Chroniques noires et partisanes

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UN PARFUM D’INNOCENCE de Patrick Delperdange / Editions In8.

Chat noir un jour, chat noir toujours. Tel est le cruel destin d’Arthur. À peine sorti de prison, le voilà replongé dans l’embrouille jusqu’au cou, ou comment les voleurs de pommes se retrouvent aspirés au fond de la nasse, sans rédemption possible, une fois que le rouleau-compresseur carcéral vous a laminé. Même sa fidèle sœur Lorraine, venue le chercher à sa sortie de l’ombre, commence à tanguer et douter. Il faut dire qu’il n’aide pas, prompt à braquer la première station-service venue sur le chemin d’une liberté retrouvée deux brèves heures auparavant. De fait, une nouvelle cavale s’engage. La route, toujours la route. La fuite, encore la fuite. Lorraine est au volant mais la destination de la fratrie ne ressemble plus à rien. De l’orphelinage aux foyers d’accueil, ils ont toujours serré les coudes. Mais la geôle a asséché l’âme d’Arthur qui, blessé et traqué, s’en prend au monde entier. Même un plouc y laisse ses dents cariées, jusqu’à flirter avec les roues de son propre tracteur, positionnées là au mauvais endroit, au mauvais moment, au mauvais carrefour de toutes les impasses d’une vie. Et à propos d’impasse, la dangerosité de la ruralité n’a pas dit son dernier mot lorsque la Ford de Lorraine et Arthur plonge dans un cours d’eau digne de la rivière Cahulawasseea du film Délivrance de John Boorman. Le plouc et les siens resurgissent sur ses berges, y ajoutent l’horreur de George A. Romero et terminent d’imposer le désespoir en lieu et place des possibles dernières flammèches d’un espoir vain.
Auteur d’un Si tous les dieux nous abandonnent à la Série Noire et d’autres L’Eternité
n’est pas pour nous
ou C’est pour ton bien aux Arènes, Patrick Delperdange réussit
avec ce Parfum d’innocence une autre déclinaison solide de la formule éprouvée par
Marc Villard et la collection Polaroid qu’il dirige aux éditions In8. Soit une novella en 80 pages chrono, sans digressions ni feuilles mortes. Du coup, nous ne rivaliserons pas d’ingéniosité pour conclure puisque la formule « un bon petit noir, classique et bien serré » s’avère parfaitement adéquate.

JLM

C’EST POUR TON BIEN de Patrick Delperdange / EquinoX / Les Arènes.

“Non, l’homme qu’elle a épousé n’est pas celui qui l’a frappée ! Ça ne se reproduira plus jamais, c’était juste un moment de folie. Et puis cela recommence. Camille ne reconnaît plus celui avec qui elle vit. Certains secrets restés trop longtemps enfouis sont plus dangereux qu’un poison mortel. Camille va l’apprendre à ses dépens.”

Elle va bientôt disparaître et trois suspects se dégagent très rapidement: Pierre son mari, son frère avec qui elle est en froid et un mystérieux SDF qui semble connaître Camille de longue date. Commencé comme un roman noir sur les violences faites aux femmes “ C’est pour ton bien” s’en démarque néanmoins assez rapidement pour donner toute sa mesure dans un polar au suspense bien entretenu et relancé par un coup de théâtre final. 

L’auteur belge Patrick Delperdange est un touche à tout de la littérature depuis quelques décennies: scénariste de BD, romancier, traducteur. Il doit sa notoriété chez nous à sa rencontre avec l’éditeur Aurélien Masson à la Série Noire qui a permis à cet homme qui a peur de la campagne de nous offrir de très bons romans noirs ruraux. Il a d’ailleurs suivi Aurélien Masson (comme beaucoup d’autres…) dans sa nouvelle aventure EquinoX aux Arènes.

Alors, que dire ? J’ai été dupé par un superbe premier chapitre qui m’a sûrement fait croire à un drame de couple un peu à la Incardona. L’intention de mettre en lumière la violence ordinaire est louable et si cette partie est réussie, jamais aucun homme, pour moi, ne saura néanmoins décrire le traumatisme, cette violence comme une femme. Jamais un homme ne saura lire le cerveau féminin, pour ma part il y a longtemps que j’y ai renoncé. Bêtement peut-être, mais si c’est Joyce Carol Oates qui m’en parle, j’ai l’oreille beaucoup plus tendue.

