Chroniques noires et partisanes

LES NAUFRAGÉS DU WAGER de David Grann / Editions du Sous-Sol

The Wager: A Tale of Shipwreck, Mutiny and Murder

Traduction: Johan-Frédérik Hel Guedj

David Grann, journaliste et auteur américain est devenu un des grands de la littérature non fictionnelle. Depuis 2003, le journaliste montre sa belle plume dans des enquêtes historiques au sein du brillant magazine The New-Yorker. Certaines de ces succulentes nouvelles où il fouille avec bonheur l’histoire américaine sont d’ailleurs regroupées dans Le diable et Sherlock Holmes paru en 2019 aux éditions du Sous-Sol. Adepte de travaux plus ambitieux, il doit sa notoriété en France à La note américaine histoire racontant la spoliation d’une tribu indienne dans une arnaque dont les Américains sont très coutumiers.

Les grands cinéastes se sont très vite emparés très vite de l’œuvre de Grann pour les adapter. James Gray, le cinéaste talentueux de La nuit nous appartient a adapté avec bonheur La Cité perdue de Z : Une expédition légendaire au cœur de l’Amazonie tandis que le Killers of the Lost Mooon de Martin Scorsese avec Di Caprio dans le rôle principal qui sortira en octobre est l’adaptation de La note américaine. Richard Price, auteur de Ville noire, ville blanche et également scénariste de La couleur de l’argent m’avait évoqué un jour à Lyon l’extrême rigueur et la grande exigence d’une collaboration avec Scorsese et sans nul doute, le travail minutieux de Grann… sept ans de labeur pour Les naufragés du Wager qui nous intéresse aujourd’hui et a totalement conquis le grand maître du septième art qui tourne actuellement, toujours avec Di Caprio dans le premier rôle, l’histoire de David Grann. Ajoutons que Jeff Nichols, réalisateur de l’inoubliable Mud adapte pour le grand écran The Yankee Comandante une nouvelle sur Cuba avec Adam Driver au générique.

L’histoire du Wager, tombée dans l’oubli et que David Grann a exhumée du grenier poussiéreux de l’Histoire, avait pourtant été citée par les plus grands à l’époque. Voltaire, Diderot, Montesquieu et Lord Byron dont un des ancêtres se trouvait à bord du Wager, ont à leur époque évoqué la tragédie.

“En 1740, le vaisseau de ligne de Sa Majesté le HMS Wager, deux cent cinquante officiers et hommes d’équipage à son bord, est envoyé au sein d’une escouade sous le commandement du commodore Anson en mission secrète pour piller les cargaisons d’un galion de l’Empire espagnol. Après avoir franchi le cap Horn, le Wager fait naufrage. Une poignée de malheureux survit sur une île désolée au large de la Patagonie.

Le chaos et les morts s’empilant, et face à la quasi-absence de ressources vitales, aux conditions hostiles, certains se résolvent au cannibalisme, des mutineries éclatent, le capitaine commet un meurtre devant témoins. Trois groupes s’affrontent quant à la stratégie à adopter pour s’en échapper.

Alors que tout le monde croyait que l’intégralité de l’équipage du Wager avait disparu, un premier groupe de vingt-neuf survivants réapparaît au Brésil deux cent quatre-vingt-trois jours après la catastrophe maritime. Puis ce sont trois rescapés de plus qui atteignent le Brésil trois mois et demi plus tard. Mais une fois rentrés en terres anglicanes, commence alors une autre guerre, des récits cette fois, afin de sauver son honneur et sa vie face à l’Amirauté et au grand public.”

L’ Aventure, la grande et terrible aventure sur les océans, avec toutes ses fortunes et ses malheurs, est présente dans ce grand roman et il serait idiot et totalement égoïste d’en rajouter sur une quatrième de couverture suffisamment évocatrice mais très loin de l’exhaustivité de ce qui vous attend, de ce que vous allez vivre, endurer avec les damnés du Wager. Loin des pitreries hollywoodiennes sur les aventures sur les océans et les guerres maritimes, un énorme souffle, à l’image des quarantièmes rugissants, cinquantièmes hurlants et soixantièmes déferlants subis par l’équipage, va raviver votre âme d’enfant mais aussi interpeller outrageusement, bousculer votre conscience d’adulte moderne devant le tourment et les choix de ces marins du dix-huitième siècle. La furie va vous emporter très loin, sans retour possible jusqu’au dernier mot, jusqu’à l’ultime note de cette complainte divine et horrible. Si vous cherchez un grand roman d’aventures, vous ne trouverez jamais mieux ni même approchant.

David Grann, au sommet de son art, marie à la perfection la minutie, l’application dans le détail, l’exactitude dans la recension d’un historien complètement habité par son sujet et la plume experte d’un écrivain talentueux.

Génial.

Clete

4 Comments

  1. Ingannmic

    Ah, je suis preneuse !! David Grann a le chic pour dénicher des histoires méconnues et pourtant complètement édifiantes …

    • clete

      Tout à fait, un grand talent de dénicheur d’histoires, celle-ci est vraiment extraordinaire. Merci de ton passage.

  2. Gilles

    ravi de voir vos chouettes critiques de retour. Son recueil de nouvelles que vous citez me tente bien. Je suis content de voir qu’il y a encore des maisons d’édition pour proposer des couvrantes alléchantes qui ne ressemblent pas à des images moulinées par une IA ou pondues par des mauvais graphistes aux réalisations quelconques. Celle-là est superbe

    • clete

      Merci Gilles, je passe aussi parfois sur « Je m’attarde »pour des critiques de vieux bons films.
      La couverture, c’est vrai, donne envie et j’ai omis de dire que l’iconographie présente aussi dans le roman est superbe.
      Bonne continuation.
      Clete.

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