The Summoning
Traduction: Karine Lalechère
Elle était en train de se rendormir, quand ça recommença : une note de piano.
Avait-elle rêvé ? Elle s’assit, écouta. Une troisième note retentit.
C’était ce qu’elle redoutait. Les monstres dans son esprit s’étaient échappés et maintenant ils pouvaient se promener, la narguer et la ridiculiser. Ce qui était à l’intérieur était à l’extérieur. Comme la voix de la femme en pleurs. La voix qui la mettait en garde.
― Qui est là ?
Kit vit entourée de fantômes, certains plus réels que d’autres.
Son mari Peter est mort le 11 septembre 2001, dans la tour nord. Zoey, sa fille de 17 ans, née orpheline de père au printemps 2002, se trouve dans un semi-coma depuis trois ans après une crise de convulsions face à un accident dans le métro.
Kit voit Peter parfois, ils se parlent.
C’est une actrice sans trop de succès, qui court après les castings et les cachets. Pour boucler les fins de mois, rembouser son prêt et régler les notes d’hôpital de Zoey, elle parcourt les annonces nécrologiques puis contacte les survivants. Elle dit communiquer avec les morts, contre une éventuelle rétribution.
Elle se situe entre la personne de bonne volonté qui apporte un peu de réconfort et l’escroc de bas étages. Tout se joue dans cette ambiguïté.
On nage dans un surnaturel du quotidien, qui n’a jamais entrevu un proche disparu dans une foule ? Elle pousse le curseur plus loin, c’est tout.
Il semblait que la membrane entre la vie et la mort était devenue légère, diaphane, avec des trous et des déchirures partout. Et que Kit passait maintenant librement d’un monde à l’autre.
La mort rôde en permanence, des morts qui parlent, des malades donnés pour morts qui ne meurent pas, des vivants qui simulent un dialogue avec des morts, des morts sans corps, etc.
C’est la rencontre entre l’art de persuader et l’envie de croire. On navigue entre l’arnaque et l’étrange, sans trop savoir où pencher. Le doute est extrêmement bien entretenu par l’auteur.
C’est aussi une chasse aux charlatans par les flics new yorkais de la répression des fraudes. Une véritable pantomime se met en place quand l’inspecteur David Brier en vient à rencontrer Kit. Là se met en place un formidable jeu de dupes qui tiendra jusqu’à la toute fin du livre.
― David ?
Elle répéta son nom plusieurs fois, avant de se rendre compte qu’il avait raccroché. Elle avait l’impression d’être coincée dans le cauchemar de quelqu’un d’autre, une histoire pleine d’ambiguïtés et d’impasses. D’être enfermée dans une pièce dont elle n’avait pas la clé.
L’écriture est très classique, et le récit plutôt linéaire, rien de révolutionnaire dans tout ça, mais ça se lit presque magnétiquement tant il est difficile de refermer « La médium » pour reprendre le lendemain. On sent bien la patte du scénariste qu’est aussi J.P. Smith.
La toile de fond, qui se déploie dès le début, est réussie. Que reste-t-il de nos morts ? Encore plus, quand comme pour beaucoup de victimes des attentats du 11 septembre 2001, il n’y a pas de corps à inhumer. Ce qui peut arriver dans la vie courante aussi, malheureusement.
Je ne suis pas amateur de surnaturel, l’écueil de la fumisterie est ici facilement écarté en maintenant une tension permanente, toujours sur le fil entre réalité et folie. On ne sait jamais dans quelle dimension on se trouve, comme si plusieurs versions du roman se superposaient, s’imbriquaient.
Il y a bien une enquête policière, mais elle passe presque au second plan. L’histoire, ou plutôt les histoires, ne cessent d’aller et venir, de s’entremêler sans jamais nous perdre. L’auteur renfloue même un personnage de son roman précédent, comme un caméo, une auto-citation. Brouiller les pistes à un tel niveau, sans jamais embrouiller la lecture est une prouesse.
NicoTag
Mogwai ou l’art de perfectionner des ambiances troubles, le groupe joue avec nos émotions et crée le malaise.
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