Traduction: Sabine Porte.

Il s’agit d’un véritable roman noir, violent, dérangeant parfois, et avec un engagement féministe fort.

L’histoire : dix femmes sont retenues prisonnières au milieu du bush australien dans un complexe de plusieurs bâtiments entourés d’une clôture électrique infranchissable.

Pourquoi sont-elles prisonnières, qui les a menées là ? Ces questions n’ont en fait, pas une importance primordiale, l’auteur nous laisse dans le flou de façon à nous immerger totalement dans la captivité. Nous vivons avec ces femmes, nous nous sentons sales, nous ressentons leurs douleurs.

On en apprend toutefois un peu plus sur leurs histoires au fil des pages Elles ont toutes un point commun : avoir fait la une des journaux pour des scandales sexuels. Fautives ou victimes, la société a pris fait et cause pour les hommes et les a condamnées, elles sont sous leur domination : leurs pères, leurs frères, leurs amants, leurs geôliers. Ce sont eux qui ont le pouvoir et qui se servent de celui-ci pour avilir les femmes. Ces dernières en viennent à ressentir de la haine envers leurs propres corps, ce dernier étant la cause de leurs souffrances .

« Comme si les femmes en étaient elle-même la cause comme si les filles en vertu de la nature des choses s’étaient fait cela toutes seules ».

Sur ces dix femmes, on en suit véritablement deux : Yolanda et Verla. Ces dernières ont subi elles aussi leur emprisonnement, en accordant leur confiance aux mauvaises personnes, mais ce sont des femmes fortes, au caractère bien marqué et qui dès le début ne veulent pas baisser la tête sans rien dire.

La captivité, la faim, l’ennui va faire se retourner la situation : les femmes vont montrer leurs forces, elles vont reprendre en main leurs destins.

Par une forme de solidarité, de compréhension muette, elles vont montrer aux hommes qu’elles peuvent faire des choix, redresser les épaules, réorganiser leurs vies pour survivre. Car au bout du compte une seule chose compte : la survie dans un monde hostile quand les cartes distribuées au départ ne vous sont pas favorables. Elles sont nées femmes, jolies, désirables, tous les attributs qui les prédestinaient à subir l’oppression d’un monde fait par et pour les hommes. Leurs corps ne sont pas un atout, mais quand celui-ci retrouve un côté animal du fait de la prison (perte de poids, poils, peau disgracieuse…), le mental reprend le dessus, elles ne sont pas plus faibles que les autres, elles doivent montrer au sexe masculin qu’elles peuvent elles aussi décider et vivre comme bon leur semble.

L’écriture de Charlotte Wood est noire, glaçante, vous vivez la captivité au fil des pages, vous ressentez la douleur, la saleté, la servitude. Certes l’auteur ne répond pas à toutes les questions que l’on peut se poser sur l’histoire mais la force du roman est là : l’histoire en elle-même passe au second plan pour privilégier les sentiments, la souffrance des femmes, c’est un grand roman noir.

Marie-Laure.