Traduction: Robinson Lebeaupin
L’isolement, l’absence de repères familiaux, la lutte de jeunes individus pour se faire accepter dans une communauté fermée nous portent vers un intangible récit noir. Dans ce centre de détention temporaire et non comme une école, tel le précise en incipit le directeur de la structure, ne présage rien de positif et nous pousse benoîtement dans une atmosphère pointée par le mystère et l’effroi. Le doute ou l’espoir ne semble pas permis et dès les premières lignes on prend bien conscience de l’évidence….
«Un nouvel élève vient d’arriver à l’orphelinat, un établissement isolé aux mœurs aussi inquiétantes qu’inhabituelles. Il entend des murmures effrayants la nuit, et ses camarades se révèlent violents et hostiles. Quant au directeur, il lui souffle des messages cryptiques et accusateurs. Seul et rejeté par ses pairs, le nouveau tente de survivre à l’intérieur de cette société inhospitalière.
Une rumeur court parmi les pensionnaires, selon laquelle un fantôme hanterait les lieux et tuerait une personne par an. Tous les ans, les garçons se réunissent, sous l’impulsion de quelques anciens, pour démasquer celui d’entre eux qu’ils pensent être le fantôme… et l’éliminer!
Simple mascarade potache ou mise en scène sordide pour justifier les meurtres rituels? Cette année, le prétendu fantôme a été clairement désigné : c’est le petit nouveau. Pour une simple et bonne raison, on ne l’a jamais vu saigner, et les guêpes, très nombreuses dans cette bâtisse, ne le piquent pas. La chasse aux sorcières peut commencer. »
Colin Winnette, auteur texan primé à plusieurs reprises, nous a déjà gratifiés de romans aboutis sur un format généralement court qui néanmoins exprime à chaque fois un véritable ancrage dans le noir et la sueur froide! (Cf. Là où naissent les ombres et Coyote)
Assez rapidement, pour son atmosphère, j’ai ressenti des accointances avec le long métrage Les âmes grises tiré de l’ouvrage éponyme de Philippe Claudel. Ne me posez pas la question je ne saurai vous éclairer, c’est instinctif. Bien que nous n’ayons pas de repères temporels et spatiaux et que le récit n’évoque pas des thématiques strictement similaires, j’ai eu ce net ressenti.
L’enfant, au centre du roman, fait face à ses coreligionnaires , trente au total, ainsi qu’à deux adultes son directeur et une enseignante. Sans coup férir le récit oblique vers l’insondable, l’innommable. Insondable car le rationnel n’a pas voix au chapitre, bien que la cohérence reste concrète. Innommable car il faut se figurer que l’on est face à des enfants qui, on le suppose, ont déjà vécu des traumatismes, des blessures, des fêlures et qui se trouvent imprégnés dans un tourbillon damné. Le face à face particulièrement entre le responsable et le protagoniste principal présente justement une force psychologique cynique. Ballotté entre bienveillance d’apparat et rigidité autoritariste, le récit se pare inévitablement d’une chape de cruauté couplée au mystère des lieux. On ne saurait affirmer quel est le plus dérangeant…
L’écriture et le roman nous laissent une empreinte et celle-ci se tatoue progressivement sur notre épiderme et dans nos cellules grises.
Fureur roide!
Chouchou
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