Chroniques noires et partisanes

Étiquette : victor del arbol

PERSONNE SUR CETTE TERRE de Víctor Del Árbol / Actes Noirs-Actes Sud.

Nadie en esta terra

Traduction: Alexandra Carrasco

Víctor del Árbol, neuf romans dans la collection est le fer de lance d’une littérature policière espagnole de grande qualité présente chez Actes Noirs. Aro Sáinz de la Maza, Mikel Santiago, Carmen Mola, Agustin Martinez… se sont glissés dans la faille créée par Del Arbol en 2011 avec le succès de La tristesse du samouraï.

Dans un village côtier de Galice, en 1975, un enfant assiste à l’incendie criminel de sa maison et au meurtre de son père. En 2005, à Barcelone, l’adulte qu’il est devenu semble avoir enfreint toutes les règles éthiques et morales qui avaient présidé à son entrée dans la police. Il a battu (presque) à mort un entrepreneur sans histoire et reste obstinément muet sur les raisons de son acte. Atteint d’une maladie incurable, il revient sur les terres où il est né. Pour déterrer le passé et venger sa triste enfance ? Ou pour affronter ses vieux démons et trouver le repos de l’âme ? Trente années défilent alors, qui voient des hommes chasser en meute pour garder leurs secrets, des serments d’amitié se briser contre l’intérêt supérieur du clan, la “blanche” mexicaine remplacer le bourbon irlandais de contrebande, des hommes puissants cachés derrière des masques de loup abuser d’enfants rêveurs, et un tueur à gages aux yeux noirs accomplir son office avec une éblouissante humanité.

Au premier abord, Julian, flic condamné par la maladie se rendant sur les terres maudites de son enfance, nous entraîne dans une histoire où résilience, rémission, rédemption seront une nouvelle fois un peu trop à la fête. Le décor est soigné “gothiquement”, la tragédie rurale avec ses gros sabots est en place. En fait non, la voix off d’un tueur à gages qui va semer la mort dans le sillage de Julian et nous entraîner vers des réalités beaucoup plus contemporaines, montre une autre voie et semble indiquer que l’intrigue sera retorse. Un ange de la mort aux yeux noirs comme une évocation des vers de Pavese en exergue de La mort aura tes yeux de James Sallis:

 » La mort viendra et elle aura tes yeux –
cette mort qui est notre compagne
du matin jusqu’au soir, sans sommeil,
sourde, comme un vieux remords
ou un vice absurde. Tes yeux
seront une vaine parole,
un cri réprimé, un silence.
« 

La phrase complète dont est extrait le titre est “Personne sur cette terre n’est innocent, personne n’oublie, personne ne pardonne”. Elle éclaire sur la réalité d’une intrigue qui va montrer de manière remarquable que nous sommes l’addition de toutes nos histoires (nos réussites mais aussi nos échecs, nos blessures, nos douleurs) et que nos réactions parfois surprenantes ne sont que les réponses aux maux de notre existence.

Alors, faut-il encore présenter Víctor del Árbol ? Je ne le pense pas. Si vous n’avez jamais lu Víctor del Árbol, cela signifie peut-être tout simplement que vous n’êtes pas faits pour les polars et cela n’est pas très grave. Víctor del Árbol est certainement un des plus grands du polar actuellement. Il y a une certaine noblesse dans l’écriture de cet ancien flic qui avance à son rythme, économe de ses indices, jouant avec la perception erronée du lecteur, irritant dans son avarice et surprenant dans les esquisses joliment humaines de ses personnages. Les histoires de Víctor del Árbol sont sombres, violentes, mais animées d’une grande humanité. On est rapidement oppressés par le propos et si Víctor del Árbol en joue sans en abuser, il a néanmoins la belle élégance des très grands en nous cachant l’indicible, se contentant de le suggérer. La fin ne séduira sûrement pas tous les lecteurs, mais ne laissera personne indifférent.

Le beau retour d’un Grand d’Espagne !

Clete

Víctor del Árbol chez Nyctalopes: LE FILS DU PÈRE, LA VEILLE DE PRESQUE TOUT.

LE FILS DU PÈRE de Victor del Arbol / Actes Noirs Actes Sud

El hijo del padre

Traduction: Claude Bleton et Emilie Fernandez

“Diego enseigne à l’université, il est heureux en ménage et vit dans une belle villa face à la mer.

