We Own this City
Traduction: Paul Simon Bouffartigue
En 2008, Justin Fenton devient le reporter chargé des affaires criminelles au Baltimore Sun. Un poste convoité où, par le passé, s’est illustré David Simon, avant qu’il devienne le célèbre showrunner de la série The Wire. Baltimore est alors toujours la ville au taux de criminalité le plus élevé des États-Unis. Mais une unité spéciale d’agents en civil est en train de nettoyer les rues avec un seul mot d’ordre : tolérance zéro.
En 2017, la nouvelle tombe : sept des principaux officiers de l’unité spéciale sont arrêtés pour corruption et racket en bande organisée. C’est un véritable système d’intimidation, de faux témoignages, de collusion avec le monde du crime qui est mis au jour. En dépit de sa fréquentation assidue de la police, de la justice et des criminels, Justin Fenton tombe des nues. Il n’avait rien vu venir.
En voyant le nom de David Simon cité, on a non seulement l’immense série The Wire en tête, mais aussi certains de ses livres tels que Baltimore : une année dans les rues meurtrières ou encore The Corner : Tome 1, hiver/printemps (dont on attend désespérément la publication du tome 2 en français…). Des références purement et simplement incontournables. Autant dire qu’en sachant que David Simon a fait le choix d’adapter en série le livre La ville nous appartient de Justin Fenton, il y a peu de doutes à avoir quant à la qualité de celui-ci.
De par l’actualité et ce que nous en a raconté David Simon, on est au fait du mal qui gangrène la ville de Baltimore, qui ne reste qu’un exemple parmi d’autres aux Etats-Unis. Le cocktail violence, drogues et misère sociale y fait des ravages. Les années passent mais le problème demeure. Un cercle infernal qui paraît sans fin. Inarrêtable. Que faire ? La première réponse proposée à cela, la plus immédiate, reste les forces de l’ordre supposées maintenir une sorte d’équilibre précaire. Une façon de traiter les symptômes sans vraiment solutionner le problème. On répond à la force par la force, aux chiffres par les chiffres. On sait où cela mène en définitive. On connaît le film. On croit même tout savoir à force d’en entendre parler. On se dit que le pire du pire nous a certainement déjà été montré. Mais non. Il suffit de creuser un peu pour trouver de quoi noircir un tableau déjà bien sombre. Ce que met en lumière Justin Fenton avec La ville nous appartient est ahurissant.
Cette fois-ci, c’est la criminalité au sein même de la police de Baltimore qui est sur le devant de la scène. A travers le parcours et la chute de certains officiers, notamment une unité en civil menée par le détestable Wayne Jenkins, Justin Fenton dresse un portrait peu glorieux d’une partie de la police de Baltimore. Si l’image de la police de Baltimore souffrait déjà de multiples dérapages rarement suivit de condamnations et pointés du doigt par une société en ébullition, elle ne s’arrange absolument pas avec La ville nous appartient. Racket, vol, trafic de drogue, falsifications de preuves, violence et j’en passe, les faits sont glaçants et les conséquences parfois terribles. Un règne de la terreur exercé en toute impunité et ce des années durant. Heureusement, une enquête finira par avoir raison de certains agents particulièrement pourris, mais qui ne pourraient être que la partie visible de l’iceberg.
Le travail journalistique de Fenton est riche et minutieux. Il est même colossal. D’une solidité sans failles. Irréprochable. Pas de place à l’improvisation. Tout est sourcé et vérifié. Sans jamais être indigeste, il rend compte de tous les détails utiles à la compréhension de cette enquête vertigineuse. La construction de l’ensemble est impeccable. Les faits sont tellement dingues, mais bien relatés, que ça se lit comme un polar de haut vol. C’est impressionnant ! Une claque dantesque qui laisse pantois. Vous vous en souviendrez. La ville nous appartient est sans conteste un des très grands livres de 2022. Un futur classique.
Brother Jo.
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