El hijo del padre

Traduction: Claude Bleton et Emilie Fernandez

“Diego enseigne à l’université, il est heureux en ménage et vit dans une belle villa face à la mer.

En amont de la lignée, pourtant, un père a quitté son village d’Estrémadure dans les années 1950 pour la périphérie de Barcelone et ses tripots clandestins, toujours un poing américain dans la poche, jusqu’à la rixe fatale qui le mène à la Légion étrangère du Sahara oriental. Et un grand-père a dû payer pour les exactions d’un parent anarchiste qui, aux premières heures de la guerre civile, s’en est pris aux caciques du petit village qui les a vus naître. S’en est suivie une rivalité ancestrale, scellée par un châtiment cruel : le front russe dans la division Azul de Franco.

Reclus dans une unité de soins, Diego raconte la malédiction qui poursuit sa famille. Car à l’instar de ses aïeux, et contre toute attente, il est devenu, lui aussi, un assassin.”

Dés le départ, on sait que Diego a commis le meurtre d’une personne qu’il connaissait et avec qui il aimait échanger. S’il se montre assez méprisable dans son comportement de mari et d’homme à femmes usant et abusant de son prestige et de son aura d’universitaire, on ne l’imagine pas assassin. Par le biais de notes qu’il rédige en attendant que la justice statue sur son sort, on va petit à petit comprendre les causes de cette violence meurtrière. Une évocation sanglante des hommes de la famille nous est contée, ancrée au départ dans des époques très noires de l’Espagne: la guerre civile puis la “Division Azul” unité franquiste combattant avec les nazis sur le front russe puis la légion étrangère espagnole dans le Sahara et enfin, plus intimement, les tragédies d’une histoire familiale ponctuée, rythmée de violences aveugles sur les proches. Diego est le fruit de toute cette malédiction et il va montrer son mauvais héritage, en devenant, hélas, bien “le fils du père”.

Actes Noirs d’Actes Sud, depuis plusieurs années, fait la part belle au polar espagnol, certainement un des plus intéressants actuellement. Citons Mikel Santiago, Carlos Salem, Agustin Martinez, Aro Sainz de la Maza, autant de belles lames ibères accompagnant celui qu’on peut décemment désigner comme leur chef de file Victor Del Arbol. Je ne vous ferai pas l’affront de le présenter. Brièvement, disons qu’il a gardé de ses études d’Histoire un goût prononcé pour les explorations du passé espagnol et que son vécu de deux décennies dans la police catalane offre certaines garanties et lui alloue un crédit non négligeable. 

Le résultat est une fois de plus magnifique. Alors c’est noir, c’est dur, c’est violent, souvent crû, parfois hautement dérangeant et, pour moi, méchamment flippant tout le long mais je pense que c’est un peu ce que vous venez chercher un peu en passant par Nyctalopes, non ? Tout en vous bousculant, en vous ébranlant, voire en vous dérangeant, Del Arbol, et c’est l’apanage des grands, vous interroge, vous interpelle, vous amène à une passionnante réflexion sur l’Histoire et sur la famille. Si la violence des hommes macule les pages du roman, l’émotion y est aussi souvent très présente et tout aussi assassine.

Une histoire passionnante qui interroge autant qu’elle émeut et terrifie. 

La grande classe, chapeau bas.

Clete