Shifty’s Boys
Traduction: Anatole Pons-Reumaux
Les fils de Shifty est le deuxième roman d’une trilogie mettant en scène Mick Hardin, flic dans l’armée, revenant sur ses terres natales, donner un coup de main à sa soeur Linda, sherif de Rocksalt dans le Kentucky dans des affaires de meurtres. Dans Les gens des collines paru en 2022, il revenait en permission et ici, il est de retour en convalescence d’une blessure contractée lors d’une mission en Afghanistan.
On retrouve des personnages déjà rencontrés notamment Shifty, symbole d’un matriarcat assumé dans ces collines appalachiennes, et on fait de nouvelles rencontres. Nul besoin de lire le premier roman pour accrocher immédiatement à une histoire commençant par le meurtre d’un dealer, un des fils de Shifty. Les trois romans débutent de la même manière, le retour de Mick Hardin au cœur d’une situation critique, une série de meurtres à élucider dans l’urgence pour éviter l’embrasement des campagnes.
Larry Brown avec le Mississippi, David Joy et Ron Rash avec la Caroline, Daniel Woodrell avec le Missouri, Tom Franklin avec l’Alabama, … nombreux sont les auteurs ricains talentueux à nous raconter leurs campagnes natales, à nous dévoiler les difficultés rencontrées. Il faut donc y ajouter le Kentucky de Chris Offutt immortalisé dans Kentucky straight, recueil de nouvelles méchamment bon de la fin du XXème siècle, devenu culte auprès des amateurs de littérature rurale ricaine. Après une période vierge d’écrits d’une vingtaine d’années consacrée à la participation à des séries TV comme True blood ou Treme, il avait signé son grand retour avec Les nuits appalaches, récompensé en 2020 par le prix Mystère de la critique, auquel nous préférerons toujours le titre original Dark Country définissant parfaitement ce qu’écrit Chris Offutt depuis des années et qu’on trouve dans le magistral Sortis du bois.
Chris Offutt, par le biais de cette trilogie, délaisse un peu ses chroniques noires, pour passer dans le monde du polar. Deux flics, Mick Hardin et sa soeur, enquêtent pour prévenir une vengeance qui flotte toujours dans l’ambiance rurale de ce coin perdu d’Amérique. Si cette ouverture vers le polar classique ne séduira pas forcément tous les fans de la noirceur des écrits de Offutt, elle offre néanmoins, par le biais de l’investigation, des portraits remarquables ou tels qu’on aime les lire, de personnages englués dans un quotidien pas toujours très réjouissant mais qu’il faut bien assumer jour après jour. Plus qu’un polar beaucoup trop dopé à la testostérone dans son issue finale et encore empreint d’auto-justice comme si ces coins reculés vivaient encore au XIXème siècle, ce sont ces rencontres d’anonymes pour qui Offutt montre beaucoup de tendresse qui font le sel du roman.
Encore un bon roman de Chris Offutt et cela malgré une consensualité plus poussée qu’autrefois, avec des touches humoristiques, un souci environnemental sans pour autant, merci à lui, nous accuser de mille maux et une intrigue policière somme toute classique mais qui se révélera aussi assez surprenante.
De la bonne came.
Clete.
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