Mais de toute manière, l’aspect thriller prend vite le devant de la scène l’étude psychologique des personnages un peu sommaire ne permettant pas réellement l’émission d’hypothèses. Et ça fonctionne bien jusqu’au final mais si vous voulez découvrir l’univers noir de Delperdange, lisez plutôt “Si tous les dieux nous abandonnent” ou « L’éternité n’est pas pour nous » vraiment plus aboutis. Et puis si vous êtes déjà fan, ne vous privez surtout pas.

Wollanup.


SI TOUS LES DIEUX NOUS ABANDONNENT de Patrick Delperdange/Série Noire

Et il semblerait donc que la campagne devienne le nouveau territoire à la mode du roman noir si l’on voit les sorties des maisons d’édition ces derniers mois.

Après les bouseux ricains des dernières années défoncés à la meth et auteurs des pire outrances, sont arrivés les ruraux français avec un ton moins destroy et un petit côté poétique et philosophe, le fameux bons sens des gens du terroir ce qui me fait parfois bien sourire, pour rester poli, en notant les  élans d’ admiration de certains citadins s’extasiant devant la vie à la campagne et voyant en ces rustres solitaires, loin de tout et abandonnés de tous, les nouveaux héros romantiques modernes avec leur bon sens et leur vie en harmonie avec la nature et ses cycles.

Je vais me faire encore des amis mais tous ceux (les lecteurs) qui vantent ces nouveaux « Indiens » devraient venir vivre un peu dans nos campagnes au milieu de l’hiver plutôt que pendant la belle saison. La campagne, et je sais de quoi je parle, ce n’est pas l’Eden que s’imaginent certains bobos après la lecture de certains romans ou un bref passage en ciré jaune et bottes Aigle, pour mon coin. La campagne,  comme la ville, c’est aussi parfois très déprimant, c’est souvent dur de par cette désertification voulue par un pouvoir bien trop centralisateur depuis des décennies et si peu sentimental pour des raisons économiques avec la fermeture des écoles ( la pire des calamités), le départ des services publics, l’absence de services de santé de proximité, le match de foot du dimanche comme seul rendez-vous dominical en dehors de la messe. Et puis les mentalités parfois… les urnes bourrées de votes fachos dans des villages où on n’a pourtant jamais vu un émigré… Certains romans puent la contrefaçon comme le pitoyable film « les petits mouchoirs » et d’autres sonnent authentiques, vous racontent des vraies vies sans la rosée dans l’herbe du matin, la brise sur la lande tourmentée, sans cette imagerie déplacée qui donne à penser qu’à la campagne, tout le monde serait un peu poète.

Et ce roman de Patrick Delperdange, qui est loin d’être un débutant, sonne vrai, on y décrit la campagne belge mais ça pourrait être aussi la France ni belle ni moche ni accueillante ni hostile, une terre qui est le théâtre des peines et des joies de ses habitants et qui n’a finalement de charme que pour les touristes, un sanctuaire qui rassure mais emprisonne aussi. Et dans ce coin de Belgique, une fille qui fuit, un vieux qui s’ennuie à mourir et un pauvre gars qui se prend pour un cador. Leurs routes déjà bien accidentées vont se croiser pour le meilleur pensent-ils et pour le pire évidemment.

Pas de descriptions léchées, pas de couchers de soleil bucoliques, des existences bousillées par l’usure, les mauvais choix, les mauvais gestes qui n’en font pas des crapules mais… Tout banalement, la réalité monotone, le poids des ans pour l’un, de la bêtise pour l’autre et la fuite pour la dernière et ces trois-là vont tenter de s’en sortir, égoïstement, révélant leur piètre côté sombre.

Alors, ce n’est pas un bouquin qui va vous rendre euphorique mais c’est un vrai bon roman avec des gens que vous pourriez connaître dans des galères ordinaires avec des réactions parfois  stupides et finalement bien humaines… dans un coin où tous les dieux se sont barrés, et grand bien leur fasse d’ailleurs, depuis des lustres.

Humain!

Wollanup.

PS1: Superbe couverture!

PS2: La Belgique, j’aime bien: la zik, les polars mais pas touche à notre Euro en juin!

« I don’t know, oh I don’t know
Where you’ve gone now
I belong, I still belong
To this here and now. »

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