Chat noir un jour, chat noir toujours. Tel est le cruel destin d’Arthur. À peine sorti de prison, le voilà replongé dans l’embrouille jusqu’au cou, ou comment les voleurs de pommes se retrouvent aspirés au fond de la nasse, sans rédemption possible, une fois que le rouleau-compresseur carcéral vous a laminé. Même sa fidèle sœur Lorraine, venue le chercher à sa sortie de l’ombre, commence à tanguer et douter. Il faut dire qu’il n’aide pas, prompt à braquer la première station-service venue sur le chemin d’une liberté retrouvée deux brèves heures auparavant. De fait, une nouvelle cavale s’engage. La route, toujours la route. La fuite, encore la fuite. Lorraine est au volant mais la destination de la fratrie ne ressemble plus à rien. De l’orphelinage aux foyers d’accueil, ils ont toujours serré les coudes. Mais la geôle a asséché l’âme d’Arthur qui, blessé et traqué, s’en prend au monde entier. Même un plouc y laisse ses dents cariées, jusqu’à flirter avec les roues de son propre tracteur, positionnées là au mauvais endroit, au mauvais moment, au mauvais carrefour de toutes les impasses d’une vie. Et à propos d’impasse, la dangerosité de la ruralité n’a pas dit son dernier mot lorsque la Ford de Lorraine et Arthur plonge dans un cours d’eau digne de la rivière Cahulawasseea du film Délivrance de John Boorman. Le plouc et les siens resurgissent sur ses berges, y ajoutent l’horreur de George A. Romero et terminent d’imposer le désespoir en lieu et place des possibles dernières flammèches d’un espoir vain.
Auteur d’un Si tous les dieux nous abandonnent à la Série Noire et d’autres L’Eternité
n’est pas pour nous
ou C’est pour ton bien aux Arènes, Patrick Delperdange réussit
avec ce Parfum d’innocence une autre déclinaison solide de la formule éprouvée par
Marc Villard et la collection Polaroid qu’il dirige aux éditions In8. Soit une novella en 80 pages chrono, sans digressions ni feuilles mortes. Du coup, nous ne rivaliserons pas d’ingéniosité pour conclure puisque la formule « un bon petit noir, classique et bien serré » s’avère parfaitement adéquate.

JLM