En amont de la lignée, pourtant, un père a quitté son village d’Estrémadure dans les années 1950 pour la périphérie de Barcelone et ses tripots clandestins, toujours un poing américain dans la poche, jusqu’à la rixe fatale qui le mène à la Légion étrangère du Sahara oriental. Et un grand-père a dû payer pour les exactions d’un parent anarchiste qui, aux premières heures de la guerre civile, s’en est pris aux caciques du petit village qui les a vus naître. S’en est suivie une rivalité ancestrale, scellée par un châtiment cruel : le front russe dans la division Azul de Franco.

Reclus dans une unité de soins, Diego raconte la malédiction qui poursuit sa famille. Car à l’instar de ses aïeux, et contre toute attente, il est devenu, lui aussi, un assassin.”

Dés le départ, on sait que Diego a commis le meurtre d’une personne qu’il connaissait et avec qui il aimait échanger. S’il se montre assez méprisable dans son comportement de mari et d’homme à femmes usant et abusant de son prestige et de son aura d’universitaire, on ne l’imagine pas assassin. Par le biais de notes qu’il rédige en attendant que la justice statue sur son sort, on va petit à petit comprendre les causes de cette violence meurtrière. Une évocation sanglante des hommes de la famille nous est contée, ancrée au départ dans des époques très noires de l’Espagne: la guerre civile puis la “Division Azul” unité franquiste combattant avec les nazis sur le front russe puis la légion étrangère espagnole dans le Sahara et enfin, plus intimement, les tragédies d’une histoire familiale ponctuée, rythmée de violences aveugles sur les proches. Diego est le fruit de toute cette malédiction et il va montrer son mauvais héritage, en devenant, hélas, bien “le fils du père”.

Actes Noirs d’Actes Sud, depuis plusieurs années, fait la part belle au polar espagnol, certainement un des plus intéressants actuellement. Citons Mikel Santiago, Carlos Salem, Agustin Martinez, Aro Sainz de la Maza, autant de belles lames ibères accompagnant celui qu’on peut décemment désigner comme leur chef de file Victor Del Arbol. Je ne vous ferai pas l’affront de le présenter. Brièvement, disons qu’il a gardé de ses études d’Histoire un goût prononcé pour les explorations du passé espagnol et que son vécu de deux décennies dans la police catalane offre certaines garanties et lui alloue un crédit non négligeable. 

Le résultat est une fois de plus magnifique. Alors c’est noir, c’est dur, c’est violent, souvent crû, parfois hautement dérangeant et, pour moi, méchamment flippant tout le long mais je pense que c’est un peu ce que vous venez chercher un peu en passant par Nyctalopes, non ? Tout en vous bousculant, en vous ébranlant, voire en vous dérangeant, Del Arbol, et c’est l’apanage des grands, vous interroge, vous interpelle, vous amène à une passionnante réflexion sur l’Histoire et sur la famille. Si la violence des hommes macule les pages du roman, l’émotion y est aussi souvent très présente et tout aussi assassine.

Une histoire passionnante qui interroge autant qu’elle émeut et terrifie. 

La grande classe, chapeau bas.

Clete

LA VEILLE DE PRESQUE TOUT de Víctor Del Árbol chez Actes Sud

Traduction : Claude Bleton.

Víctor Del Árbol a fait des études d’histoire et a travaillé pendant vingt ans dans la police régionale de Catalogne. Il écrit depuis 10 ans et a reçu un prix pour presque tous ses romans. « La veille de presque tout » est son cinquième roman publié en France, il a reçu le prix Nadal en 2016.

« L’inspecteur Ibarra a été transféré depuis trois ans dans un commissariat de sa Galice natale après avoir brillamment résolu l’affaire de la petite disparue de Málaga. Le 20 août 2010, 0 h 15, il est appelé par l’hôpital de La Corogne au chevet d’une femme grièvement blessée. Elle ne veut parler qu’à lui. Dans un sombre compte à rebours, le récit des événements qui l’ont conduite à ce triste état fait écho à l’urgence, au pressentiment qu’il pourrait être encore temps d’éviter un autre drame.

À mesure que l’auteur tire l’écheveau emmêlé de ces deux vies, leurs histoires – tragiques et sublimes – se percutent de plein fouet sur une côte galicienne âpre et sauvage.

Une fillette fantasque qui se rêvait oiseau marin survolant les récifs, un garçon craintif qui, pour n’avoir su la suivre, vit au rythme de sa voix, un vieux chapelier argentin qui attend patiemment l’heure du châtiment, un vétéran des Malouines amateur de narcisses blancs…

Aucun personnage n’est ici secondaire… » Continue reading

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