Chroniques noires et partisanes

PYTHON de Sébastien Gendron / la Noire / Gallimard.

Faire rire n’est pas donné à tout le monde, provoquer une hilarité constante dans une atmosphère très noire tient du talent et Sébastien Gendron, roman après roman, nous prouve qu’il possède ce talent, sûrement aussi le fruit du travail et d’une observation fine et redoutable de ses contemporains, et de leurs travers. Python est le deuxième volet d’un triptyque consacré à la France rurale introduit par Chevreuil où il flinguait les comportements fachos des autochtones d’une commune rurale française indéterminée. Quittant le bourg historique, il s’intéresse aujourd’hui à un lotissement bourgeois périphérique, bon chic bon genre, voisins vigilants, jardins chouchoutés peuplé d’arrivants séduits par une vie plus saine à la campagne tout en restant un peu à l’écart des péquenots : la campagne sans les nuisances, un entre-nous rassurant, un lotissement nommé Washington où les avenues, rues, allées portent le nom d’états américains. Du coup, là-bas, on se prend un peu pour des Ricains, des wasps, pas de clôture, des bonnes manières collectives, des amitiés en carton, de la bienveillance à dégueuler partout. Enfin en apparence, parce que dès son entrée dans ce décor Desperate Housewives  du bocage, peuplé de barbies barbantes, le lecteur voit qu’on peut aussi s’y débarrasser d’un importun en l’achevant au démonte-pneus après l’avoir raté en lui passant dessus en voiture. Et ce n’est qu’un début …

Constance Deltheil n’aime pas son fils Hippolyte et on la comprend : 5 ans, infect et mauvais. Si ça n’avait tenu qu’à elle, d’enfant elle n’aurait jamais eu. Et certainement pas avec Damien, son mari. La solution, ce serait de partir aussi loin que possible sous une fausse identité pour qu’on ne la retrouve jamais. En Inde, pourquoi pas ? Mais le jour où elle achète son billet pour Bangalore, Damien meurt d’un bête accident vasculaire. Comment Constance va-t-elle faire pour s’échapper désormais ? Et ce python qui hante les canalisations et met le petit lotissement où ils vivent en émoi…

Dans chaque roman de Sébastien Gendron, des personnes ou des catégories sociales sont passées à la moulinette. Dans Python, fidèle à sa réputation, il attaque à l’arme lourde. Pour bien fêter le 8 mars, la journée de l’année où elles sont célébrées dans le millénaire de l’homme, Sébastien Gendron se paye les femmes. Les mères, les épouses, les amies, toutes vont morfler. Bon Gendron peut sérieusement déclarer qu’il voulait interroger la notion de maternité mouais, en fait, il se défoule en exprimant ce que beaucoup d’hommes peuvent parfois, peut-être, occasionnellement penser un tout petit peu, juste un chouia… plus ou moins. Pas une pour rattraper l’autre, pas une à sauver. Néanmoins la plus remarquable est quand même cette Constance qui possède toutes les mauvaises cartes : épouse qui veut se barrer, veuve « joyeuse », voisine peu aimable et mère qui déteste, le mot est faible, son enfant. A son crédit, Hyppolite, son fils de cinq ans est une véritable petite ordure, (pas d’autre définition), un petit psychopathe, qu’on a envie de tarter dès son apparition et sa mère, symbole de la résilience passive a finalement bien du mérite de ne pas recourir plus souvent à la bonne torgnole des familles.

Mais arrive le sauveur, Lucas Daux, impénétrable comme un gardien des Reds un mercredi soir au Parc, et ô combien imprévisible. Un beau personnage le Lucas, un vrai salopard donnant un beau lustre noir à un polar très drôle. Constance, récemment veuve, doit trouver un substitut de père pour son petit Attila, Lucas pourquoi pas ? quand elle s’enfuira… en Inde, au paradis des violeurs ? Quelle brillante idée… mais avant, Washington montrera l’étendue de ses bassesses tandis qu’un python erre dans les canalisations en une remarquable démonstration de légende urbaine allant de ses origines à son éclosion et sa pleine maturité.

Foutraque, barge et en même temps si finement proche d’une réalité, animé par un mauvais esprit évident, privilégié. On est dans les mêmes univers un peu barrés de Tim Dorsey, les bons reconnaîtront…Totalement conquis, hilarité garantie.

Clete.

Du même auteur chez Nyctalopes: Chez Paradis, Fin de siècle.

PS : je regretterai juste qu’un personnage se nomme Lucas Daux qui, dans la réalité, est un footballeur professionnel et je ne peux imaginer qu’un joueur ayant défendu vaillamment les couleurs du FC Nantes ait un mauvais fond comme son homonyme romanesque.

4 Comments

  1. Laurent

    Salut
    Bouhhhh Nantes !!!! (je suis angevin)
    Mais plus sérieusement je note ce bouquin qui m’a l’air bien sympa à lire. En plus il y a un serpent donc tout pour me plaire.

    Et merci pour vos chroniques que je lis régulièrement même si je crois que je poste ici mon premier commentaire. J’offre du Muscadet pour fêter ça ^^

    • clete

      Salut Laurent,
      Merci pour ton passage et ton humour.
      Un petit Mumu glacé bien volontiers s’il est suivi d’un coup de Gros-Plant nantais. Cela va de soi, non ?

  2. Gilles

    L’enthousiasme est communicatif, ce n’est pas la première fois que j’entends du bien de ce Gendron aux romans apparemment un peu barge. Ayant peu d’atomes crochus avec des polars trop sombres (Paulin, Ferey ou Doa pour ne citer que des auteurs français contemporains) et trop violents-réalistes, je suis curieux de ceux là. Je pense par exemple à Salut à toi, ô mon frère de Ledun, qui est à contre courant de ce qu’il écrit d’habitude, et qui m’avait beaucoup amusé. Vive les auteurs drôles (… et aussi ceux qui s’aventurent aux portes du fantastique)
    Et vive Nyctalopes car y’en a vraiment pour tous les goûts

    • clete

      Merci Gilles pour ton commentaire intéressant et sympa.
      A signaler dans les auteurs « drôles » français Jacky Schwartzmann dont nous chroniquerons prochainement le nouveau roman  » Bastion ».

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