Après “3000 chevaux vapeur” et “Equateur”, “la toile du monde” vient conclure, dans le cadre de l’exposition universelle de Paris en 1900, une belle trilogie écrite par un Antonin Varenne à la plume de plus en plus virtuose.
“Aileen Bowman, trente-cinq ans, journaliste, célibataire, est venue couvrir l’événement pour le New York Tribune. Née d’un baroudeur anglais et d’une française utopiste, élevée dans le décor sauvage des plaines du Nevada, Aileen est un être affranchi de tout lien et de toute morale, mue par sa passion et ses idéaux humanistes. Au fil d’un récit qui nous immerge au cœur de la ville en chantier, du métropolitain naissant aux quartiers des bordels chers aux peintres, la personnalité singulière d’Aileen se confond avec la ville lumière.”
Aileen est la fille d’Arthur Bowman et a été élevée avec la philosophie et l’expérience de la vie de ses parents, culturellement bercée par les influences anglaises par son père, françaises par sa mère et pluriellement américaines par son lieu de naissance et de vie. Il en résulte une belle personnalité métissée et particulièrement pertinente comme souvent les personnes élevées par cette richesse d’influences. Aillen, ainsi, va sous couvert de journalisme évoluer avec ses pantalons au milieu de la société française, européenne des nantis, des industriels, des inventeurs préparant le progrès de l’humanité comme sa perte. On est donc assez loin des grands espaces sauvages des deux premiers tomes et le souffle de l’aventure se fait nettement moins sentir tandis que la plume d’Antonin Varenne développe tous ses atours afin de se mettre au diapason du luxe, du kitsch du moment.
Au cœur d’un parcours initiatique dans les salons feutrés et les restaurants réputés, se glissent des thèmes qui restent très contemporains plus d’un siècle après: des modèles de société hérités de la philosophie de Saint Simon, un des fondateurs du socialisme et de la sociologie, la liberté sexuelle, les femmes surtout les femmes, l’art et surtout la peinture, mais aussi le choc des sociétés entre la vieille Europe et la très jeune et turbulente Amérique tout en s’interrogeant sur l’utilité pour les masses des progrès de l’industrie. Tous ces thèmes, sujets à réflexion haussent le niveau d’un roman qui donne aussi l’impression d’être le plus intime de l’auteur.
Humaniste, Varenne célèbre aussi les exploités, les vaincus de chaque continent avec les Indiens d’Amérique bien sûr mais aussi avec les Bretons même si son discours est parfois bien sévère et s’avère maladroit et foncièrement inexact quand il évoque le positionnement du peuple breton au moment de la Révolution (« La journée des tuiles » de Grenoble en 1788 et surtout les affrontements entre nobles et étudiants à Rennes en janvier 1789 sont, bien plus qu’une prise symbolique de la Bastille six mois plus tard, les vrais fondements d’un révolte populaire ensuite confisquée et réécrite par un pouvoir jacobin parisien).
Même si l’aventure ici s’avère essentiellement intellectuelle et principalement urbaine, “La toile du monde” conclut de très belle manière une riche trilogie qu’on quitte vraiment à regret tant l’auteur laisse envisager des prolongements possibles.
Wollanup.
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