Dream Girl

Traduction: Thierry Arson

« Gerry rêve. Dans son lit médicalisé de location, surplombant la ville plus haut qu’il ne l’aurait jamais cru possible dans ce Baltimore à l’architecture écrasée et sans grâce, Gerry passe plus de temps endormi qu’éveillé. Il flotte, il s’éveille, il dérive, il rêve. »

Gerald Andersen – Gerry – Ecrivain, auteur du roman Dream Girl qui l’a rendu célèbre.

On ne va pas l’aimer ce sexagénaire. Il est autoritaire, cynique, égocentrique. Il rame dans son appartement à 1,75 millions de dollars pour se maintenir un beau torse, mange des carottes râpées, se préoccupe de sa densité osseuse…
Il a été un mari médiocre, 3 femmes dont il a divorcé, et un coureur de jupons effréné : 37 partenaires sexuelles (il en donne le compte exact) « des assistantes qui travaillaient pour lui »…

Et… il apprécie peu les auteurs de romans noirs…

Il se retrouve là, cloué, au vingt-cinquième étage d’un immeuble luxueux dans une Baltimore « il est assez malvenu de parler des événements de 2015 » et d’évoquer la mort de Freddy Gray (un Afro-Américain  de 25 ans, tabassé à mort par six agents de la police de Baltimore ) à la suite d’une chute violente dans son « escalier flottant »…

Une infirmière Eileen et une assistante, Victoria, se relaient pour le soigner, le nourrir, obéir à ses ordres… et filtrer et gérer  un quotidien de plus en plus inquiétant…

«Il n’y a pas de démarcation claire entre ses songes et son imagination, son demi-sommeil et son état de veille embrumé. Les engrenages de son cerveau sont grippés »

Et quand « une lettre adresse écrite en cursive à l’ancienne » qu’il est sûr d’avoir aperçue, reste introuvable, lorsqu’il reçoit des appels de Aubrey, l’héroïne de fiction de son dernier roman, qui ne laissent aucune trace sur l’écran du récepteur, quand les tweets disparaissent …c’est le chaos :

« Était-ce un rêve ? Une hallucination ? L’effet de ses médicaments ? Une combinaison des trois ? »

C’est une errance kaléidoscopique d’une bonne cinquantaine d’années. De petites bulles colorées réfléchissant sa mère (morte récemment), son père qui a décampé et refondé une deuxième famille, des amis disparus, des souvenirs d’enfance, des femmes ambigües et machiavéliques…

Le rythme imposé par Laura Lippman est assez lent…  Les évocations incessantes d’auteurs (une quarantaine !) ou de films (une trentaine !) censées ajouter de la profondeur à un personnage qui, pendant toute sa vie a oscillé entre réalité et fiction, plombent, par leur surdosage, la montée en puissance de ce huis clos macabre…
Mais Il y a une présence littéraire, saluée déjà pour La Voix du lac . L’intrigue est bien travaillée et le suspens assuré…

Soaz