Traduction: Fabienne Gondrand


Glen est peintre, ancien boxeur, mais il est surtout « nettoyeur » au service de Charlie Olinde, un petit truand du Kentucky. Un matin, alors qu’il s’apprête à faire disparaitre un corps dans la rivière, Glen est repéré par la jeune Emmalene. Il décide de l’enlever. Contre toute attente, une forme de communication s’instaure entre eux. Et au cours d’une discussion, Glen apprend qu’Emmalene est à la recherche de son grand-père disparu. Il se demande s’il ne s’agit pas du corps dont il vient de s’occuper, mais les questions attendront. Emmalene s’échappe, et Charlie lance ses assassins sur les traces de Glen.

C’est par une recommandation de Donald Ray Pollock, que j’avais lu je ne sais plus où, que s’est faite ma découverte de l’écrivain américain Alex Taylor et son d’ores et déjà impressionnant premier roman Le verger de marbre. Lu il y a quelques années, j’en garde un excellent souvenir. Pour autant, je n’ai toujours pas lu son deuxième, Le sang ne suffit pas, qui parait-il est exceptionnel. C’est donc avec une vraie curiosité que je me suis attaqué à son troisième et nouveau roman, Gasping river, qui sort en France chez Gallmeister sans même avoir été publié aux Etats-Unis. 

Il y a l’histoire qu’annonce le résumé, une histoire de prime abord assez classique mais potentiellement efficace, et il y a l’histoire dans l’histoire que l’on découvre à la lecture des pages de Gasping river. Là est la surprise. Par le biais de Glen et son goût pour la peinture, qui se fait repérer par une gamine en train de se délester d’un corps et qui ensuite se fait tomber dessus par les exécutants du crime en question, on découvre la légende du Handsome Molly. Le Handsome Molly est un bateau d’un autre temps dont le capitaine s’est épris d’une chanteuse embauchée à bord et qui, lorsqu’un homme le menace de lui le retirer son bateau, décide de s’engager dans une folle équipée avec ses passagers à bord. L’homme en question, déterminé à se venger, se lancera à la poursuite du capitaine et de la femme dont il s’est épris. Se peut-il alors que la gamine, Emmalene, qui se retrouve alors en bien mauvaise posture entre son ravisseur et les assaillants de son ravisseur, soit une descendante des principaux protagonistes de cette légende ?

Je retrouve ici ce qui faisait la force du Alex Taylor que j’ai découvert avec son premier roman, son écriture ciselée aux formules parfois très percutantes, ainsi qu’une fine connaissance de son territoire, le Kentucky, qui ne rend l’expérience de lecture que plus immersive et prenante. Si vous ajoutez à cela cette légende, qui donne un peu une dimension historique au récit, lui conférant ainsi un cachet particulier, vous pouvez vous faire une bonne idée des points forts du livre qui ne manqueront pas de faire mouche. Néanmoins, ces deux histoires, entre la légende et la contemporaine, sont un peu inégales dans leur traitement et la manière de les imbriquer manque un peu de subtilité pour pleinement convaincre.

Bien qu’un peu bancal, Gasping river est un roman noir, de country noir pour être précis, aux qualités évidentes et au parti pris original. Ce livre est clairement l’œuvre d’un écrivain désormais bel et bien confirmé, une voix reconnaissable et affirmée qui rejoint les rangs des incontournables du genre. Si je lui ai préféré son premier, je n’ai désormais que plus envie de lire son second. On attend bien évidemment la suite. 

Brother Jo.