Simple Mortelle c’est le récit d’une passion foudroyante, d’une passion pyrogène. C’est l’accord et l’assemblage de deux êtres qui, outre à conquérir leur reconstruction, cherchent à évacuer leur passé. Leurs passés dans les non-dits, dans les souvenirs enfouis dans les limbes de leur inconscient, sur des cicatrices profondes inflammatoires se révèleront des ponts, des jonctions à leur amour inconditionnel. Or comme souvent dans l’état passionnel flirte la tragédie, telle Pyrame et Thisbé, noircissant une fresque initialement multicolore.

«Nicole, institutrice, a quitté son mari et choisit un coin reculé de l’Aude pour sa première affectation. Elle y rencontre Louis Lacan, un être solitaire qui vit comme un ermite. Entre eux, naît un amour passionnel. Mais Louis est rattrapé par son passé d’ancien mercenaire et devient le bouc-émissaire d’une machination politique. »

Nicole décide de se couper de son passé. Elle prend de même le parti de s’évader professionnellement et géographiquement. En se fixant ses objectifs, elle tente de repartir à zéro dans un inconnu qu’elle souhaiterait salvateur et résilient. Et le « choc » est de taille quand, dès son arrivée, elle fait face à Louis. L’alchimie, la symbiose semble évidente et découle naturellement, brutalement sur une idylle sans préambule ni réflexion. C’est une relation viscérale qui ronge les sens qui se joue d’une quelconque rationalité.  

Mais l’institutrice et l’homme, que l’on pourrait qualifier d’ermite, se trouvent aussi mêlés à la vie d’une bourgade qui ne laisse peu de place à l’intimité, au respect des vies au sein d’une communauté avide de ragots ou autres médisances. Cette relation ravivera, par la même, les inconscients des deux et en particulier celui de Louis qui traîne des blessures de l’âme séquellaires d’un passé destructeur. C’est aussi ces parallèles de tranches d’existences qui construit le roman de Lilian Bathelot. Dans ces alternances du présent et d’un passé dévastateur, la trame se tisse avec les accrocs d’une ligne de vie constellée de fractures, d’inflexions, de paraboles régressives.

Simple Mortelle possède en son cœur, tel un fil d’ Ariane, un journal intime qui pourrait être le négatif d’un cliché panoramique de l’histoire singulière de Nicole et Louis. Ce journal symbolise aussi le roman, ou plus précisément le récit, d’une vérité des protagonistes qui ouvre des « portes qu’ils avaient fermées toutes ces années ». Un aveu d’une renaissance, l’objection d’une floraison d’un bourgeon qui paraissait fermé pour l’éternité.

Mais au centre de cette passion dévorante et belle pointe des forces institutionnelles, pensant rendre justice sur des problématiques liées à des groupuscules bataillant contre des projets nuisant à l’écosystème. Louis y est lié, il se bat pour des idéaux, il lutte pour un bien fondé mais fait face, irrémédiablement, aux décisions iniques, irrationnelles de pouvoirs politiques à la vue basse. Il se sent investi d’une mission qui fait écho à son passé douloureux et ne peut se résoudre à l’abandon  mais impulse plutôt une sédition sans retour. Malgré son inconditionnel amour, malgré un sens nouveau donné à son existence il se doit de porter à son terme son engagement citoyen et politique afin de s’absoudre des scories antérieures.

L’auteur fait montre d’une sensibilité supérieure au service d’une plume tout à la fois poétique et magnétique. Il nous avise avec finesse et subtilité de notre statut intangible de mortel en nous tançant de vivre sans frein, sans méditation exacerbée, en nous délestant des carcans du conformisme et ceux des guides, des gourous politiques lumière artificielle des peuples.

Ce roman m’a profondément touché par son message et la route empruntée pour nous le délivrer.

Premier coup de cœur de l’année!

Chouchou