Chroniques noires et partisanes

LA MAUVAISE HERBE d’Agustin Martinez / Actes Noirs Actes sud.

La mala hierba

Traduction: Amandine Py

Après avoir perdu leur emploi, Jacobo et Irene quittent Madrid pour un petit village près d’Almería, où ils occuperont la vieille ferme délabrée héritée des parents, le temps de se remplumer un peu. À leur traîne : une adolescente boudeuse de quatorze ans, furieuse d’avoir abandonné ses amis pour venir s’enterrer dans ce trou avec des parents qui ne comprennent rien à rien.

Dans un décor de Far West andalou – chaleur écrasante, bottes d’herbe sèche soulevées par les assauts du sirocco, sable qui s’infiltre dans le moindre interstice –, les habitants du village vivent en autarcie. Le clan a ses lois tacites et un chef qui emploie la moitié des habitants, régentant son monde depuis sa splendide villa sur la colline.

Quelques mois plus tard, alors que leur fille passe la nuit chez une amie, Jacobo et Irene sont attaqués chez eux. Irene est tuée et Jacobo laissé pour mort. Quand il sort enfin d’un long coma, la police lui révèle le nom du probable commanditaire : Miriam, son ado revêche.”

Avertissement: Actes Noirs, une collection de qualité dont les couvertures foutent quand même souvent les jetons sur le contenu. Ne surtout pas s’y arrêter. 

Deuxième roman d’Agustin Martinez, succédant à “Monteperdido” paru en 2017, “la mauvaise herbe” est catalogué comme un thriller. Et pourtant cette deuxième réalisation est d’une ampleur et d’une ambition bien plus universelle que le thriller moyen (pas trop notre tasse de thé). Souvent dans un thriller “mainstream” un thème principal est traité et d’autres plus ou moins survolés, priorité étant donné fréquemment à l’action, à l’urgence. Ici, par contre, plusieurs thèmes sont traités de concert de manière particulièrement pointue que ce soient les rapports familiaux, l’adolescence,  le déclin du couple, la récession économique d’une famille, l’appauvrissement de l’espace rural et des zones périphériques, les vices des hommes, l’économie de la misère… contribuant à rendre ce roman très prenant de la première à la dernière page dans une ambiance poisseuse, malsaine, glauque, sale, particulièrement perverse et immensément toxique.

Il est lourd pour un thriller, il fait ses quatre cent pages ce bouquin, et c’est chez Actes Noirs / Actes sud, c’est écrit serré, serré. Pas comme chez certains que je ne citerai pas qui semblent éditer pour malvoyants avec grosse police et très aéré dans la composition pour donner un certaine consistance à un écrit un peu léger. C’est du lourd ici, il y a bien suspense mais il n’y a pas, loin s’en faut, le feu à la baraque non plus, L’histoire est particulièrement originale et le temps est pris pour préparer, décrire le drame horrible, l’armageddon d’une famille.

Le dernier quart, par contre, ménage de sérieux rebondissements succédant à de longues périodes d’errance du lecteur qui, un moment, n’a plus aucune certitude sur les agissements de Jacobo, d’Irène et de leur fille Miriam se faisant l’avocat puis le procureur de chacun avec la même infortune finalement. Le roman raconte deux époques, l’avant tuerie et l’après et Agustin Martinez manie le suspense dans sa narration avec beaucoup de talent, bousculant, trompant, abusant savamment et salement le lecteur avant de le flinguer dans un final particulièrement frappant, éprouvant et source de multiples réflexions post-lecture.

Assurément et de très loin le meilleur polar lu depuis un certain moment. Un roman particulièrement puissant qui marque, une terrible tragédie familiale et une belle plume hispanique qu’il faut absolument suivre.

Clumpidos !

Clete.

PS: en fait c’est terrible et beau comme du Migala, talentueux Espagnols eux aussi et en écoute en dessous.

2 Comments

  1. christophe

    oh oui, une sacrée claque….

    • clete

      On est bien d’accord.

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