
Et de quatre volumes pour Jérémy Bouquin dans la collection Polaroid des éditions In8, dont un Baraque à frites chroniqué ici en 2022. Et de quatre novellas donc : quatre uppercuts définitifs pour régler par KO l’addition salée d’autant de destins fracassés. Des gamins salement malmenés surtout : Maurice, Julien et les autres, qui (on le croit quelques secondes) vont enfin pouvoir profiter de la fête et des manèges. Ҫa alors ! Jérémy paie sa tournée de popcorn et nous convie à la rituelle Foire à l’Oignon d’un très plausible Loiret vicinal. Une parenthèse haute en bruits et couleurs s’annonce mais tourne vite au vinaigre lorsque la barbe à papa sanglante est en fait celle d’un forain percuté par la nacelle folle d’une « grande roue » bonsaï et rouillée. Les papiers retrouvés sur le macchabée s’avèrent plus faux qu’un Vuitton de Barbès. Seul viatique authentifiable et recevable pour un aller simple vers le ciel : l’homme détient dans ses poches une carte de visite de Katia, une carte de sa vie d’avant, une carte témoin d’années plus lumineuses, remise à Raphaël jadis avec la mention manuscrite « Tu me manques ». De fait, c’est à elle que les autorités demandent d’identifier un corps anonyme. Tatoué, râblé, le cadavre n’est pas le Raphaël de ses souvenirs. Katia respire, mais pas pour longtemps. Tel un papillon attiré par la flamme d’une bougie, elle décide de s’incruster au sein de la caravane manouche, en route vers une autre bourgade plus nordiste mais toute aussi cafardeuse. L’ex-assistante sociale, qui vivote d’une retraite famélique dans sa camionnette (un vieux Jumpy Citroën bricolé), plaque ainsi le peu qu’il lui reste pour plonger une nouvelle fois vers l’inconnu, à la recherche de son seul fantôme intime, générateur perdu d’espoirs évanouis, Raphaël. Il était éducateur, idéaliste surtout, tel un Peter Pan au service des Enfants perdus. Il bâtissait d’ailleurs son Neverland à lui (Le pays de jamais donc) lorsqu’il s’est évaporé. Aucune raison ne pouvait à cet instant valider un quelconque désir de fuite. D’où l’incompréhension de Katia et sa chute dans une précarité assumée. Entre querelles de Gitans et solidarité clanique, elle ne trouvera en route que peu de réponses à ses questions. Encore moins de certitudes. Mais comme souvent chez Jérémy Bouquin, une fée s’en mêle. Léa. Ici, tout le monde l’appelle Clochette, comme la Tinker Bell de Peter Pan, tant qu’à faire.
On y revient, aux fracassés, à Tiger Lily, au Captain Hook, à Wendy, John, Michael, Margaret et leur avenir en suspens…
En suspens, ce sprint allégorique de 90 pages le restera, soutenu par autant de mélancolie aigre et farouche que de noirceur douce et tamisée. Soit une séduisante maîtrise des contrepoints du noir, marque de fabrique du très estimable Jérémy Bouquin.
JLM






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