Traduction: Fabrice Pointeau
« Ça se passe ainsi avec les personnes qui sont au bout du malheur. Le tourment monte en eux, leur vie explose, et ils se retrouvent brisés à jamais. »
« Cet été là » est le premier roman de Lee Martin à arriver en France, auréolé d’une sélection pour le prix Pulitzer en 2006.
La valeur des sorties Sonatine n’est plus à prouver. J’ai déjà dû faire les éloges des choix éditoriaux de la maison et je ne vais pas me répéter surtout avec ce roman dont je ne sais trop comment parler, qui me laisse, une fois la lecture terminée des impressions assez contradictoires. Je sais que ce roman sera loué et apprécié pour la qualité de son écriture, pour l’humanité qui brille dans de nombreux passages mais qui me laisse finalement énormément sur ma faim.
« Tout ce qu’on a su de cette soirée-là, c’est que Katie Mackey, 9 ans, était partie à la bibliothèque pour rendre des livres et qu’elle n’était pas rentrée chez elle. Puis peu à peu cette disparition a bouleversé la vie bien tranquille de cette petite ville de l’Indiana, elle a fait la une des journaux nationaux, la police a mené l’enquête, recueilli des dizaines de témoignages, mais personne n’a jamais su ce qui était arrivé à Kathy.
Que s’est-il réellement passé cet été là ?
Trente ans après, quelques-uns des protagonistes se souviennent.
Le frère de Katie, son professeur, la veuve d’un homme soupçonné du kidnapping, quelques voisins, tous prennent la parole, évoquent leurs souvenirs. Des secrets émergent, les langues se délient.
Qui a dit la vérité, qui a menti, et aujourd’hui encore, qui manipule qui ? »
Les romans sur la disparition d’un enfant sont légion et ce qui peut faire la valeur d’un roman sur un thème aussi éculé, c’est avant tout la qualité d’écriture et celui-ci est écrit avec un talent qui fait qu’on n’interrompt sa lecture que contraint et forcé. Il est indéniable que Lee Martin sait y faire pour conter l’angoisse, l’attente, la peur, la terreur, la douleur et les remords éternels, grands classiques de ces romans. Du pathos, de l’émotion vous en aurez beaucoup sachant que les personnages principaux chacun à leur manière, pour leur parcours de vie, incitent à la compassion voire à la pitié. Et là, ces hommes et cette femme si lisses finalement, à la recherche d’amour, d’un bonheur simple qui les aura fui toute leur vie, créent une atmosphère particulièrement touchante ou… gavante si vous n’arrivez pas à entrer dans l’ambiance du livre.
Ce roman choral où les trois voix principales ronronnent un peu de manière assez uniforme baigne dans les années 70 d’une petite ville de l’Indiana et les références musicales pointues créent une atmosphère où il fait bon évoluer aux côtés des personnages: Clare, la veuve qui tente de retrouver le bonheur avec un homme beaucoup plus jeune qu’elle, Ray le nouveau mari de Clare, grand cabossé par la vie et M. Dees leur voisin, professeur de mathématiques particulièrement inhibé et solitaire. Alternant entre pages relatant le drame sur cinq jours et révélations 30 ans plus tard « cet été là » est très bien construit et il est dommage que cette construction si fine débouche sur un final bien besogneux, très loin des dernières révélations qui tuent de Thomas H. Cook.
Sachez que « cet été là » n’est pas un thriller et qu’il n’y a pas de réelles fausses pistes pour aboutir à un coupable déjà repéré dès les premières pages même si un certain suspense perdure jusqu’à la fin. De plus, une fois le coupable connu, le roman ne perd pas de son intérêt puisque les circonstances exactes navrantes sont encore à connaître mais n’espérez néanmoins pas bondir dans votre fauteuil.
Alors, c’est un avis très mitigé concernant l’art d’écrire un thriller psychologique mais un romancier que je suivrai à l’avenir pour les deux magnifiques trésors de connivence avec le lecteur qu’il offre à la fin du bouquin. Tout d’abord une playlist commentée avec le même amour et la même intelligence que le Nick Hornby de « haute fidélité » et du magnifique « 31 songs ».D’une part, Lee Martin explique les morceaux qui créent un univers très crédible des années 70 et les ressituent dans le roman ce qui peut permettre une relecture géniale de certaines scènes poignantes et d’autre part donne les références des morceaux et des albums actuels qui l’ont accompagné pendant l’écriture et raconte comment il les a associés à des personnages et là aussi, c’est confondant et celles et ceux qui marient une musique, un album, un morceau avec une histoire vont apprécier de voir un auteur se livrer ainsi. Et quelle classe, pas de metal, ici que du bon: Dylan, Clapton, l’album « Blacklisted »de Neko Case, Drive by Trukers…
Et puis juste avant, quatre pages écrites par l’ auteur intitulées « Sur les petites villes et Cet-été là. »Le dernier chapitre de Lunar Park, certains passages de Whitmer, une certaine nouvelle de Poissant, … le petit texte, le petit truc criant d’authenticité, d’humanité sans artifice et qui te met sur le cul. Et puis, tu te dis que c’est peut-être toi qui n’a pas bien saisi le propos à sa juste valeur.
Intéressant et obsolète mais à lire.
Wollanup.
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