Jean-Luc Manet n’est pas un inconnu chez Nyctalopes.

Paotrsaout, notre Wikipedia perso, lors de sa recension de “Aux fils du calvaire” une novella de 2018 mettant en scène le même personnage de Romain, SDF parisien, écrivait à propos de l’auteur :

“Critique musical depuis 1979, notamment pour les magazines Best, Nineteen et Les Inrockuptibles comme on ne les appelle plus, Jean-Luc Manet a publié une quarantaine de nouvelles, principalement noires.  Ce discret auteur a participé ainsi à de nombreux recueils de nouvelles rock, depuis l’historique London Calling (Buchet-Chastel, 2009) jusqu’au plus récent Sandinista ! Hommage à The Clash (Goater, 2017).” ainsi qu’au collectif AU NOM DE LA LOI / Vingt sentences autour du groupe LES $HERIFF chez Kicking records.

“Quand il renonce à l’aventure éditoriale collective, Jean-Luc Manet est capable de nous proposer des novellas à l’écriture ciselée, sensibles et empreintes de tendresse pour les gueules cassées de la vie.” Ainsi “Trottoirs” (2015) introduit Romain, un homme cabossé, à la rue entre les IVe et XIIe arrondissements de Paname,et que l’on retrouvera dans “Aux Fils du calvaire” trois ans plus tard.

“Romain, un SDF, arpente les rues de Paris, ressasse les souvenirs d’un bonheur passé, et rêve sur le corps d’une prostituée venue de l’Est. Un premier sans-abri, un frère donc, est assassiné, très vite suivi d’un second puis d’un troisième. La peur s’empare de la communauté des laissés-pour-compte. Qui peut avoir intérêt à tuer ceux qui ne possèdent rien ? Représentent-ils une menace ?”

Romain a chuté mais n’est pas encore dans le caniveau comme beaucoup de ses camarades d’infortune. Sur les trottoirs avec les prostituées, les flics, les petits épiciers, les macs et les agents immobiliers rapaces, il marche et voit et vit l’enfer de ces arpenteurs inlassables du macadam. Si une novella ne permet pas vraiment de s’étendre sur un personnage, on repère néanmoins que Romain n’a pas perdu tous ses repères et son cheminement dans la ville témoigne d’un Paris authentique et montre par de multiples détails les marqueurs de la vie de gens qui n’en ont plus vraiment : la beauté d’une pièce de deux euros, le bonheur d’une douche, la chaleur d’un regard, l’économie quotidienne de la manche, le prix de la bière, la richesse d’un repas chaud…

Par sa capacité à préserver encore quelques relations sociales, Romain lie des contacts avec un flic cherchant l’assassin de clochards. Avec bonheur, Jean-Luc Manet lorgne ainsi avec l’univers d’Adamsberg de Fred Vargas tout en cousinant parfois avec le regretté Frédéric H. Fajardie.

Jean-Luc Manet a été pendant plusieurs décennies un observateur privilégié du rock français, il en est devenu une des précieuses mémoires mais, merci, il n’a eu nul besoin de références musicales gonflantes et clichetons  pour ancrer son histoire. Point des éternels Ramones, AC/DC ou Motorhead qu’on rencontre si souvent dans les nanars français. Passera juste Marc Bolan et on trouvera un hommage aux petits groupes qui galèrent dans des bars borgnes, aux prolos du rock sur les scènes bancales dans des ambiances enfumées, marginalisées, alcoolisées ou cannabisées, un univers et une ambiance uniques que l’auteur connaît bien. 

Le tempo est dur, impeccable mais de cet Asphalte Jungle naît néanmoins une belle musicalité, une poésie urbaine sensible, envoûtante et finalement assez inattendue. Les mots sont choisis, les sonorités recherchées offrant un texte précieux musicalement unplugged.

Rock on Jean-Luc !

Clete

PS: Et “last but not least”, beaucoup d’allusions à ce que l’autre déclarait il y a quelques mois : « Les Bretons, c’est la mafia française »… dans les patronymes, dans des envies d’ailleurs en Bro-Gwened, dans le Golfe du Morbihan, sur des tee-shirts et dans un clin d’oeil à un très chauvin Breton de Paris de nos amis…