Traduction: Daniel Grenier.
La Peuplade, maison d’édition québécoise, « publie depuis 2006 des livres de fiction, des récits, de la poésie et des traductions de romans inspirants d’où qu’ils proviennent ». Dimitri Nasrallah, Canadien d’origine libanaise, sort ce mois de janvier après Blackbodying et Niko, son 3e roman, Les Bleed, dans le registre de la fable politique.
Le Mahbad, capitale Qala Phratteh, est un pays fictif, géographiquement incertain, peut-être au Moyen-Orient, peut-être en Asie Centrale, et dont certaines caractéristiques rappellent la Syrie ou l’Irak des soixante dernières années : un pouvoir « fort » et héréditaire, exercé par les Bleed, successivement le grand-père, le père et le fils, issus d’un groupe social, ethnique peut-être, qui en domine un autre, des ressources naturelles qui suscitent l’intérêt vif de puissances elles bien connues, l’Amérique, en premier lieu, la Grande-Bretagne, la Chine et la Russie dans l’ombre. Les dernières élections, que l’on pense pouvoir truquer comme d’habitude, apportent un désaveu terrible : le pouvoir de Vadim et celui de la dynastie auto-proclamée des Bleed est désavoué. Et cette fois, un décompte nettoyé des résultats ne suffira pas à masquer la puissance de l’opposition, prête à en découdre par les armes. Au moment où le frivole Vadim manque à l’appel, en escapade à l’étranger, le père Mustapha Bleed, éminence grise ou pantin désarticulé, doit agir pour reprendre la main, ce qu’il semble préparer à faire depuis longtemps malgré sa retraite affichée. Mais il est peut-être déjà trop tard.
Je vais devoir avouer que le thriller ou la satire politique promis aux lecteurs ne sont sans doute pas les premières étiquettes justement favorables que j’ai envie d’accoler à ce texte. Les constats sur les dominations colonialistes que rejoue le capitalisme mondialisé sont pertinents, encore qu’à l’échelle et à la force de ce texte. On peut trouver mieux ailleurs, dans une enquête journalistique digne de ce nom par exemple. Chaos, paranoïa, répression, mensonges, trahisons, le récit de Nasrallah nous rappelle la cruauté, le cynisme, le mépris envers les peuples de dirigeants tels que l’époque nous en offre encore malheureusement.
Les Bleed suscite un intérêt parce qu’il emploie la passation d’un pouvoir dictatorial comme prisme du processus de transmission entre un père et un fils, avec le cas emblématique du père qui a « bâti » un pouvoir, une politique et un statutaire et du fils qui semble avoir surtout profité des facilités matérielles que le père a bataillé pour faire exister. Dimitri Nasrallah, dans le cas de dynastes arrivés et maintenus au pouvoir par la force, nous propose de nous interroger sur la dilution du capital accumulé. Et nous ne parlons pas de richesses en premier lieu mais du pouvoir. Est-il dilué d’ailleurs ou bien réinvesti par des personnages avec une autre expérience et ancré dans un autre contexte ? Ou bien alors, ce capital appartient-il à d’autres forces jugées subalternes, secondaires, satellites, mais qui ont tout intérêt à ce qu’il perdure ? Le général, fidèle de la première heure de Mustapha Bleed, va se révéler jouer un rôle prépondérant et asséner l’ultime leçon de Realpolitik.
Quelque que soit le milieu, les enfants sont décevants. Et les pères, pas mieux comme le démontrent ces pages dans la tête de spécimens funestes et despotiques.
«Puis-je me permettre d’offrir un conseil aux pères parmi vous? N’achetez jamais à votre adolescent un jet privé avec les membres de l’équipage pour son anniversaire.»
Paotrsaout
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