Qu’on se le dise, Peter Punk est de retour. Comme esquissé dans une chronique précédente début 2022, Danü Danquigny propose aujourd’hui la suite des aventures de son héros cabossé Desmund Sasse, dont le pedigree annoncerait, sans honte du paradoxe, qu’il aurait une grande expérience comme redresseur de torts dans des situations tordues (d’avance).
En Albanie, un vieil officier de la sécurité intérieure spécialisé dans les écoutes téléphoniques se lance dans une croisade personnelle contre un de ses anciens amis, aujourd’hui à la tête d’une organisation criminelle.
En France, Desmund Sasse enquête sans discrétion sur le meurtre d’un jeune type, et va bientôt devoir fuir pour sauver sa peau. Pendant ce temps-là, son amie Élise Archambault, détective privée, est embauchée par un avocat véreux pour retrouver son fils.
Des trottoirs bitumés de Morclose aux montagnes vertes de l’Épire, trois enquêtes que rien ne semble relier explorent la haine et la vengeance. Elles vont finir par entrer en collision au pied du cimetière des martyrs de Korcë, en Albanie.
Sans surprise, nous retrouvons les atavismes de Danü Danquigny. D’abord, l’ancrage dans la capitale bretonne, habillée des miteux et charbonneux treillis d’un alias, Morclose. L’auteur est sans pitié pour la décrire, en appui sur de ses clichés, et pour la peupler d’une nouvelle génération de losers et de bad guys. Un fameux quotidien régional s’interrogeait encore il y a quelques jours : « Rennes Morclose est-elle toujours la capitale des punks à chiens ? » Danü Danquigny a son mot gouailleur et documenté pour répondre. Et la mise à jour cash nettoie le cache. Le système-monde de la came et de l’argent sale ne pouvait pas continuer à épargner les agglomérations provinciales, fussent-elles réputées pour un bon vivre, pour leurs « joyeuses » soirées estudiantines, pour leur club de foot volontaire mais inconstant (« qu’est qui est rouge et noir, qui monte et qui descend ? Le Stade Rennais »). Dans ta galette-saucisse, la forme oblongue, ce n’est plus du tout certain que ce soit du chaudin bourré de cochon haché.
Alors les voilà, les petites mains, leurs contremaîtres, les soldats et les boss de la nouvelle grande distribution bretonne. Ils redessinent les dynamiques urbaines, les sociabilités, l’ambiance. Les notables véreux à la recherche d’inspiration (nasale ou patrimoniale), les entrepreneurs-gagneuses du plus vieux métier du monde qui ne cesse de se renouveler, les pantins politiques les ont bien sûr accueillis, épaulés même. C’est de la bonne merde tout ça, elle sent aussi suave partout où elle est pondue. Même dans un bon vieux nid d’aigle balkanique à deux têtes. Du coup, de l’aéroport de Morclose-Saint-Jacques, en biplan très discret, non inscrit sur les tablettes, on dessert aussi des vallées farouches, à Shqipër-ait. Et vices-vers-ça. Vous l’aurez compris, le lien franc de Danü Danquigny avec l’Albanie (déjà exprimé dans de précédentes fictions) n’est pas non plus dissimulé dans ce roman. C’est là-bas d’ailleurs que va se dénouer lé pochon d’nou (ce serait de l’albanais – incertain – de l’entour rural de Morclose).
Pour le reste, belle galerie de personnages dégondés, amochés, en course pour se retaper, se retrouver, se venger, rebondir. Un air de Chacun cherche son chas (dans sa chienne de vie). Cela cochait toutes les cases pour monter à la Série noire. D’ailleurs, c’est à la Série noire.
Parfois, un poil forcé peut-être côté héros suppliciable mais incassable. Mais c’est une question de goût personnel.
Paotrsaout
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