’est à dire pas grand-chose de concret – est assez mystérieux. J’en espérais le mieux en craignant quand même un peu le pire. Au final, il n’est pas si évident de se prononcer dessus.

Le Havre, ville portuaire grise, massive et bétonnée (pour ce que j’en sais), par laquelle est passée un temps l’auteur Basile Galais, apparaît comme un élément clé dans l’écriture de ce roman. La cité portuaire qui sert ici de décor à l’histoire, qui en est même l’un des personnages principaux, pourrait bien être une sorte de double fantomatique du Havre. On ne sait pas précisément où on est mais nous y sommes plongés de façon éminemment immersive. Les sables est sensoriel et surtout visuel. C’est un état entre rêve et réalité. Une atmosphère enveloppante et nébuleuse. Une expérience littéraire plus qu’un roman conventionnel. 

La Cité est perturbée pas une actualité qui passe en boucle, la mort d’un guide, la mort « du » guide.   Nos quelques personnages réagissent tous à leur façon à cette information. Sans pour autant savoir de quel guide il est vraiment question, sans se sentir initialement véritablement concernés par cette information, ils perdent néanmoins leurs repères. Ils affrontent des émotions diverses et puissantes. C’est un étrange bouleversement. 

Tout au long du roman, je me suis demandé où Basile Galais souhaitait emmener ses lecteurs. J’attendais la concrétisation d’une intrigue, d’une histoire, mais tout est trouble jusqu’à la fin, au point de nourrir une certaine frustration. Les différentes trajectoires des personnages ne constituent pas un récit concret. Elles font partie de ce tout inexplicable. Il n’est pas difficile de se laisser absorber par la dimension esthétique et poétique du livre – qui est clairement son point fort – mais une impression d’inachevé demeure. Plus exactement, même si j’ai suivi le mouvement sans déplaisir, je n’ai pas tout à fait saisi la finalité du livre. Mais peut-être est-ce juste moi qui est en cause ?

Les sables, qui lorgne du côté de la science-fiction, est pour celles et ceux qui veulent s’immerger dans une œuvre littéraire singulière à la dimension esthétique puissante. Il ne faut pas craindre de voir l’intrigue vous échapper pour apprécier les qualités du livre. Ce n’est pas à proprement dit un roman complexe, mais juste insaisissable, car comme il est dit dans celui-ci : « Il y a des choses qui nous dépassent, il faut l’accepter. » 

Brother Jo.

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