Jean-Pierre Perrin a longtemps arpenté le proche et le moyen Orient pour Libé avant de se consacrer à l’écriture pour raconter d’abord ses guerres pour parvenir aujourd’hui à ce premier roman prenant pour cadre la guerre civile en Syrie en 2012. Signalons avant de l’oublier cette magnifique couverture qui fait vraiment sens, en écho au morceau des Stones “Wild Horses” présent dans le roman et si précieux parfois pour ne pas sombrer dans la folie.
“Joan-Manuel est un jeune romancier fasciné par la guerre. Pris en otage par les djihadistes puis relâché dans le désert, hanté par le souvenir de sa détention, il décide de partir en Galice sur la piste d’un mystérieux poème de Garcia Lorca.
Alexandre est un diplomate dont la famille a été déportée par un certain Alois Brunner, criminel de guerre nazi devenu conseiller du dictateur Hafez el-Assad. Dans l’espoir de combattre ses démons, il accepte une opération de renseignement dans une ville syrienne assiégée.
Daniel est un mercenaire spécialisé dans la sécurité militaire à Bagdad. Afin de retrouver la fille d’un ami disparue lors d’une mission humanitaire sur la frontière turque, il doit monter une expédition des plus périlleuses pilotée en sous-main par la CIA.”
Combattre ses démons, combattre ses bourreaux, combattre ses fantômes, la belle et grande histoire de ces trois hommes dont la vie va, un jour, converger vers la Syrie ensanglantée et plus précisément, en point d’orgue dramatique, à Homs assiégée par l’armée de Bachar.
Roman aux multiples richesses, “Une guerre sans fin” fera sûrement date dans mon parcours de lecteur. Mais, on peut très bien passer à côté si on s’est trompé sur le contenu. Perrin ne raconte pas le siège de Homs, ne raconte pas l’histoire militaire, ne surcharge pas par des détails techniques ou politiques un théâtre d’abominations qui se suffit par lui-même, les deux clans rivalisant dans les atrocités.
Le calvaire des otages, l’enfer des femmes, le martyre des populations massacrées dans l’indifférence mondiale… La souffrance vous pète à la gueule, un sentiment d’impuissance mais aussi un soupçon de culpabilité peuvent vous rendre mal à l’aise. L’inhumanité de la situation qui interpelle, au bas mot, est prolongée, étendue avec une extension vers la guerre d’Espagne à laquelle un des personnages compare ce combat fratricide. Garcia Lorca, Unamuto, Hemingway et Orwell hantent les pages… On tend vers une universalisation de la guerre, une guerre sans fin…
A ces acteurs de 1936, s’ajoute un hommage à ces photographes et reporters de guerre qui paient de leur personne, pour montrer une horreur qu’on préfère souvent ne pas voir, parce qu’elle est loin et qu’elle ne nous atteindra pas. Perrin est une sorte de figurant dans son propre roman et il raconte ce qu’il a vécu réellement quand les bombes de Bashar al-Assad ont pilonné sciemment le centre de presse de Homs tuant le photographe français Rémi Ochlik et la grande reporter américaine Marie Colvin.
“On ne peut pas écrire de bons livres sur un tel sujet sans avoir une conscience douloureuse, sans se brûler, sans approcher l’impossible, l’au-delà du monde, sans aller vers ce qui n’a pas été fait, sans mettre en danger quelque chose.”
Rejoignant parfois “Pukhtu” de DOA dans sa réflexion sur la guerre et sur les hommes et les femmes qui la vivent et la subissent, “ Une guerre sans fin” est un putain de grand roman.
Clete.
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