Dominique Sylvain n’est pas une débutante, elle a écrit une vingtaine de romans dont certains ont été récompensés. Parmi ses polars, il y a plusieurs séries qu’elle a apparemment délaissées depuis quelques années. « Kabukicho » fait partie de ses romans « solos », il se passe au Japon, pays que Dominique Sylvain connaît bien pour y avoir vécu.
« À la nuit tombée, Kabukicho, sous les néons, devient le quartier le plus sulfureux de la capitale nipponne. Au cœur de ce théâtre, les faux-semblants sont rois, et l’art de séduire se paye à coup de gros billets et de coupes de champagne. Deux personnalités dominent la scène : le très élégant Yudai, dont les clientes goûtent la distinction et l’oreille attentive, et Kate Sanders, l’Anglaise fascinante, la plus recherchée des hôtesses du Club Gaïa, l’un des derniers lieux où les fidèles apprécient plus le charme et l’exquise compagnie féminine que les plaisirs charnels.
Pourtant, sans prévenir, la jeune femme disparaît. Le piège de Kabukicho s’est-il refermé ? À Londres, son père reçoit sur son téléphone portable une photo où elle apparaît, les yeux clos, suivie de ce message : « Elle dort ici. » Bouleversé, mais déterminé à retrouver sa fille, Sanders prend le premier avion pour Tokyo, où Marie, colocataire et amie de Kate, l’aidera dans sa recherche. Yamada, l’imperturbable capitaine de police du quartier de Shinjuku, mènera quant à lui l’enquête officielle. »
Dominique Sylvain nous fait découvrir un quartier chaud de Tokyo, où les activités de chaque établissement sont très hiérarchisées, des bars chics à hôtesses (ou hôtes) qui offrent simplement leur compagnie à leur client, libres d’aller plus loin si ça leur chante jusqu’aux bouges les plus sordides. Le tout contrôlé par la mafia qui se fait plus ou moins discrète selon la clientèle mais n’en est pas moins présente et les yakusas ne rigolent pas, point commun à toutes les mafias du monde.
C’est dans cet univers que travaille Kate, dans la partie la plus « gentille » du quartier, ainsi que sa colocataire Marie. Kate est la star de toutes les hôtesses, très amie avec sa patronne et son homologue masculin Yudai, hôte célèbre lui aussi, réconfort des prostituées qui recherchent la romance après leurs heures de travail. Tout cet univers étrange où le raffiné côtoie le vulgaire est bien décrit par Dominique Sylvain et dépayse bien le lecteur qui comme moi ne connaît pas grand-chose au Japon.
Quand Kate disparaît, l’enquête est confiée à un vieux flic amnésique Yamada qui compense son manque de mémoire par la consultation systématique des archives. Il découvre ainsi que le message envoyé à la famille correspond au mode opératoire d’un tueur psychopathe qui vient d’être exécuté. Les proches de Kate s’affolent, la police aussi.
On assiste au cours de l’enquête à la confrontation de différents modes de fonctionnement entre les deux enquêteurs, soumis à une grande pression car cette affaire a un retentissement international : ils ne doivent pas perdre la face et le coéquipier de Yamada, jeune loup aux dents longues a des méthodes beaucoup plus expéditives qu’il veut plus modernes que Yamada.
On découvre un peu l’étrangeté du Japon qui a fasciné Kate et comment les codes peuvent être différents. Dominique Sylvain suit trois personnages principaux: Yudai, Yamada et Marie en alternant les points de vue. Et le récit bascule, on comprend vite qui est le tueur, véritable psychopathe qui a une bonne longueur d’avance sur les flics. On plonge alors dans une folie bien noire, mais peut-être pas assez… je n’ai pas réussi à me passionner réellement pour cette histoire, à entrer en empathie avec les personnages. Pourtant le suspense demeure et on lit jusqu’au bout pour savoir si les flics vont combler leur retard et réussir à l’arrêter.
Un polar bien ficelé donc.
Raccoon
Bonjour, merci beaucoup pour cette chronique attentive. En effet, « on comprend vite qui est le coupable » car c’est voulu. Les récits où tout est révélé dans les ultimes chapitres sont nombreux et assez classiques (à mon humble avis) et, heureusement, le suspense peut se travailler autrement. De la même façon, j’ai eu envie d’éviter l’enquête policière méticuleuse et progressive des enquêteurs qui triomphent à la fin. Le cliché est parfois plus dangereux que les tueurs dans les polars.
Bien à vous,
Dominique Sylvain
Merci d’être passée, c’est toujours sympa quand les auteurs viennent parler de leur bouquin. On adore !
Je découvrais votre univers avec ce roman et plus spécialement un pays que vous connaissez bien.
J’avais bien compris que le suspense ne reposait pas sur la connaissance du coupable et il fonctionne très bien d’ailleurs…
Si je reste un peu sur ma faim, c’est que j’aurais aimé plus de profondeur chez les personnages, les connaître mieux. Peut-être est-ce voulu ? Est-ce le début d’une série où on en apprendra plus sur certains ?
Merci pour ce bouquin et pour le commentaire.
Au plaisir de vous relire.
Pas profonds, mes personnages ? Ah, c’est subjectif car je les travaille toujours énormément, mais je crois, entre autres, au pouvoir de la suggestion (et au bon vieux béhaviorisme à l’américaine) plutôt qu’aux tartines psychologiques. Tout dire, c’est trop écrire.
Non, « Kabukicho » est un roman unitaire. J’ai arrêté les séries pour le moment. Les idées qui me passaient par la tête ne rentraient pas dans celles de mes héros récurrents. A bientôt, D.
Bonjour Dominique,
C’est certain qu’on aurait aimé mieux connaître les personnages mais on n’a jamais écrit qu’ils manquaient de profondeur…on en voulait plus sans aller dans le tartinage psy que vous évoquez.
Votre réflexion sur les personnages qui ne veulent pas entrer dans vos idées me fait penser à la création de Dortmunder par Westlake parce que les scenarii qu’il proposait ne correspondaient plus au personnage de Parker. Dans tous les cas,merci pour votre roman et tout ce que vous nous apportez par votre témoignage.
Wollanup.