“Nous cavalons entre les troncs couchés. L’air nous brûle la gorge. Nos muscles se raidissent. Nous parvenons à une route étroite, que nous longeons en direction du bourg. Je connais le chemin, emprunté pour aller faire les courses. À cent mètres de là, nous trouvons un local reconverti en abribus. Cachés derrière le mur couvert d’affiches déchirées du parti populiste écologique Campagne, nous nous dévisageons en pantelant. Nature au cœur dit le slogan.
Déjà nous ne sommes plus les mêmes. Dans le halo prodigué par l’unique lampadaire, nos traits sont plus durs. Comme si l’innocence s’érodait, qu’il n’en restait qu’un minuscule éclat au fond de nos pupilles.
– Ça va ?”
Il y a des périodes où la littérature s’empare d’un sujet. En ce moment, la crise écologique globale que nous vivons, semble en être devenu un. Tout le monde s’accorde pour dire que l’avenir de notre espèce est compromis, mais en même temps, et moi le premier, tout le monde s’en fout et continue à regarder des vidéos de chatons sur son smartphone.
Ce roman d’Yvan Robin vient nous secouer, nous déciller. Sa vision d’un futur pas si éloigné est cauchemardesque.
Un paysage ravagé par la pollution, un fleuve de boues et d’ordures, un suicidé dans le jardin. Voilà pour l’ouverture du roman, rien n’est à sauver de ce monde déjà bien saccagé. Et pourtant on y vit.
La catastrophe attendue se passe sous nos yeux, brutalement, sur les pages. Le résultat est simple et sombre, l’exposition des travers humains les plus vils : méchanceté, mépris, vilénie, trahison, violence, j’en passe.
« Après nous le déluge » raconte ce qu’il reste de vie, d’humanité, chez un père, et son fils, Lazare et Feu-de-Bois. Tous deux sont bien incarnés, je me sens plus proche du père, question d’âge et de vécu peut-être, mais j’ai autant de compassion pour le fils. L’écriture dans laquelle ils sont balancés, enchevêtre le mythe du Déluge, l’Apocalypse, l’Odyssée, la poésie classique du XVIIème, met en exergue la Genèse, cite un traité philosophique plus ou moins anarchiste.
Yvan Robin les sépare, les perd, et nous conte leurs mésaventures dans cet océan ténébreux qu’est devenu le monde. Le titre est vraiment à prendre au pied de la lettre.
C’est un roman typique de notre époque, qui décrit le cauchemar qui nous attend.
« Après nous le déluge » ne nous raconte ni plus ni moins que la disparition de la beauté, c’est, en somme, un texte effrayant, et probablement nécessaire.
NicoTag
Nous disparaîtrons sûrement, par contre le rock survivra. C’est Uncle Neil qui le dit, c’est donc vrai.
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