Traduction : Gérard de Chergé
Parker Bilal est le pseudonyme sous lequel Jamal Majhoub, écrivain anglo-soudanais dont certains romans sont publiés chez Actes Sud, écrit ses romans policiers. C’est ici le deuxième opus des aventures de Makana. On peut le lire indépendamment, l’auteur n’est pas un débutant et il réussit à rappeler les éléments indispensables pour comprendre la cause de la présence de Makana au Caire par petites touches. Ceux qui, comme moi, ont lu le premier seront ravis de retrouver ce détective attachant qui a déjà vécu la montée de l’intégrisme au Soudan, qui le voit émerger et monter en puissance dans son pays d’accueil et qui a du mal à garder sa langue dans sa poche.
« Le Caire, 2001. Makana, ex-officier de police soudanais exilé politique en Égypte, est chargé d’identifier l’auteur d’une lettre de menaces reçue par le patron de l’agence de voyages l’Ibis bleu. Peu après, Meera, employée copte de l’agence et femme d’un universitaire musulman révoqué pour opinions subversives, est assassinée dans une galerie marchande. Makana voit là un lien avec les meurtres sanglants de jeunes garçons à Imbaba, quartier déshérité comptant plusieurs églises. Et si les autorités avaient décidé d’en rendre les coptes responsables ? Ce qui semble à première vue n’être qu’un complot politico-religieux se révèle peu à peu, au fil d’une enquête semée d’embûches qui mène Makana jusqu’à Louxor et à un monastère désaffecté dans le désert, une magouille impliquant une banque cairote coupable de transactions douteuses.
Pouvoir, argent et corruption : une équation vieille comme le monde… »
On retrouve donc Makana, toujours désespéré par la perte de sa femme et de sa fille, vivotant sur la vieille péniche délabrée au bord du Nil. Au nom de la solidarité entre exilés et parce qu’il faut bien payer le loyer, il accepte cette affaire de lettre de menaces.
On retrouve également ses amis : Sami le journaliste intègre et donc souvent menacé et sa femme Rania, Aswani le restaurateur qui accepte de faire crédit, Yunis un faussaire presque aveugle qui connaît les dessous troubles de la ville, sa logeuse Oum Ali… qui forment la petite bande typique des acolytes du détective mais qui sont tellement bien croqués, intégrés au récit et à la réalité de la ville qu’ils dépassent largement les clichés. Pas de doute, Parker Bilal sait écrire !
Et on retrouve Le Caire bien sûr, le terrain d’investigation de Makana. Parker Bilal décrit magnifiquement cette ville. La description n’est pas idyllique, l’auteur nous montre une ville sous tension, surpeuplée où l’urbanisme sauvage et la corruption ont créé des quartiers entiers livrés à la misère et à la violence. Des enfants vivent dans la rue, y meurent aussi sans que cela dérange grand-monde.
Tous les ingrédients sont là pour une explosion de violence, il suffit de désigner un bouc émissaire à la vindicte populaire et… les Coptes sont là. L’enquête de Makana va dériver après l’assassinat de Meera, vers les meurtres d’enfants des rues d’Imbaba et vers les intégristes qui ne sont jamais loin, envahissant peu à peu toutes les sphères de la société égyptienne.
On assiste à cette montée, on en comprend les mécanismes avec la connivence entre les services secrets, les intégristes, la pègre… tout ce beau monde trafique et se fait de l’argent ensemble. Le talent de Parker Bilal est d’intégrer tout ça à une enquête complexe, passionnante et mouvementée.
Et violente, forcément ! Tous ces gens ne sont pas des enfants de chœur et les réponses à qui s’occupe un peu trop de ce qui ne le regarde pas sont violentes et disproportionnées. Ça ne rigole pas avec les opposants dans cette ville où on peut disparaître sans laisser de trace du jour au lendemain !
Parker Bilal nous fait ressentir cette atmosphère oppressante de peur, de violence, de danger. Il y a quelques lueurs d’espoir avec des personnages qui se révoltent un peu. Mais le livre se termine le 11 septembre 2001… Ce n’est que le début, il va s’en passer encore des choses…
Un excellent polar noir, très noir et très intelligent !
Raccoon.
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