Chroniques noires et partisanes

CABDRIVER de Dege Legg / Editions du Sonneur

Cablog, Diary of a Cabdriver

Traduction: Dennis Crowch

« Chaque boulot est sa propre aventure. Conduire un taxi la nuit à Lafayette en Louisiane n’a pas fait exception.

Il y a eu des hauts exaltants, des bas dévastateurs, des moments de terreur, d’hilarité, d’invraisemblable absurdité, et des nuits sans fin de banale routine, ponctuées d’épisodes touchants, capables de vous faire sereinement retrouver foi en l’humanité. Ce fut une sacrée virée. […]

C’était mon job, et voici mon livre. Bon voyage. »

Le nom de Dege Legg ne vous évoque peut-être pas grand-chose, mais pourtant, il a comme qui dirait roulé sa bosse. Il écrit, il voyage et surtout, ce pour quoi on le connaît le plus, il est un musicien averti qui, sous le blase Brother Dege (notamment mais pas que), a déjà enregistré une belle collection d’albums. Cela ne vous dit toujours rien ? Mais si, souvenez vous le film Django Unchained de Tarantino, avec le titre le plus marquant de la bande-son, j’ai nommé Too old to die young. C’était lui. Cela lui a d’ailleurs valu une nomination aux Grammy Awards mais ne l’a pas empêché de rester terré en Louisiane. Dege Legg est donc un artiste, et pour survivre dans son Sud profond des Etats-Unis, il aura eu toute une pelletée de jobs. Faut ce qu’il faut pour casser sa croûte. Parmi ces boulots, il exerça celui de chauffeur de taxi de 2003 à 2008. De cette expérience, il en a tiré un livre. Edité en 2020 outre-Atlantique, Cabdriver est désormais publié en France, aux Editions du Sonneur.

Quand je pense taxi, je pense indubitablement vie nocturne et ce sont deux films qui me reviennent à l’esprit. Il y a bien évidemment le culte Taxi Driver de Martin Scorsese, mais aussi Night on Earth de Jim Jarmusch. Alors si les taxis roulent aussi de jour, Dege Legg fut bien chauffeur de nuit. Une toute autre ambiance que celle des rues la nuit. L’humanité y prend parfois un tout autre visage…

Tel un journal de bord fragmenté, ce sont de courts épisodes de vie que nous donne à lire Dege Legg. Écrits à l’os, ces textes ne font que quelques lignes, et jusqu’à deux ou trois pages maximum. Il va droit à l’essentiel. Parfois, aussi, il couche sur papier quelques pensées, façon poèmes à la Charles Bukowski. Point de superflu. C’est brut, pur et assez fascinant. D’une course à une autre, une rue après l’autre, d’une rencontre à une autre, on voyage dans les entrailles de l’humanité. Ces petites chroniques, ces souvenirs mis bout à bout, se font le miroir d’une Amérique souvent sur la brèche. On rit beaucoup. Mais on pleure aussi. Un impressionnant panel de personnalités défilent au gré de ses interactions avec ses clients. C’est sombre, violent, beau, touchant, dur, et j’en passe. En toile de fond, souvent, une certaine misère. Des gens pauvres, abandonnés (les ravages de Katrina ne sont pas loin), perdus, infectes, allumés, flippants, abîmés, on voit vraiment de tout ou presque. Et ces moments, aussi courts soient-ils, disent tous quelque chose du monde dans lequel on vit.

Ecrit simplement et avec sincérité, Cabdriver est un instantané, aussi crépusculaire que lumineux, des bas-fonds de la vie. Avec Dege Legg pour chauffeur, on plonge en taxi dans les vicissitudes de la vie et on parcourt les fêlures, les travers et les plaies du tout un chacun. Une courte lecture qui en dit long sur l’humanité. 

Brother Jo.

5 Comments

  1. Ingannmic

    Bonjour Brother Jo,
    Penses-tu que ce titre pourrait s’inscrire dans l’activité « Sous les pavés les pages », consistant à lire sur novembre des titres sur la ville et l’urbanisme en tant que thème ou en temps que décor très présent (https://bookin-ingannmic.blogspot.com/2023/11/les-lectures-communes-pour-le-challenge.html) ?
    Car si c’est le cas (et si le permets bien sûr !), je piquerai ton lien pour l’ajouter au récap de l’activité..
    Dans tous les cas je note ce titre, qui me tente bien, ville ou pas…
    Bon dimanche,

    • Brother Jo

      Bonjour Ingannmic,

      Alors ici la ville se perçoit surtout du point de vue sociale, donc par sa population, mais il y a bien évidemment son aspect décor nocturne même si Dege Legg ne se répand pas en détails non plus.

      Je n’y avais pas pensé la dernière fois, même si votre projet autour de la thématique du monde du travail est toujours d’actualité, je vous recommande vivement ce livre : https://www.nyctalopes.com/client-mystere-de-mathieu-lauverjat-scribes-gallimard/

      Et puis, bien évidemment, permission accordée !

      Bon dimanche.

      • Ingannmic

        Merci pour toutes ces précisions. Si l’aspect urbain est peu présent de manière directe dans le récit, je préfère ne pas récupérer le lien. Pour la thématique sur le monde du travail, c’est un projet à venir, sur tout 2024 (2023 étant placé sous l’égide des minorités ethniques, pour lesquelles j’ai récupéré au moins un lien ici:))
        Je note le titre de Mathieu Lauverjat pour compléter la liste de suggestions que je proposerai lors du lancement de l’activité.

  2. le Bison

    Waouh…. Mais qui est donc ce Brother Dege…
    Je note de suite, et l’écrivain et le musicien…
    une claque sa musique, en attendant que je trouve le bouquin…

    • clete

      Entretien avec l’auteur à venir.

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