Traduction : Claro.

Matthew Carr est un journaliste anglais, il écrit pour The Guardian ou le New Tork Times entre autres. Il est également historien, spécialiste des religions et a écrit plusieurs essais. « Les diables de Cardona » son premier roman, est un polar historique qui nous plonge au cœur de la très catholique Espagne du XVIème siècle.

« 1584. Le prêtre de Belamar de la Sierra, un petit village d’Aragon à la frontière avec la France, est assassiné, son église profanée. Sur les murs : des inscriptions en arabe. Est-ce l’œuvre de celui qui se fait appeler le Rédempteur, dont tout le monde ignore l’identité, et qui a promis l’extermination de tous les chrétiens, avec la même violence que celle exercée sur les musulmans ? La plupart des habitants de la région sont en effet des morisques, convertis de force au catholicisme, et qui pratiquent encore l’islam en secret.

À la veille d’une visite royale, Bernardo de Mendoza, magistrat à Valladolid, soldat et humaniste, issu d’une famille juive, est chargé de l’enquête. Très vite, les tensions s’exacerbent entre les communautés, une véritable guerre de religion se profile. Et les meurtres continuent, toujours aussi inexplicables. Entre l’Inquisition et les extrémistes morisques et chrétiens, la tâche de Mendoza va se révéler ardue. »

La reconquista est terminée depuis longtemps, les morisques, anciens musulmans convertis au catholicisme, sont sous la haute surveillance de l’inquisition qui contrôle tout et tous et se méfie de ces nouveaux chrétiens. Elle peut court-circuiter la justice, gardant au secret les gens qu’elle questionne et leurs révélations, même l’enquêteur désigné par le roi, Bernardo de Mendoza surveille ses paroles en public. Matthew Carr réussit parfaitement à faire ressentir l’atmosphère oppressante, la violence de tous les instants qui règne alors. Son récit est documenté, érudit, il nous présente la situation très complexe de ce royaume où se mêlent  et s’affrontent des intérêts très variés : l’église, le roi, les seigneurs aragonais jaloux de leurs prérogatives, les morisques, les vieux-chrétiens…  et il le fait simplement, avec un grand talent, en suivant différents personnages dont les destins se mêlent aussi bien à l’enquête qu’à l’Histoire.

Tous les personnages sont fouillés, principaux et secondaires, ils sont tous liés à l’inquisition, qu’ils en soient victimes ou qu’ils s’en servent car les côtés sombres de l’humanité s’expriment à fond dans cette époque plus que trouble, des salauds il y en a beaucoup : brutes épaisses, profiteurs, délateurs… Et il y a les autres qui tentent malgré tout de vivre ou de survivre pour les plus malchanceux, notamment les morisques, citoyens de seconde zone avec peu d’espoir de justice. Matthew Carr porte sur ses personnages un regard plein d’empathie qui fonctionne : Bernard de Mendoza, issu d’une famille juive persécutée qui veut absolument rendre justice, son  « neveu » Gabriel qu’il a sauvé de la mort lors de la révolte de Grenade, le docteur Segura et sa fille, la comtesse de Cardona… beaucoup de beaux personnages, humains et attachants.

L’enquête de Mendoza dans ce climat de terreur, est d’autant plus difficile que la vérité est dangereuse si elle ne correspond pas à la version officielle, alors tout le monde ment, ne serait-ce que pour se protéger. La religion est toujours un prétexte à des luttes de pouvoir bien terre à terre, elle sert des ambitions, des appétits bien humains, Bernardo de Mendoza en est conscient mais devra affronter bien des dangers pour le prouver. Matthew Carr fait monter le suspense tout au long de ce bouquin aux multiples actions et rebondissements.

Un polar historique passionnant.

Raccoon