La lame aiguisée glisse sans bruit de droite à gauche en travers de sa gorge. Le sang gicle dans un gargouillis. Il lâche un râle rauque et porte la main à sa plaie béante. Dans ses yeux exorbités miroite l’Acropole qui, à ce même instant, s’illumine de mille couleurs. La féerie embrase le rocher, ricoche sur le marbre immaculé, se répand sur son immeuble et, par ricochet, sur ceux alentours.
L’adagio s’élève lentement vers le ciel. Dans un second mouvement, les cris et les applaudissements des voisins s’élèvent tel un choeur, à l’instant même où son corps inerte bascule sans bruit dans le vide.
« Stavros sur la route le soie » démarre prestement, pourquoi se priver quand on peut à la fois balancer un assassinat et une vue splendide ?
Il s’agit du troisième volume (sur cinq prévus) des aventures de Stavros Nikopolidis, un commissaire rusé, bon vivant, un peu râleur et flanqué d’un sens de l’humour très personnalisé ; il est épaulé par Dora, une collègue/complice façon Emma Peel ; et chapeauté par un supérieur lèche bottes du pouvoir et des puissants, Livanos.
Rien d’original à cela, pourtant Sophia Mavroudis a bien fait de se servir de cette situation classique. Avec un doctorat en sciences politiques elle aurait pu écrire une histoire de la Grèce contemporaine, elle a préféré se faire romancière et mélanger une fiction policière au quotidien vécu et subi par les Grecs, à leur lutte quotidienne face aux mesures brutales infligées à leur pays depuis 2008. Sans oublier de glisser quelques notes d’humour fort bien venues, et de partager quelques bons plats qui donnent faim rien qu’en lisant.
L’enquête se focalise sur un scandale immobilier qui transforme Athènes en résidence touristique pour clients asiatiques fortunés. La ville est vendue à la découpe à des investisseurs chinois peu scrupuleux avec au passage des locaux qui se servent.
Sur le bord du bureau, Stavros aperçoit une série de livres, dont plusieurs romans noirs de Yannis Maris, figure tutélaire du policier grec.
– Vous aimez Maris ? demande-t-il, surpris.
– Comme beaucoup de grecs, j’ai longtemps négligé le genre policier qui n’avait pas l’aura de notre littérature classique. Je me suis trompé.
– C’est un de mes auteurs préférés.
– Il gagne à être connu ainsi que d’autres de nos écrivains de polars contemporains. Nous avons autre chose à montrer que les seuls écrits civilisationnels ou le dépaysement plage, Zorba, moussaka…
C’est aussi ça « Stavros sur la route de la soie », une façon de découvrir Athènes en dehors de tous les clichés éculés. Comme souvent dans le polar, ce livre de Sophia Mavroudis permet de prendre le pouls d’un pays. En filigrane, c’est une facette peu reluisante de la mondialisation que nous dévoile l’autrice, la politique européenne à l’égard de la Grèce n’a rien de très heureux, quant à la Chine, ses investissements restent bien éloignés de la philanthropie.
Sans avoir lu les précédents volumes de la série, j’ai eu beaucoup de plaisir à tourner les pages, surtout à retrouver ces personnages savoureux, notamment Eugène, le hacker du commissariat. L’histoire serrée sur une poignée de jours est parfois un peu touffue, certains passages auraient mérité un peu plus de détails, mais les dialogues secs et souvent drôles rythment habilement le livre de bout en bout.
NicoTag
Pour la tragédie antique, Athènes a toute ma confiance, mais pour ce qui est du rock, mes oreilles traînent plutôt du côté d’Athens.
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