The Man from Laramie

Traduction : Yannis Urano

Voilà donc le 24e titre publié dans une de nos collections préférées qui continue d’avancer malgré la disparation de son grand manitou, Bertrand Tavernier. Si la lecture du 23e et précédent western m’avait fait craindre des difficultés à dénicher ou revisiter de bons textes, ce sentiment est balayé à cette étape. T. T. Flynn n’avait jamais été traduit jusque-là en français et ce prolifique auteur pourrait bien offrir à l’avenir d’autres duels de ce calibre.

Will Lockhart est en quête de vengeance après la mort de son frère, tué par des Apaches armés de fusils fournis illégalement par des marchands d’armes blancs. Lorsque Lockhart arrive à Coronado, le puissant rancher Alec Waggoman et ses fils, Dave et Vic, règnent sur la région avec une poigne de fer. Son enquête dérange vite un pouvoir assis sur la corruption et la violence…

Pour beaucoup, L’homme de la plaine est donc un western d’Anthony Mann (son plus beau disent certains) avec James Stewart en vedette. Et sans doute que l’adaptation cinématographique et son épure scénaristique ont donné une aura nouvelle à une histoire plus ramifiée sur le papier. Mais Theodore Thomas Flynn (1902-1979) est un écrivain de pulps, de romans d’aventures, de westerns, un pro, méticuleux dans son approche documentaire, rôdé aux canons de l’écriture de genre.

Pour décrire les montagnes du Nouveau-Mexique, il a lui-même parcouru le terrain. Lumières, reliefs, variété minérale ou végétale… éclatent d’authenticité. Les chevaux et leur maniement sont particulièrement mis en valeur. Cela révèle la passion de l’auteur qui, plus tard dans sa vie, abandonnera la plume pour tout leur consacrer. Mais il y a une enquête au cœur de ce western, qui l’apparente à un bon petit polar d’époque : qui a détourné et vendu les armes de l’US Cavalry aux Apaches qui ont tué le frère de Will Lockart ? En congé officieux de ses propres fonctions militaires, Will apparaît dans une communauté du Sud-Ouest aux fragiles équilibres. Un baron local, déclinant, y tient le haut du pavé, position obtenue par une brutalité ouverte. Mais elle est peut-être à l’image d’un rude pays. Ce système craque parce que Will l’ébranle par sa perspicacité, son opiniâtreté et sa volonté d’en découdre. La communauté se divise, les vilaines figures se dévoilent, les armes sortent des holsters et les secrets sortent du placard. Avec un suspens spécifique aux suites feuilletonesques, T. T. Flyn nous fait vivre les rebondissements de l’enquête de Lockart, sur le fil du rasoir.

C’est aussi un western sur le pouvoir et son tribut, sur la richesse économique, acceptable même si elle s’affirme par le rapport de force, dévoyée quand les escrocs et profiteurs la détournent sans scrupules.

Un style parfois un brin désuet (pour reflet, les ourlets de James Stewart au-dessus des bottes sur cette belle couverture) pour un texte valeureux, généreux en action. A découvrir donc.

Paotrsaout