Traduction: Claire Breton.
Première aventure sur une série de quatre en cours d’écriture, « la ville des morts » plaira à tous celles et tous ceux en quête de personnages non formatés, de héros et héroïnes un peu ailleurs, troublants. Il a déjà été suivi par « la ville des morts » cette année qui met en scène à nouveau Claire DeWitt et ses fantômes à San Francisco et déjà chroniqué chez nous. A signaler qu’une série TV est en cours de tournage.
Rompant avec les clichés inhérents au détective de polars souvent véhiculés dans les polars ricains, la divine providence m’a fait découvrir la plus originale des détectives, un amour de nana (après les goûts et les couleurs, ça se discute), et une personnalité vraiment autre utilisant des substances prohibées tel le modèle Sherlock Holmes pour l’aider dans la résolution de ses enquêtes et qui a réussi à franchement ébranler ma misogynie légendaire que ce soit vis-à-vis des héroïnes comme des femmes auteures de polars.
« Lorsqu’un honorable procureur néo-orléanais disparaît dans la débâcle de l’ouragan Katrina, Claire retrouve son ancienne ville, complètement sinistrée, afin de résoudre le mystère. Les indices la mènent à Andray Fairview, un jeune homme qui n’avait rien à perdre avant l’ouragan et encore moins depuis. Entre anciens amis et nouveaux ennemis, Claire élucide l’affaire, mais d’autres disparus viennent la hanter : sa meilleure amie et co-détective d’enfance, évaporée du métro de New York en 1987, et la propre fille de Silette, Belle, kidnappée dans une chambre d’hôtel sans que personne ne l’ait jamais revue. »
Il y a en fait deux héroïnes dans ce roman. Tout d’abord, La Nouvelle Orléans, encore bien malade plusieurs mois après la catastrophe, ces habitants ruinés, hagards, aigris ou profitant du marasme du moment à peine supérieur, finalement, à celui d’avant la catastrophe est une personnage important du roman et les descriptions de cette désolation comme l’exemple de la déchéance d’une ville occidentale sont marquantes et accompagnent parfaitement une enquête menée de façon non conventionnelle : la recherche d’une personne disparue dont tout le monde se moque dans un cadre qui ressemble déjà à un cimetière. J’ai lu beaucoup de polars situés à la Nouvelle Orléans et j’ai beaucoup aimé la description sans concessions de cette ville maudite par Sara Gran, sacrée plume sur ce roman.
Passons maintenant au cas Claire DeWitt qui est un personnage très atypique qu’il est parfois très dur de suivre dans les cheminements de sa pensée parfois éclairée par la Calea Zacatechichi pour les rêves prophétiques, l’iboga pour se sevrer des mauvaises habitudes, l’ayahuasca , la DMT ainsi qu’un peu d’herbe, quand même, pour le fun. L’usage de ces drogues associé à une lecture et une interprétation de ses rêves font de Claire un personnage avec un comportement et une pensée très particuliers.
Ajoutons à cela que Claire vit en permanence avec trois fantômes : Silette le détective français, auteur de la bible de Claire « Détection », Constance Darling, son mentor assassinée à la Nouvelle Orléans et enfin son amie d’enfance disparue dans le métro de New York quand elle était adolescente et dont Claire ne se remet pas de la perte, en tant qu’amie mais aussi en tant que détective car ses recherches de la vérité s’avérèrent infructueuses cette fois-là. Ces trois personnes sont toujours au centre de ses pensées et ils reprennent vie de temps en temps quand Sara Gran, tel un Sallis au mieux de sa forme avec Lew Griffin, nous offre des digressions utilissimes (et un barbarisme !) pour tenter de nous faire appréhender la complexité de Claire DeWitt et de nous permettre d’entrapercevoir sa vraie personnalité. Femme très courageuse, malgré ou à cause des drogues, elle n’a vraiment pas froid aux yeux pour s’abandonner dans cette Cour des Miracles pour une enquête dans les bas-fonds.
Beaucoup de compassion aussi sous la plume de Sara Gran qui nous gratifie de beaux personnages de losers, ados abandonnés dans l’enfer louisianais tentant de survivre dans cet ersatz de ville civilisée où Gran, très complète, nous fait découvrir la réalité effarante de l’administration de la justice à NOLA.
C’est vraiment un roman très riche, servi par une belle intrigue et que demander de plus ? Un personnage hors du commun, la Nouvelle Orléans, une intrigue très réussie et une auteure au sommet.
Précieux.
Wollanup.
Je l’ai entendue aux QDP, Sara Gran, intéressante, bel article, comme d’hab’, envie de découvrir, mais quand ?…
Je n’aimais pas du tout ce qu’elle avait écrit avant mais là Sara Gran a créé un personnage barré et touchant.