Caryl Férey aime à nous adresser des cartes postales de ses multiples pérégrinations sur ce globe terrestre où l’on gravite. Elles ne sont que rarement idylliques et enchanteresses mais nous délivrent son message culturel, historique, géopolitique avec une ligne noire appuyée récurrente. Là il semble présenter le désir de revenir vers des sources baptismales surplombées de croix nimbées. S’inscrivant dans une trame, puisant un classicisme de par son contexte géographique, où il affirme des personnages puissants, symbolisés en son mille par un ex-flic revêche, au péricarde rocailleux mais révélant des anfractuosités insoupçonnées, l’ouvrage plongera la tête la première dans un océan Bakélite teinté de nostalgie, fidélité, inflexibilité contre ces forces obscures d’une humanité cupide.
«Premières vacances pour Mc Cash et sa fille, Alice. L’ex-flic borgne à l’humour grinçant – personnage à la fois désenchanté et désinvolte mais consciencieusement autodestructeur – en profite pour faire l’apprentissage tardif de la paternité.Malgré sa bonne volonté, force est de constater qu’il a une approche très personnelle de cette responsabilité.Pour ne rien arranger, l’ancien limier apprend le décès de son vieux pote Marco, avocat déglingué et navigateur émérite, heurté par un cargo en pleine mer.Pour Mc Cash, l’erreur de navigation est inconcevable. Mais comment concilier activités familiales et enquête à risque sur la mort brutale de son ami? »
Notre auteur « globe trotter » possède la science de l’hameçonnage. Bien que « reniant » son identité d’écriture en revenant sur ses terres, il conserve cette faculté. En façonnant ce personnage de McCash bougon, antipathique, où coule dans ses veines une âcre Guinness, il fait jouer les paradoxes pour ce nouveau père qui cherche les clefs de la paternité. Et, c’est dans un même temps, que l’un de ses amis, lui le solitaire pathologique, perd la vie dans des circonstances floues, voire suspectes. Ses entrailles commandent alors sa raison. Il tente alors de jongler avec ses nouvelles prérogatives paternelles et l’impérieuse nécessité de comprendre les contours, ainsi que le mobile de cette disparition. Affublé de son infirmité éludée, il fonce dans cette mare envahie par le cynisme, l’outrage, “l’escobarderie”, le manque cruel d’une quelconque déontologie envers son prochain. Pourtant, malgré ses tares, il fait face et s’embarque alors dans une recherche éperdue vers cette vérité au prix d’un engagement sans éventuel retour.
C’est là que Caryl Férey nous « surprend » en s’inscrivant dans son ADN profond. Car ce présent effort est constitué de deux parties distinctes. La seconde investit la Grèce par sa capitale ainsi que par l’une de ses îles du Dodécanèse Asypalée, point de convergence du flux et du commerce licencieux lié aux vagues migratoires. Une association humaine née de cette villégiature, bien loin d’être touristique, qui affronte avec une rudesse extrême cette plaie déliquescente engendrée par ces associations mafieuses vautrées dans la détresse de femmes et d’hommes cherchant une certaine félicité ou surtout une dignité élémentaire. On retrouve là cette patte caractéristique d’un auteur qui insuffle cette volonté de nous dépeindre notre monde avec clairvoyance, sans faux semblants, sans enjoliver une crue réalité.
Il atteint par cet acte romanesque, qui n’en manque pas, une émulsion cohérente, sensée, d’une construction d’un ouvrage où cohabitent un décor en lien direct avec ses racines et l’inclusion naturelle d’une problématique actuelle qui agite la géopolitique mondiale dans ce cadre fragile qu’est la Grèce en reconstruction.
En créant ce personnage paradoxalement attachant, Caryl Férey dépeint avec sensibilité ce qu’est la relation forte d’une amitié indéfectible en pointant cette nostalgie, cet effritement du temps, de l’éloignement en aimant à penser, à tort, que l’on se recroisera…un jour. On se trompe! Mc Cash vit le présent, tente de faire fi du passé et prend conscience qu’il existe un futur.
L’auteur s’essaie au « cadrage-débord » avec succès et détermination!
Chouchou.
pas encore lu mais amoureux de cet auteur !! Il faut lire son récit de voyage « Norilsk », même dans cet exercice très différent de ce qu’il fait d’habitude il est très fort.
même si je sais que Wollanup est pas complètement fan…
tchuss
Voyons JC, tu pratiques la délation maintenant…? je plaisante!
il t’a toujours pas convaincu ?
Pas lu, pas le temps.Et ce n’est pas une excuse vite trouvée.
Pour une fois, je vais me laisser à aller à un commentaire.
J’ai trouvé ce nouveau roman plus prenant que les précédents. Il y a plus de tension. Caryl Ferey sait raconter des histoires.
Il y a un peu de Harry Hole dans ce personnage borderline.
Par contre, il y a toujours beaucoup de clichés chez Caryl Ferey.
Probablement ou éventuellement un éclaircissement d’ici peu…
Personnellement, par contre je conçois vaguement le concept de clichés, c’est assez subjectif et personnel, à mes yeux. Je te rejoins BS sur le côté tendu du présent ouvrage qui concilie une envie personnelle de l’auteur et son penchant sur des thématiques actuelles en rapport avec l’humain.
de quoi me réconcilier avec l’auteur qui m’avait un peu déçu par son dernier roman.
Celui ne s’inscrivant pas dans ses précédents ouvrages, il s’offre plus de libertés , il sort d’un cadre lié au pays investi. Reste plus à s’en faire une idée personnelle!