Une molécule de soufre volatile a la fragrance âcre et pénétrante. Elle a des vertus bronchiques mais elle repousse de même les velléités de rapprochement de nos congénères. Ce jaune soufre n’est pas la teinte capillaire arborée par une Esther mais par Marisa, l’un des points cardinaux de ce récit néo-polar. En partant d’un point noir, pas un comédon, Bablon trace deux lignes formant un ovale qui invariablement se rejoindront…

«D’un côté il y a Rafa pour qui le boulot se fait rare et qui, diplôme en poche, se voit contraint d’enchaîner des jobs merdiques. Avec sa chance insolente, il est même possible qu’une bande de cons viennent braquer la caisse de la station-service où il bosse… De l’autre il y a Warren, parti à l’autre bout du pays sur une moto volée à la recherche d’une petite sœur qu’il n’a jamais vue… Elle, c’est Marisa, une forte tête n’ayant que moyennement confiance en l’homme, et qui après avoir incendié un dépôt de nourriture et tenté d’empoisonner les animaux du zoo, ne compte vraiment pas s’embarrasser d’un frère dont elle n’a rien à faire ! Une mère excessive d’un côté, un père tué par balle de l’autre, un pactole qui tombe du ciel, un assassin qui court toujours… Tout est apparemment là pour que les retrouvailles n’aient rien d’un conte de fées et se règlent à coups de flingues… »

Il y donc quatre pôles dans ce roman, qui n’a que de jaune son titre et la tignasse de l’un d’eux, quatre pôles qui se frôlent, qui se croisent, qui se repoussent, qui inter-agissent. La force de l’ouvrage se loge dans l’énergie de parcours de vie chaotique qui cherche des réponses à des questions pas toujours claires dans l’esprit des protagonistes. Sans se départir de son style direct, Bablon fait mouche à chaque frappe de son stylet et l’on se prend à éprouver de la sympathie pour ce quatuor. On ne peut pourtant pas avouer que ceux-ci soient doués pour la sociabilisation, ni pour la quiétude d’une vie conformiste. Mais leurs souffrances conscientes ou inconscientes dessinent intangiblement la forme d’un fractale.

Bablon, sous couvert de son ouvrage uppercut, nous adresse en filigrane des réflexions sur la mono-parentalité  et l’éducation d’enfants hors du cadre de la famille conventionnelle. Il impose son rythme et nous capte dans sa tarentelle littéraire.

Le jaune est l’empreinte chromatique de ce chapitre toujours plus noir, je parierais pour le mauve funeste pour le prochain!

Chouchou.