Chroniques noires et partisanes

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LA FILLE DU POULPE – DES CLICS ET DES CLAQUES de Dominique Sylvain / Moby Dick.

Nous apprenions il y a quelques mois que Le Poulpe avait une fille, ou presque. Elle se prénomme Gabriella et sa fiche anthropométrique nous dit qu’elle aurait grandi dans les prisons boliviennes avant de débarquer à Paris pour rallier les causes de son paternel adoptif, Gabriel Lecouvreur : ce Poulpe récurrent initié par Jean-Bernard Pouy en 1995 et adopté par toute la galaxie noire, de Didier Daeninckx à Caryl Férey, de Franz Bartelt à Hervé Le Tellier…
Après deux épisodes inauguraux, menés tambour battant par Thomas Cantaloube et Maryssa Rachel, c’est entre les mains assurées de Dominique Sylvain que Gabriella confie sa troisième enquête au pays des injustices criantes et des petits, Poucets et poussés à la faute. De Dominique Sylvain nous connaissons les Sœurs de sang, bien sûr, ou ces Passeurs de l’étoile d’or (Editions Autrement, collection Noir Urbain, 2004) et Passage du désir (Grand prix des lectrices de Elle en 2005), géographiquement proches du bar de la Sainte-Scolasse, estaminet sis au cœur du onzième arrondissement d’un Paris d’hier, d’un Paris maltraité aujourd’hui. La voici de fait aux commandes d’un imbroglio complotiste, juché sur les canons d’une mode tarifée par les réseaux sociaux, calibré par le meilleur de la littérature de gare à l’ancienne et doté d’un Samouraï plus japonais que Delon, plus Jo qu’Elvis néanmoins pour rester chez les Costello.
L’affaire de ce troisième tome donc : Solveig, une influenceuse en vue se fait agresser et torturer à bord de la péniche qu’elle compte aménager en scène-sur-Seine de ses activités parisiennes, du côté du canal de l’Ourcq et de l’extension des contreforts de Boboland au nord-est de la capitale. Qui dit péniche, nous pousse à penser à un autre Dominique (Delahaye en l’occurrence, pour ses histoires de batelier, dont À fond de cale ou Naufrages aux éditions In8), mais Gabriella s’avère elle aussi un sérieux marin d’eaux plus troubles que vives ou douces quand il s’agit de défendre son port d’attache et ses fidélités ancrées au zinc de la Sainte-Scolasse. Alors, si Julie et Juliette, les deux patronnes à la barre du bar cher aux Poulpes, sont impliquées, voire en danger, la chica au sang chaud s’engage, quitte à affronter les extrêmes du moche : extrême droite comme extrême connerie concomitantes. Et en toute logique, elle se fait molester à son tour. Son CV chargé d’ex-taularde lui permet de mettre en fuite un ingénu qui passera l’arme à gauche (si tant est qu’un front comme le sien puisse pencher à gauche) quelques chapitres plus tard, exécuté par ses propres commanditaires. Autre preuve qu’en politique, les ennemis sont toujours plus fiables que les amis. Bref, le miroir aux alouettes de la toile tue Solveig d’abord et entraîne pas mal de monde dans la même fosse, commune pour le coup. Ҫa va vite. Ҫa bouge fort…

JLM

KABUKICHO de Dominique Sylvain aux éditions Viviane Hamy

Dominique Sylvain n’est pas une débutante, elle a écrit une vingtaine de romans dont certains ont été récompensés. Parmi ses polars, il y a plusieurs séries qu’elle a apparemment délaissées depuis quelques années. « Kabukicho » fait partie de ses romans  « solos », il se passe au Japon, pays que Dominique Sylvain connaît bien pour y avoir vécu.

« À la nuit tombée, Kabukicho, sous les néons, devient le quartier le plus sulfureux de la capitale nipponne. Au cœur de ce théâtre, les faux-semblants sont rois, et l’art de séduire se paye à coup de gros billets et de coupes de champagne. Deux personnalités dominent la scène : le très élégant Yudai, dont les clientes goûtent la distinction et l’oreille attentive, et Kate Sanders, l’Anglaise fascinante, la plus recherchée des hôtesses du Club Gaïa, l’un des derniers lieux où les fidèles apprécient plus le charme et l’exquise compagnie féminine que les plaisirs charnels.

Pourtant, sans prévenir, la jeune femme disparaît. Le piège de Kabukicho s’est-il refermé ? À Londres, son père reçoit sur son téléphone portable une photo où elle apparaît, les yeux clos, suivie de ce message : « Elle dort ici. » Bouleversé, mais déterminé à retrouver sa fille, Sanders prend le premier avion pour Tokyo, où Marie, colocataire et amie de Kate, l’aidera dans sa recherche. Yamada, l’imperturbable capitaine de police du quartier de Shinjuku, mènera quant à lui l’enquête officielle. »

Dominique Sylvain nous fait découvrir un quartier chaud de Tokyo, où les activités de chaque établissement sont très hiérarchisées, des bars chics à hôtesses (ou hôtes) qui offrent simplement leur compagnie à leur client, libres d’aller plus loin si ça leur chante jusqu’aux bouges les plus sordides. Le tout contrôlé par la mafia qui se fait plus ou moins discrète selon la clientèle mais n’en est pas moins présente et les yakusas ne rigolent pas, point commun à toutes les mafias du monde.

C’est dans cet univers que travaille Kate, dans la partie la plus « gentille » du quartier, ainsi que sa colocataire Marie. Kate est la star de toutes les hôtesses, très amie avec sa patronne et son homologue masculin Yudai, hôte célèbre lui aussi, réconfort des prostituées qui recherchent la romance après leurs heures de travail. Tout cet univers étrange où le raffiné côtoie le vulgaire est bien décrit par Dominique Sylvain et dépayse bien le lecteur qui comme moi ne connaît pas grand-chose au Japon.

Quand Kate disparaît, l’enquête est confiée à un vieux flic amnésique Yamada qui compense son manque de mémoire par la consultation systématique des archives. Il découvre ainsi que le message envoyé à la famille correspond au mode opératoire d’un tueur psychopathe qui vient d’être exécuté. Les proches de Kate s’affolent, la police aussi.

On assiste au cours de l’enquête à la confrontation de différents modes de fonctionnement entre les deux enquêteurs, soumis à une grande pression car cette affaire a un retentissement international : ils ne doivent pas perdre la face et le coéquipier de Yamada, jeune loup aux dents longues a des méthodes beaucoup plus expéditives qu’il veut plus modernes que Yamada.

On découvre un peu l’étrangeté du Japon qui a fasciné Kate et comment les codes peuvent être différents. Dominique Sylvain suit trois personnages principaux: Yudai, Yamada et Marie en alternant les points de vue. Et le récit bascule, on comprend vite qui est le tueur, véritable psychopathe qui a une bonne longueur d’avance sur les flics. On plonge alors dans une folie bien noire, mais peut-être pas assez… je n’ai pas réussi à me passionner réellement pour cette histoire, à entrer en empathie avec les personnages. Pourtant le suspense demeure et on lit jusqu’au bout pour savoir si les flics vont combler leur retard et réussir à l’arrêter.

Un polar bien ficelé donc.

Raccoon

 

 

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